Fiction: Zéphyr et Azur (terminée)

Leur deux vies sont mêlées, elle devront se dire adieu...
Classé: -12D | Drame / Romance | Mots: 8012 | Comments: 7 | Favs: 4
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kuroekai (Féminin), le 15/12/2010




Chapitre 1: Zéphyr et Azur



Le vent, glacé, impitoyable, serpent invisible qui s’infiltre partout et mords la chair de ses dents acérées. Il embarque dans sa danse de fins éclats de diamant gelés qui muent pour devenir gouttes au contact de la peau. La beauté est souvent masque de danger, et les paysages d’hivers comme un reptile arc en ciel cachent sous leur innocente blancheur des souffrances plus brûlantes que le feu.
Dans ce brouillard d’un matin hivernal, deux ombres s’approchent, silencieuses et anonymes, des portes du village caché de la feuille qui s’éveille à peine de la nuit froide et tenace. Leurs pas sont sûrs et si silencieux qu’ils ne répondent qu’à l’écho du craquement des branches misent à mal par le souffle glacé du vent dans leur feuillage dévasté. Dans quelques mois, cette forêt de spectre redeviendra verte et abondante et masquera de nouveau les habitants de Konoha à la face du monde. Mais pour l’heure, les portes du village surplombent de leur hauteur cette nature en ruine et les sentinelles qui en surveillent le passage, comme deux gargouilles de pierre, se tiennent droites et fières malgré le froid mordant.

- Je vois quelque chose là-bas, déclare le premier. Sur le chemin…

Les deux hommes se placent comme un rempart devant la majestueuse entrée et attendent, fébrile, les deux visiteurs. Comment expliquer cette sensation de suffocation alors que ces deux silhouettes visiblement humaines leurs donnent l’impression de faire face à deux colosses. Ils ne sont plus qu’à quelques mètres, leur chakra est étouffant et pourtant si calme, si serein. L’échange ne dure que quelques minutes, et puis, l’une des deux sentinelles cours au poste de garde quelques mètres plus loin et ressort avec trois hommes. Le premier cours comme un démens vers le palais de l’Hokage, les autres entourent les deux inconnus et les escortent vers la même destination avec plus de calme. Dans les rues qui commencent à s’animer, les regards se tournent sur ces deux étrangers qu’on amène en bonne garde au palais de la cinquième. Qui sont-ils ? Que cachent ces capes noires sous leur sombre tissu ?
Mais le cortège avance, sans bruit, sans réponse, sans un regard, laissant derrière lui cette aura de puissance tranquille. Les curieux chuchotent, les moins braves ferment boutique, tous se questionnent. Enfin ils pénètrent dans le palais, contrastant de leurs habits noirs avec le rouge brique de la majestueuse construction. Ils traversent les couloirs, déserts à une heure si matinale, et avancent encore et toujours. Enfin la grande porte du bureau de la cinquième s’élève devant eux. L’un des gardes leur annonce que la cinquième n’est pas levée et qu’elle les recevra dans les plus brefs délais. Ils les saluent respectueusement et tournent les talons.

Dehors, la rumeur se répand en murmure, et tandis que des ninjas affluent en nombres vers le palais, la foule anonyme se presse devant le bâtiment. Les gardes du palais contrôlent les entrées, où, exceptionnellement, seuls les jounins sont habilités à pénétrer. Les couloirs s’animent alors que des groupes de jounins arrivent devant les portes du bureau de Godaime. Ils s’arrêtent et observent. Devant eux, les silhouettes anonymes attendent. L’un adossé au mur la tête baissée, les bras croisés et le genou légèrement relevé, le second, accroupi, les fesses posées sur ses talons, les genoux un peu écartés et les bras posés nonchalamment sur les cuisses. Les jounins se pressent dans le petit hall, chuchotent entre eux alors que des regards curieux tentent de percer l’obscurité des capuches des deux visiteurs. Déjà 20 minutes qu’ils attendent dans ce fichu hall, épiés comme des animaux de foire. Enfin les portes s’ouvrent faisant s’abattre le silence dans l’assemblée. La conseillère de la cinquième sort de la pièce encore obscure.

-Hokage-sama va vous recevoir, déclare-t-elle en se penchant respectueusement.

Sans un mot, les deux silhouettes se redressent et marchent vers la pièce. L’endroit n’a pas changé, toujours aussi bordélique et nimbé d’une forte odeur de saké, pas plus que la femme blonde assise au bureau, le menton posé sur ses doigts entremêlés. A côté d’elle, une jeune fille aux cheveux roses se tient debout, droite et immobile, retenant son souffle devenu laborieux à cause de l’émotion. Les deux visiteurs s’approchent de quelques pas puis s’agenouillent respectueusement en baissant la tête.

- Sasuke… Naruto, vous n’avez pas à vous agenouiller, déclare la cinquième émue.

En entendant leurs prénoms, les deux jeunes hommes enlèvent leur capuche dans un geste lent et se relèvent doucement. Le premier, un peu plus petit que le second, n’a pas changé, ou si peu. Il est toujours aussi pâle, aussi beau comme pensent beaucoup de jeunes filles. Son visage est fin, ses cheveux noirs comme l’ébène sont en bataille à l’arrière de son crâne alors que des mèches tombent de part et d’autre de ses tempes. Seuls ses yeux semblent avoir changés. Autrefois d’une noirceur froide qui transpirait la douleur, ils sont aujourd’hui apaisés, calme quoique toujours aussi distant. Le deuxième, lui, ne pourrait pas moins ressemblait à l’adolescent joyeux qui a quitté le village trois ans plus tôt. Son visage rond s’est affiné, faisant ressortir ses mâchoires lorsqu’il serre les dents, sa peau autrefois hâlée a légèrement blanchie, ses joues se sont un peu creusées, et que dire de ses yeux azurs devenus graves et masqués par les mèches blondes qui tombent sur son visage, de cette bouche dure qui ne sourit plus bêtement comme autrefois. Où est passé le petit Naruto rieur et bougon, un peu lourd mais toujours plein de vie ? Qui aurait cru le retrouver dans ce jeune homme de vingt ans à la beauté dure et hypnotique ?

Là encore, l’échange est bref. La cinquième pose des questions, Sasuke y répond brièvement et Sakura pleure alors que malgré ses tentatives, le sourire de Naruto reste le grand absent de ses retrouvailles. Bientôt, tout est dit et les deux ninjas s’inclinent et tournent les talons. Dans le couloir, la foule grossie par un afflux constant de nouveaux arrivants s’étend à tout le bâtiment dans un vacarme assourdissant que seule l’ouverture des lourdes portes du bureau de l’hokage semble pouvoir stopper. Les ninjas retiennent leur souffle alors que les deux « héros » du village sortent d’un pas lent de la pièce et entament leur marche en sens inverse dans les couloirs du bâtiment. Aucun signe, aucun geste, ils passent comme de parfaits inconnus devant une foule d’anonymes qui étaient autrefois leurs amis, leurs professeurs, leur ainés, leurs camarades. Ils marchent côte à côte, dans une démarche si différente et tout à la fois si semblable. Leurs gestes se répondent, s’harmonisent, à ce moment précis, dans la foule, on se dit que l’un ne va pas sans l’autre, qu’il semble impossible de dissocier leurs deux êtres alors que même leur chakra semble communiquer. Et puis il passe l’angle du couloir et disparaissent comme des ombres, ou plutôt comme les Ombres de Konoha, comme le font les deux ninjas du mythe dont parlent tant de gens par delà les frontière du pays du feu.
Dehors, la foule attend fébrile l’arrivée des deux Ombres, en vain. Ils ne franchiront jamais les portes et ne descendrons pas le grand l’escalier, ils sont déjà loin, seuls, comme si souvent depuis trois ans.

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Trois ans auparavant…
Dans le bureau de la cinquième, en ce jour de pluie, le tonnerre ne pouvait couvrir le vacarme assourdissant de la colère de l’hokage face à deux jeunes ninjas. Face à elle, Naruto et Sasuke soutenaient avec un aplomb déconcertant la tempête de la tornade blonde alors qu’à côté d’eux, Sakura pleurait et que Kakashi, le célèbre ninja copieur, cachait tant bien que mal son visage soucieux.

- C’est hors de question !!! C’est clair ? Non mais à quoi pensez-vous ? S’il y a bien deux personnes qui ne doivent pas quitter le village c’est vous. Toi Naruto, parce que l’Akatsuki est à tes trousses et toi Sasuke parce que Madara veut absolument te mettre la main dessus et parce que tu es encore considéré comme un déserteur en période d’essai ! Et vous, vous voulez que je vous laisse partir, seuls ?!!! Alors je vous le répète, c’est hors de question.

-Tsunade, commença Naruto, nous partirons, que ce soit, avec ou sans votre accord. Parce que nous devons devenir plus fort pour protéger le village, et parce que nous ici, Konoha sera toujours en danger. Faites de nous des déserteurs si vous le voulez, mais nous partirons.

-Tu te rends compte de ce que tu me demandes ? Si je vous laisse partir, vous pourriez être tués, et si je fais de vous des déserteurs, vous serez traqués, comme des chiens. Bon sang Sasuke, tu sais ce que c’est, fais lui entendre raison !!

-Je suis désolé Hokage-sama, mais malgré tout le respect que je vous dois, Naruto a raison. C’est notre combat, vous n’avez pas à interférer.

La cinquième s’assit lourdement sur son fauteuil et se massa les tempes. Devant le discours de Sasuke, les larmes de Sakura avaient redoublées et Kakashi lui-même peinait à se contenir. Pourtant, le calme revint et au bout de quelques minutes, Tsunade se releva, le regard éteint, elle avait capitulé.

-Très bien, partez… Mais vous devrez me tenir au courant de vos déplacement et vous tenir prêt à accomplir des missions pour le village, et… Et si quelque chose devait arriver, je veux être prévenue dans l’instant.

-Merci la vieille…

-Merci, Hokage-sama.

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Le quartier Uchiwa. Lorsque Sasuke était rentré au village quatre ans plus tôt, il avait remis le clan en état, du moins une partie. Trop de souvenirs le rattachaient encore au dojo qu’il habitait avec ses parents et son frère, trop de fantômes. Le spectre du funeste devoir qu’avait dû accomplir Itachi flottait encore au dessus de lui, trop présent pour être oublié, trop honteux pour être totalement pardonné. Pourtant, il avait fait construire une pierre mémorial avec le nom des membres du clan, dont celui de son frère, sur laquelle il venait souvent se recueillir avant sa fuite avec Naruto.

Aujourd’hui, dans l’épais manteau de neige, le quartier Uchiwa semble presque rassurant. Sasuke regarde Naruto qui marche à côté de lui, les sourcils froncés et les paupières à demi fermées pour se protéger du vent. Lorsqu’il l’a entendu dire qu’il s’installerait avec lui, dans le clan, ça ne l’a ni surpris, ni choqué. Peut-être après trois ans passé seuls tous les deux, ne peuvent-ils plus faire marche arrière ? Peut-être qu’ils ne pourront plus jamais vivre l’un sans l’autre ? Naruto est devenu une extension de lui-même, ses yeux et ses oreilles, lorsqu’il est endormi, une présence rassurante de tout instant, une source indéfectible de chaleur.

Il n’a jamais compris son propre comportement, son abandon face aux yeux bleus de Naruto qui au fil du temps ont perdus leur éclat. Il n’a jamais compris pourquoi par une nuit fraîche, un soir alors qu’ils dormaient dans une grotte humide, il était aller s’allonger dans la paillasse de Naruto, pourquoi il s’était donné, nu, offert à la froideur naissante dans le cœur de son ami. L’autre, l’avait pris avec tant de brutalité dans les gestes et tant de douleur dans le regard qu’il en avait été bouleversé. Alors il avait continué à s’offrir dès qu’il voyait Naruto sombrer dans la solitude, s’acharner à devenir plus fort, et oublier peu à peu le petit blond souriant qui malgré son caractère entêté ne parviendrai jamais à obtenir assez de puissance pour venir à bout de ses ennemis. Il avait cru que cela passerait, que l’autre Naruto n’était pas mort, qu’en se donnant à lui, il pouvait faire revivre l’espace d’un instant un peu de ce soleil aujourd’hui disparu. Mais une partie de Naruto était bien morte, à force de sacrifices et d’épreuves, il était devenu puissant en tarissant son cœur, triste reflet de ce qu’il avait toujours combattu chez Sasuke, qui, par un curieux coup du destin s’ouvrait lui de plus en plus à la vie. Dans cet inversement des rôles, les sentiments refoulés de Sasuke avaient muris et si il s’offrait à l’autre pour combler le vide qui naissait dans son cœur, il était aussi poussé par le désir plus égoïste de sentir la chaleur brûlante du corps de son ami contre sa propre peau.
Que ressentait Naruto ? Là était le véritable mystère. Rien, sans doute, ou guère plus que Sasuke lui-même il y a quelques années. La triste ironie de se sentir rejeter et à la fois dépendant d’un cœur autrefois si généreux avait achevé de rendre l’Uchiwa désespéré, victime de l’accord tacite qui l’obligeait à n’en rien faire paraître.

Sasuke sort de ses pensées alors qu’ils franchissent tout deux les portes du dojo qu’ils on réaménagé ensemble. La pièce est froide, bleuté, nimbé d’une odeur de bois humide. Ils posent leurs sacs sur le sol, l’un va allumer le feu alors que l’autre s’écroule dans le canapé, les yeux posés sur le plafond, emplis d’une douleur sourde.
Le voilà de retour chez lui. Il les as revus, leurs visages souriants, admirateurs, gais. Il est jaloux de leur innocence, il lui semble que le plus amer d’entre eux est un homme heureux comparé à lui. Le bonheur. Cette notion abstraite qui, avant qu’elle ne le quitte, ne lui semblait pas palpable. Pourtant le vide en lui ne lui rappelle que trop bien que le bonheur le fuit, le laissant seul à la merci des peines et des souffrances. Il sourit. Triste ironie de penser que ces futures souffrances pourraient lui causer plus de bonheur que toutes les joies du Monde.
Il sent une masse s’asseoir à côté de lui. Pas besoin de tourner la tête, ni même de détourner son regard du plafond pour comprendre que c’est Sasuke. D’une, parce qu’ils ne sont que deux dans la maison, de deux, parce que même dans la foule, il reconnaît toujours la présence de l’autre lorsqu’il est prêt de lui. Lui, et son insupportable regard de pitié, cette peur dans ses yeux. De quoi a-t-il peur ? De lui, de ce qu’il est devenu, sans doute.

- Naruto Uzumaki et Sasuke Uchiwa, héros de Konoha… Qui l’aurait cru ?

Il se relève lentement, ses muscles lui font mal, ses paumons sont contractés et c’est dans un sifflement qu’il souffle en étirant ses bras.

- Le héro ne sera bientôt plus là, murmure-t-il en regardant la neige qui commence à tomber.

- Tu comptes repartir ?

Pour toute réponse, l’autre se contente de lui sourire. Un sourire faux, triste, indéchiffrable, énigmatique, l’un de ces sourires qu’il lui adresse depuis quelques temps, et qui semble n’être qu’un fossile amer de ces rictus radieux d’autrefois. Et puis il s’en va, il dit qu’il doit prendre une douche.
Le brun s’affaisse dans le canapé, et regarde la neige à son tour. Peut-être en regardant la même chose que sont ami pourra-t-il entrevoir ce que l’autre y perçoit. Peut-être. Il rêvasse, somnole un peu.
On frappe à la porte. C’est Shikamaru, Sasuke le sait avant même d’aller ouvrir la porte. Il a souvent partagé des missions avec eux pendant ces trois ans, le seul d’ailleurs à avoir pu s’immiscer dans leur monde, le seul qui, sans l’avoir cherché, a réussi à les comprendre, à le comprendre lui, ses actes.

- Salut Shikamaru, fait-il en ouvrant la porte.

- Salut.

Ils se serrent l’un l’autre dans les bras. Shikamaru entre, enlève sa veste, son écharpe et s’installe sur le canapé.

-Tu veux un thé ? Je ne suis pas sûr d’en avoir mais je vais regarder.

-Je veux bien. Et tu en as, j’en ai acheté il y a quelques jours. Fais pas cette tête. Quand tu m’as donné les clés tu te doutais bien que je viendrais squatter de temps en temps pour échapper à mes ordres de missions.

-Ça a marché ? demande l’autre en fouillant les placards.

-Non. Tu connais Godaime, elle serait capable de venir me chercher par la peau du cul au fin fond de l’enfer…

-Je ne t’ai pas vu au palais tout à l’heure.

-J’avais autre chose à faire que de venir vous acclamer comme une groupie !

-Les autres aussi auraient pu s’en passer…

-Pour deux mecs qui rentrent chez eux après trois ans d’absences, on m’a dit que vous ne transpiriez pas la joie… Venant de toi, ça n’a rien de très étonnant, mais Naruto…

Il laisse sa phrase en suspens, Sasuke ajoutera quelque chose s’il en a envie. L’un se cache derrière sa décontraction naturelle, l’autre sous sa froideur apparente, mais tous deux sont inquiets. Sasuke apporte le thé, mais reste debout dans une invitation silencieuse à le suivre. Shika se lève et suit l’autre jusqu’au dehors, ils s’assoient sur un banc et observent la neige tomber et recouvrir de son innocence les derniers vestiges de pierre du mur d’enceinte. Pendant quelques minutes, ils ne disent rien, puis la voix monocorde de Sasuke s’élève dans le calme de l’hiver.

- Au début j’ai cru qu’il nous suffirait de battre l’Akatsuki pour qu’il redevienne comme avant, mais je me trompais. Alors je me suis dit qu’en rentrant à Konoha, il changerait, qu’en voyant tous ses amis, il sourirait à nouveau, même un peu.

- Ça prendra du temps, mais il reviendra…

- Je crois qu’il veut repartir, mais seul cette fois… Il ne le dit pas clairement, mais il fait des allusions, il me sourit comme si il me disait adieu, il regarde l’horizon pendant des heures, il passe le plus clair de son temps seul, en prétextant des trucs stupides, « je vais faire un tour de reconnaissance », « je vais me dégourdir les jambes », « je vais prendre une douche »…

- Tu as quelques chose contre le fait que je me lave Uchiwa, lance une voix derrière eux, alors qu’un jeune homme aux cheveux d’or, mouillés et en bataille s’approche torse nu, une serviette autour du cou. Salut Shika.

- Salut Naruto, répond l’intéressé alors que l’autre s’assoit sur la terrasse, les jambes ballantes effleurant presque l’épais tapis blanc.

-Tu devrais te couvrir… intervient l’Uchiwa avant de prendre une gorgée de thé.

Naruto ne répond pas, bascule la tête en arrière en humant l’air dans un imperceptible sourire, la tête enfoncée dans ses épaules, alors que son poids repose sur ses bras tendus derrière lui. La chair de poule commence à s’étendre sur son corps, ses tétons se durcissent sous l’effet du froid. La fraîcheur le brûle, son corps se raidit, ses muscles se crispent alors qu’il se sent étrangement vivant. Alors devant le regard ébahit de Shika et celui plus troublé et inquiet de l’autre brun, il se lève et marche dans la neige, la faisant craquer sous ses pieds, rompant avec le silence majestueux des lieux. Il s’arrête, un instant et puis lentement, il s’allonge, tressaillant lorsque le sol glacé rentre en contact avec son corps dans une morsure douloureuse et rassurante. Allongé dans son linceul blanc et froid, il regarde comme un enfant les oiseaux voler au dessus de lui, alors qu’une larme coule sur sa tempe. Bientôt, il volera à son tour. Bientôt.
Puis, la voix de Sasuke le ramène à la réalité, il tourne le visage vers lui, à présent debout, près à courir vers lui, comme toujours. Il se relève doucement comme pour ne pas déformer l’empreinte de son corps dans la neige, puis il se tourne et repart vers le dojo où Sasuke l’attend déjà avec une couverture et une tasse de thé chaud, qui lorsqu’il la prend le brûle à cause de l’écart brutal de température.

-On peut savoir ce que c’était que ça ? demande Shikamaru encore abasourdi. Un nouveau rituel, une technique d’invocation, ou de l’auto flagellation par le froid peut être ?

-J’adore m’allonger dans la neige… Tout est toujours plus chaud après. Et arrêtez de me regarder comme un illuminé, je vais bien.

-C’est ce qu’on a pu constater… renchérit Sasuke.

-Si c’est une tentative pour faire de l’humour, Uchiwa, alors t’as encore besoin d’entrainement.

-Ok. On se calme vous deux ! intervient le jeune Nara.

Le silence s’installe, une fois de plus, pesant, avant que Shikamaru ne le rompe.

-Les autres, enfin, ceux de la promo, ont organisé une petite bouffe pour votre retour, et… Enfin comme c’est pour votre retour, ce serait relativement pas mal si vous pouviez venir.

-Donc ils t'ont envoyé toi pour faire passer la pilule…

-Écoute Sasuke, je sais que la sociabilité ce n’est pas ton fort, mais comprends-les. Ça fait des années qu’on leur parle des deux « Ombres de Konoha », ces deux super-héros invincibles… Je crois qu’ils ont juste besoin de retrouver leurs deux amis, et pas deux connards avec des supers pouvoirs.

-On viendra Shika, dis-nous la date, et on viendra, répond Naruto.

-Dans trois jours, chez les Hyuuga. Ou plutôt devrais-je dire chez les Hyuuga-Inuzuka…

-Kiba et Hinata sont ensemble ? demande Sasuke perplexe, en relevant la tête de sa tasse de thé.

-Fiancés, bientôt mariés. Quand Naruto est parti, il a bien fallu qu’elle se console…

-Je suis content pour elle… déclare Naruto avec une voix lointaine. Mais ça en fait une de moins pour toi Sasuke… Rassure-moi Shika, Ino et Sakura sont encore libres ?

-Je crois oui.

-Alors tout espoir n’est pas perdu, lance Naruto en se relevant d’un bond et en adressant à Sasuke un regard espiègle, avant de rentrer dans le dojo en saluant Shikamaru de la main.

Pourquoi faisait-il cela ? Depuis quelques temps, il n’a de cesse de le pousser à avouer son attirance pour telle ou telle jeune fille, à faire des allusions douteuses, de vanter les mérites des kunoichis de Konoha.
Sasuke et Shikamaru ne discutent pas très longtemps après le départ de Naruto, ou de sujets si futiles qu’il leur semble qu’il est temps de se séparer. Sitôt le jeune Nara parti, Sasuke entre dans le dojo. Il est épuisé, il a froid, faim, mais plus que tout, besoin de sentir les bras forts et chauds de Naruto autour de lui, pas pour le rassurer, mais être sur que l’autre est toujours là, qu’il ne l’a pas abandonné. Il voudrait l’enfermer, le forcer à tout lui dire, à lui expliquer l’étrange lueur qu’il y a dans ses yeux depuis quelques semaines, à l’aider à comprendre son étrange comportement, mais il ne peut pas. Il ne peut que regarder cet être insaisissable s’éloigner lentement, sans un bruit, sans un mot.
Il plonge dans un sommeil tourmenté, alors que dans la pièce voisine, l’objet de ses obsessions pleure, silencieusement, de joie ou de tristesse, qui pourrait le dire.

Les jours, et les semaines passent. Naruto et Sasuke voient leurs anciens amis régulièrement. Dans la rue, on vient leur serrer la main, les prendre en photo, les élèves de l’Académie leur demande des conseils, les appellent Uchiwa-sama et Uzumaki-sama.
Le froid manteau d’Hivers laisse place à un temps doux ou les bourgeons éclosent. Le printemps est là, magnifique, coloré, festif et avec lui, le cœur de Naruto semble se peindre de mille émotions perdues. Pourtant son regard se fait de plus en plus lointain, son comportement plus énigmatique, alors que lorsque Sasuke s’offre à lui pour faire ressurgir une étincelle de vie dans ses yeux, il lui adresse un regard tendre qui fait écho à la douceur de ses gestes. Le brun est heureux et terrifié à la fois. A présent il le sait, sa douceur, ses regards et ses sourires, sont autant d’adieu qu’il ne prononce pas alors que sur son visage une étrange sérénité a remplacé les tourments.
Mais tout à la fois, il continu son manège, le pousse vers d’autres bras, ceux des jeunes filles de Konoha, ceux de Sakura, et parfois alors qu’il les force à danser ensemble il les regarde avec un regard désolé et à la fois heureux.

Un soir, alors qu’il est allongé dans son lit, Sasuke voit la porte de sa chambre s’ouvrir. La silhouette qui marche vers lui, il ne la connait que trop bien. Il ne tourne pas les yeux vers elle alors quelle passe l’angle du lit, il ne la tourne pas non plus quand l’ombre se glisse dans les draps dans un bruissement sourd. L’autre vient se blottir contre lui, attend fébrilement un geste de part. Une main vient caresser sa joue pâle alors que doucement il tourne son visage vers celui de l’intrus tant aimé qui le regarde dans le fond des yeux avant de poser ses lèvres sur les siennes avec une douceur désespérée.
Leur corps se rapprochent, dans des mouvements lents, lents et doux comme ils ne l’ont jamais été auparavant. Sasuke se laisse bercer par les étreintes chaudes de l’autre, par sa lenteur, sa douceur, son désir. Il se laisse déshabillé, sans esquissé un mouvement de peur de briser cet instant de grâce. Il est nu, l’autre aussi. Alors, leurs corps se mêlent, se gouttent, tandis que leur soupirs se répondent. Sasuke est bouleversé par tant d’amour, tant de tendresse, tant d’émotions qui se mêlent alors que le plaisir monte et que l’homme sur lui étouffe des sanglots au creux de son cou. Il le serre plus fort contre, l’enserre de ses jambes, pleurs avec lui, de joie, d’empathie, de tristesse il n’en sait rien. Le temps reste suspendu, alors qu’ils atteignent ensemble le nirvana. Il reste là quelques secondes, quelques minutes, une heure peut être, l’un couché sur l’autre encadrant son visage de ses bras fin et musclé, une main perdue dans la chevelure brune qu’il serre pour ne pas qu’elle s’échappe, l’autre, le serrant comme un dément pour le retenir, les mains posées dans son dos, le caressant lentement en des gestes rassurants.
Et puis, le blond retombe péniblement sur le côté dans des sanglots de moins en moins violents, l’autre le regarde sans oser bouger. Il ne veut pas le voir partir, pas maintenant, pas après cette déclaration sans mot, pas après une union si parfaite. Il attend, un geste, une parole. Et puis une tête blonde vient se poser sur sa poitrine, une main se perd sur son torse, et des gouttes humides caressent sa peau dans un silence ponctué seulement par le bruit de la pluie s’écrasant sur les fenêtres et le souffle saccadé de son ami toujours en pleurs. Alors, le brun serre l’autre contre lui et le recouvre du drap. Il voudrait savoir pourquoi l’autre pleure, pourquoi il lui a donné tant d’amour, savoir si ce n’était que pour cette nuit, ou si toutes les prochaines fois ressembleront à celle-ci, savoir si il a le droit d’espérer. Mais il ne dit rien, il le tient contre lui et s’endort en s’entant le souffle de l’autre devenir régulier.

Le lendemain Sasuke se réveille en sursaut. Le vide laissé par le corps absent de Naruto l’a réveillé. Il se lève, espérant voir l’autre lui sourire, l’embrasser, mais aussi inquiet de le trouver comme d’habitude, impassible, le regard perdu dans la contemplation d’un point imaginaire dans un horizon qui n’a pour limite qu’un mur gris et terne. La pièce est vide tout semble normal, pourtant en avançant un peu, il trouve dans l’entrée du Dojo les affaires empilées de son camarade et amant. Il reste là sans comprendre alors que l’autre marche vers lui, son manteau sur les épaules.

-J’ai fait un tour pour m’assurer que je n’ai rien oublié.

-Qu’est-ce que tu fais ? Je ne t’ai pas demandé de partir.

-Non, et tu ne le feras pas, c’est bien le problème.

-Je ne comprends pas… Explique-moi bordel ! s’énerve Sasuke.

-Tu dois reconstruire ton clan Sasuke. Tu l’as promis à ton frère, tu me l’as promis, et tu te l’ais promis à toi-même. Tu ne pourras pas le faire si je reste ici. Tu dois trouver une femme et

-C’EST DES CONNERIES !! hurle l’Uchiwa en balançant le sac de son ami. J’ai pas besoin de reconstruire mon clan, je ne peux pas le reconstruire c’est trop tard ! Ce n’est pas ça que je veux !

-Je sais ce que tu veux, ce que tu voudrais obtenir, ce que tu voudrais que je te donne mais ce n’est pas possible…

-Mais tu…

-Je ne t’aime pas, je ne t’aimerais jamais, du moins pas comme tu le voudrais.

Sasuke reste pétrifié alors que Naruto ramasse son sac et le place sur son épaule, sans un regard. Il marche vers la porte et s’arrête :

-Prends soin de toi, dit-il sans se retourner, avant de quitter définitivement le champ de vision de l’Uchiwa qui se laisse tomber sur le canapé, le souffle coupé alors que ses mâchoires se mettent à trembler.

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Une semaine plus tôt…
Naruto attendait devant la porte du bureau de la cinquième. Il était tard, les couloirs du palais étaient déserts, calmes, rassurants dans leur immensité marbrée. Seul sur son banc, le jeune homme patientait fébrilement, cette conversation qu’il avait craint depuis des mois arriverait bientôt et il devait trouver la force de la mener jusqu’au bout, trouver la force de faire ses adieux, d’expliquer ses choix.
La porte s’ouvrit et Shizune l’invita à entrer. Il regarda la jeune femme lui sourire, impatiente semble-t-il d’assister à l’annonce de l’aboutissement du rêve d’un enfant qui avait juré au monde qu’il serait un Hokage de Konoha malgré toute les épreuves qu’il avait traversées. Il avança jusqu’au bureau de la cinquième. Elle était seule, un sourire affectueux et emplis de fierté sur les lèvres, un sourire qui rendrait la tâche du jeune ninja d’autant plus pénible.

-Assieds-toi Naruto, commença Godaime.

Le jeune homme s’exécuta plus par politesse que par recherche d’un quelconque confort, car s’il il s’était écouté, il serait resté debout, position qui rendait la fuite plus facile.

-Comme tu le sais sûrement, j’ai annoncé au conseil que je cherchais un successeur. Konoha a besoin d’un Hokage jeune, droit et fort, comme l’était ton père. Et, comme tu l’auras sans doute deviné, mon choix s’est immédiatement porté sur toi. Tu es de loin le meilleur shinobi que Konoha ait vu naître depuis des années et tu es un jeune homme intelligent, capable, droit et entêté. Alors, Naruto Uzumaki, au nom du conseil et en mon nom aussi je te propose de devenir le futur Rokudaime du village de Konoha.

Un flottement accueilli l’annonce de la cinquième, un peu déconcertée par ce manque de réaction de la part du jeune homme.

-Et bien ?

-Je vous remercie d’avoir porté votre choix sur moi Hokage-sama, et je suis fier de mériter votre confiance à un poste aussi élevé… commença Naruto alors que le visage de Tsunade rayonnait. Toutefois, je ne peux pas accepter l’honneur que vous me faites, et je refuse le poste de Rokudaime.

-Qu..Quoi ? Mais enfin Naruto, c’est une plaisanterie ! Tu répètes à qui veut bien l’entendre que tu deviendras hokage depuis que tu es enfant, et maintenant que tu touches ton rêve du doigt, tu refuses ?

-J’ai peur de ne pas être en mesure de remplir mes fonctions avec le laps de temps qu’il me reste.

-Comment ça « avec le laps de temps qu’il me reste » ?

Naruto baissa la tête quelques instants alors que de l’autre côté du bureau, l’Hokage et sa secrétaire se regardaient incrédule, essayant de déchiffrer le sens caché de cette phrase énigmatique. Lorsqu’il releva la tête, les yeux de Naruto étaient illuminés par une détermination inébranlable.

-Kyuubi est en train de mourir…

-Kyu… Kyuubi est en train de mourir…Mais quel rapport avec toi ?

-Si le bijuu meurt à l’intérieur de son porteur, alors celui-ci mourra aussi… Je vais mourir Tsunade.

Le silence s’abattit dans la pièce, lourd, pesant, insupportable pour le jeune Uzumaki.

-Mais non voyons, s’énerva La cinquième en se relevant d’un bond et plus pour elle-même. Il doit y avoir une solution !

-Le libérer… L’enfermement dans un corps humain est ce qui cause sa faiblesse, répondit Naruto d’une voix étrangement posée et calme. Ou bien le transférer dans une autre personne. Et là encore, il pourrait retrouver sa puissance dans un nouvel hôte. C’est parce que je l’ai mâté, vaincu, qu’il se laisse mourir. C’est sa vengeance sur moi. S‘ il ne peut pas être libre, alors il mourra, et il m’emmènera avec lui… Ce sont ses mots.

-Alors nous allons préparer un transfert, lâcha Tsunade, les larmes aux yeux.

-NON ! cria soudain Naruto en se levant de sa chaise. Non… Il est temps que les démons disparaissent. Je suis le dernier Jinchuriki qui existe, les bijuus libérés par l’Akatsuki ont disparus avec la destruction de la pierre, mais il en reste un, à l’intérieur de moi. Il doit mourir pour que d’autres fous ne cherchent pas à l’utiliser. Et si… pour cela, je dois mourir avec lui, alors soit… C’est pour cela que je ne peux pas accepter le poste d’Hokage… Il me reste au plus, quelques semaines avant que…

-Naruto… s’étrangla Tsunade dans un sanglot. Tu n’as pas besoin de faire cela… Tu es jeune, tu…

-Je dois le faire… et je le ferais. Mais j’ai besoin de ton aide, la vieille…

-Tout ce que tu voudras Naruto, répondit-elle ne pleurant.

-J’aimerais pouvoir être installé dans une pièce, seul, lorsque la douleur deviendra trop pénible, je ne veux pas qu’on me voit… Enfin, tu comprends ?

-Bien sûr… Bien sûr… OH ! Naruto ! cria-t-elle en se jetant dans ses bras.
..................................

Cela fait maintenant un mois que Naruto a quitté le quartier Uchiwa. Son corps souffre de plus en plus, mais il ne veut pas encore rejoindre la petite chambre que Tsunade lui a préparé chez elle. Avant cela, il veut participer à la fête « surprise » que ses amis on préparé pour ses 21 ans, il veut les revoir tous, une dernière fois, après ce ne sera plus très long. Il peine déjà à rester debout trop longtemps, ses poumons le brûlent, son cœur bat trop vite et sa tête lui fait souffrir le martyre. C’est pour cela que Tsunade a trahi le secret de la fête. Il ne pourra pas s’y rendre sans se perdre dans quelques paradis artificiels qu’elle lui aura donné pour atténuer la douleur. Même ainsi, il n’est pas sûr de pouvoir tenir jusqu’au bout, sans qu’on ne se rende compte de rien. Depuis quelques jours, ses joues se creusent, ses yeux se cernent de noir, sa voix tremble. Il n’a pas fière allure, mais il est toujours aussi beau, comme le lui dit Tsunade tous les jours, en l’assurant qu’on pensera juste qu’il a trop arrosé ses 21 ans avec elle la veille.

Depuis tout ce temps, il n’a pas vu Sasuke, on lui dit qu’il ne sort pas de chez lui, qu’il ne reçoit personne, qu’il ne répond pas aux messages qu’on lui envoi. Il souffre, plus que Naruto ne l’avait craint. Il s’en veut, se fustige, s’insulte, tente de trouver un moyen de calmer l’agonie de son ami, de son autre, mais rien ne vient, car dans tous les cas, il souffrira. Il se console en se disant qu’il vaut mieux que l’Uchiwa le haïsse, qu’on oublie plus vite une personne que l’on méprise. Il lui a donné toutes les raison du monde pour le mépriser, pour son bien. Et pourtant le savoir animé d’un tel sentiment à son égard lui fait mal, plus mal que la mort lente qui peu à peu l’accueille en lui tendant des bras blafards, mais il ne peut pas abandonner maintenant. Il doit rester fort, encore, toujours, jusqu'à son dernier souffle. Ce ne sera plus très long.

La fête arrive. Comme il l’avait prévu, il est noyé dans les limbes des drogues médicinales que Tsunade lui a donné. Les autres le regarde, si souriants, si joyeux, si pleins de vie alors que la sienne le quitte irrévocablement. Pourtant il leur sourit, sincèrement, de son sourire d’avant, lumineux, radieux, enfantin. Tsunade le regarde émue aux larmes en revoyant l’enfant qu’il était, et en pensant à l’adulte magnifique et courageux qu’il est devenu. Elle le contemple dans sa ronde d’adieux dissimulés. Il rit avec tout le monde, cherche des yeux le grand absent de la fête, le seul qui pourrait mettre à bas son masque de joie, il fanfaronne comme un enfant.
Et puis Sasuke arrive, le visage plus marqué encore que celui de son amant mourant. Il ne sourit pas en s’approchant lui, il ne sourit pas non plus lorsqu’il lui souhaite un joyeux anniversaire, ou d’un sourire si triste qu’il ressemble plus à une grimace pathétique.
Le corps de Naruto se crispe en le voyant s’éloigner, une envie incontrôlable de lui demander pardon le submerge, un désir fou de tout lui révéler l’assaille mais il ne bouge pas. L’autre s’est assis sur une chaise et le regarde, les yeux remplis de vide, remplis de sentiments brisés.
Jamais il n’aurait pensé faire tant de mal en essayant de faire le bien, mais il tourne la tête lâchement devant le triste spectacle de son égoïste générosité. La fête continue, tard, trop tard, alors que son corps se brise à chaque heure qui passe. Pourtant il ne veut pas partir, il veut encore profiter des rires, des discussions grotesques de ses amis ivres, de la contemplation des couples qui s’enlacent sur la piste. Il voudrait leur crier qu’il les aime, qu’il regrette de devoir les quitter, qu’ils sont la plus belle famille qu’il aurait put trouver, mais il ne dit rien, ou si peu.
La soirée touche à sa fin, les adieux sont brouillons, trop rapides, trop banals. Bientôt, il ne reste plus que Sasuke à saluer.

-21 ans… Commence le brun avec un sourire faux. On commence à se faire vieux.

-La vie ne s’arrête pas là, répond Naruto, conscient de la triste ironie de sa phrase.

-Ouais, répond l’autre dans un soupir étranglé, avant de serrer son ami dans ses bras. Je suis tellement heureux de te revoir sourire comme avant. Tu deviendras un grand Hokage, Naruto Uzumaki.

Ces mots là finissent de mettre à terre les derniers remparts de Naruto. Il ne peut pas partir en le laissant ainsi, persuadé de son mépris, le laisser souffrir sans jamais qu’il sache à quel point il l’a aimé. Alors il s’effondre et pleure comme un enfant. Tsunade quitte la pièce, les laissant seul, alors que Naruto raconte tout devant un Sasuke qui ne comprends pas, ne veut pas comprendre, ne veut pas accepter l’inacceptable. Il tombe à genoux à son tour et serre l’autre contre lui presque à l’en étouffer, il pleure silencieusement alors que le flot douloureux et bruyants des larmes de son ami ne semblent pas vouloir se tarir. Il ne pleure pas de peur ou de regret, mais de honte.
Il pleure parce qu’il a honte de l’avoir fait souffrir, il pleure parce qu’il n’a pas su comment lui épargner la peine de le voir disparaître, il pleure parce que l’autre l’aime, et enfin il pleure parce qu’il a honte de ne pas être fort jusqu’au bout. Mais Sasuke ne bouge pas, absorbe son chagrin, le serre contre lui, le soutient, le calme et calme sa propre souffrance en soulageant celle de son amour qui se meurt dans ses bras.

Le soir même l’état du Naruto empire. Tsunade insiste pour qu’il s’installe dans la chambre qu’elle lui a préparé, chez elle, mais Sasuke propose alors qu’il revienne avec lui dans le quartier Uchiwa, dans leur chez eux. La cinquième accepte.
Naruto est de plus en plus faible. Sa souffrance ne disparait que lorsqu’il avale des drogues qui le rendent hébété et pathétique, alors, malgré le désaccord de Sasuke, il arrête de les prendre. Il préfère souffrir physiquement plutôt que d’oublier qui il est. Il passe quelques heures sur la terrasse assis dans un fauteuil, Sasuke assis à côté de lui, lui lisant un livre et lui parlant simplement des nouvelles du village. Le temps s’écoule peu à peu, d’abord normalement puis vite, trop vite. Les heures deviennent des minutes et les jours deviennent des heures, alors que la vie quitte peu à peu le corps désormais si faible du blond autrefois rayonnant.

Il y a quelques jours, Tsunade a fait une annonce aux ninjas du village, expliquant l’état de Naruto, les informant qu’il refusait les visites, qu’il s’éteindrait lentement dans la chaleur d’un lit, et que ses souffrances seraient apaisées du mieux possible. Les yeux remplis de larmes, elle insista sur l’héroïsme de ce garçon, sa bravoure et son dévouement, mais surtout sur son incroyable humanité.

Par un après midi doux de printemps, dans la chaleur rassurante d’une chambre à coucher, Naruto Uzumaki vit ses derniers instants. Une main pâle tient la sienne depuis deux jours, sans jamais la lâcher. Tsunade est assise à côté de Kakashi sur deux chaises. Le souffle du jeune homme est lent, et de plus en plus laborieux, ses yeux sont clos, pourtant sur son visage, un indescriptible sourire étire ses lèvres violacées.
La pression de sa main dans celle de Sasuke ne devient plus qu’un effleurement alors qu’il lâche son dernier souffle.
La cinquième fond en larme, Kakashi cette fois, ne peut contenir son émotion et quitte la pièce. Pendant une heure, Sasuke reste assis là, sa main toujours posée sur celle du blond dont l’éclat s’affaiblit. Il ne pense plus, ne regarde rien, ne pleure pas, mais profite seulement de la chaleur qui ne restera plus très longtemps dans cette main. Lorsque le froid s’empare totalement du corps de son ami, il se lève et pose un baiser sur son front, avant de le couvrir avec le drap. Puis il se tourne et quitte la pièce pour retrouver Tsunade et Kakashi dans le salon.
Le soir même, la cinquième convoque à nouveau les ninjas du village : L’Ombre de Konoha vient de s’éteindre.

Pendant la semaine qui précède les funérailles, tous les drapeaux du village sont mis en berne, les commerçants ferment tour à tour leurs magasins pendant une journée en signe de deuils et les missions de commanditaires privés sont annulées. Si la mort du jeune homme Uzumaki semble avoir plongé le village dans un calme funèbre et lugubre, c’est dans la fête qu’on honore sa mémoire. Tous les soirs, ses amis proches se rassemblent pour boire, échanger des anecdotes sur lui, et rire comme lui le faisait autrefois.
Seul absent des festivités, le dernier des Uchiwa se terre chez lui, dans cette maison qui a vu partir une partie de lui-même. Il contemple la tombe de son ami, dans ce jardin calme qu’il aimait tant regarder, aujourd’hui remplit de verdure, de fleurs et baigné par la lumière du soleil. Les funérailles protocolaires se feront sans le corps de Naruto, enterré ici, chez Sasuke, dans ce paisible jardin, à l’endroit exact où il s’était couché l’hiver précédent en regardant le ciel avec des yeux ébahis. Sasuke ne pleure pas, trop occupé par ses souvenirs, par son rangement et son tri consciencieux des affaires de cette tête blonde qu’il aperçoit partout sans jamais la voir.

Les funérailles. Tant de monde réunis pour dire adieu à un jeune homme de 21 ans mort dans son lit, se dit Sasuke. Tout le monde est déjà debout sur l’esplanade, Tsunade a déjà entamé son discours. Il est beau son discours, il est vrai. Elle ne transforme pas le personnage, elle en parle sans fioritures, elle parle simplement de lui. Dans l’assemblée, beaucoup de gens pleurent, alors que Sasuke double les rangs pour venir se placer aux côtés de Kakashi. On se demande pourquoi il ne pleure pas, lui le meilleur ami, le camarde, la deuxième Ombre.
Puis, Tsunade reprend la parole :

-Naruto m’avait demandé vous lire ceci avant de partir.

Elle se racle la gorge et souffle longuement avant de commencer sa lecture. Des au revoir à tous ses amis, des phrases longues pour expliquer sa fierté d’accomplir son devoir jusqu’au bout pour Konoha, des remerciements, un peu d’humour, du Naruto. Un mot pour chacun de ses proches, Kakashi, Sakura, Tsunade, qui pleure en les lisant, Shikamaru, Gaara, exceptionnellement présent, comme le prédit d’ailleurs le farceur blond dans sa lettre, et puis, Sasuke entend son nom et refixe son attention sur la cinquième.

-« Sasuke, je n’ai jamais été doué pour les mots, et tu le sais. Alors plutôt que de m’embrouiller dans d’interminables explications, je laisse la parole à l’auteur anonyme d’un vieux mythe de Kiri.

Tsunade descend alors de l’estrade et s'avance vers lui, une petite enveloppe jaune dans ses mains tremblantes, secouées par les spasmes qui font écho à ses larmes. Elle lui tend l'objet, le regarde, puis repart terminer son discours alors que les regards se tournent vers la deuxième ombre qui ouvre le morceau de papier, délicatement.
L'écriture est bien celle de Naruto, étrangement élégante pour un jeune homme si fougueux, si bourrin même parfois. Il commence à lire, l'estomac noué.

« Lorsque Zéphyr descendit sur la Terre, éclairant de sa faible lueur la noirceur des cieux, il était plein et rond, attendant patiemment le réveil de la faune et de la flore qu’il veillait tendrement. Une lueur au loin apparut, striant le ciel d’éclairs de rouge, de jaune et d’orange alors que s’élevait peu à peu un astre lumineux qui changeait les teintes de tout ce qu’il touchait. Zéphyr, éblouit par la beauté de cet astre flamboyant resta un moment face à lui alors que sa lumière se fanait devant l’aura rayonnante de l’autre. Il disparut lentement, s’effaçant face à tant de grâce. Mais l’astre lumineux, l’aperçut alors dans sa fuite, et le trouva si beau, si fragile qu’il en fut bouleversé et se promis de le revoir bientôt.
Ainsi, après avoir baigné de sa bienveillante et chaleureuse lumière la Terre qui s’endormait, l’astre se retira doucement déçu de n’avoir pas revu le petit astre lunaire. Mais alors qu’il allait s’endormir, il vit devant lui une masse ronde et blanche venir de l’Est en éclairant de reflet bleuté la nature qui l’entourait. L’astre de lumière, qui ne connaissait pas cette couleur dans la nature en fut éblouit. Il trouva alors impensable que si peu de créatures ne constatent la beauté du Zéphyr alors que tous l’aimaient lui, le Dieu Soleil.
Jour après jour, le Zéphyr et le Soleil s’observèrent l’un l’autre, éblouis par leurs beautés si différente, jusqu’au jour où enfin ils se virent face à face. De leur union dans le ciel, naquit la plus belle lumière que la Terre ait jamais vue, si belle qu’on ne pouvait la voir sans en être si éblouit qu’on en devenait tout de suite aveugle. Mais bien vite, ils se séparèrent, tristes et toujours aussi plein d’amour l’un pour l’autre attendant patiemment le jour où ils pourraient de nouveau se tenir face à face. »

Pour la première fois de mémoire de Shinobi, Sasuke Uchiwa pleure, face à tous, sans honte, sans retenue et sans gêne. Il reste un moment ainsi, sans bouger, ne pouvant empêcher les larmes de couler le long de ses joues dans d’interminables sillons humides, alors qu'il tient fermement la feuille de papier entre ses mains. Puis, tout comme il est arrivé, il repart sans un mot vers le quartier Uchiwa.
Il marche en pleurant, alors qu’il dépasse les vitrines des magasins dans lesquels les commerçants ont affiché fièrement un portrait du disparu. Il continu son chemin, en essayant de ne pas les regarder, lorsqu’enfin il entre dans l’enceinte déserte du quartier Uchiwa. Il a presque couru, il est en sueur, le soleil tapant dans son dos alors qu’il entre dans le petit jardin lumineux. La pierre en marbre blanc qui marque l’emplacement du corps de Naruto fait rebondir avec plus d’éclat les rayons de soleil qui tombe sur elle à l’oblique, aveuglant presque le brun lorsqu’il avance vers elle.
Il tombe à genoux, et pose sa main sur la pierre fraîche, dessinant du bout de ses doigts les lettres dorés qui composent le nom de son amour disparu.

-Tu ne m’aimeras jamais comme je le voudrais, hein ?… lâche-t-il dans un sanglot.

Il pose un baiser sur la pierre blanche et fraîche puis se relève.

-J’attendrais notre prochaine éclipse… dit-il avant de s'éloigner.

FIN




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