Visions d'un Dieu Endormi


Fanfiction Naruto écrite par Kris'ter (Recueil de Kris'ter)
Publiée le 12/12/2011 sur The Way Of Naruto



Dans ce chapitre, nous allons quelque peu nous éloigner de Konoha et de ses ninjas pour aller voir ce qui se passe ailleurs dans le monde et plus précisément, au Pays du Thé (comme le titre l'indique).

Pourquoi ? Et bin parce que je suis l'auteur et que j'ai envie :D

Je suis bien conscient d'avoir laissé un certain nombre de question en suspend dans le chapitre précédent, mais vous aurez toutes les réponses très bientôt… Peut-être ;)



Chapitre 22: la Chute du Pays du Thé



Selon sa montre, il n’était pas encore midi, mais l’air était chaud et humide. Le Garde Maritime Noriaki Kano du Pays du Thé essuya la sueur de son front et tira de nouveau sur la barre en métal du pied-de-biche. Cela faisait bien dix minutes qu’il s'évertuait à ouvrir cette maudite porte dans cette atmosphère moite, mais elle n’avait pas bougé d’un pouce. Il fit une pause et se tourna vers le capitaine Mito qui serrait nerveusement son arc dans lequel une flèche était encochée, prêt à tirer. De grosses gouttes de sueur ruisselaient sur son visage, mais celles-ci n’étaient pas seulement dues à la chaleur.

“T’attends quoi ?” siffla l’officier entre ses dents.

Kano haussa les épaules. Il ne savait rien de ce qui se passait ici, rien de plus que ce que lui avait raconté Mito, à lui et aux autres gars de l’unité. Il leur fallait se rendre à la station de pompage du delta et savoir pourquoi elle ne n'envoyait plus d'eau et ne répondait plus aux appels radio depuis deux jours. Un boulot banal, somme toute. Kano secoua encore le levier dans tous les sens jusqu'à ce qu’il sentît le mécanisme d’ouverture céder. Lâchant la barre de métal, il s’attaqua à la porte elle-même, réussissant enfin à la faire bouger.

Dans le couloir derrière lui, juste après le capitaine, se trouvaient quatorze autres Gardes Maritimes, collés le long du mur, leurs armes serrés contre eux. Kano n’aimait pas ce qu’il faisait, se lancer comme ça, dans l’inconnu et ouvrir des portes sur Dieu sait quoi, il n'aimait vraiment pas. Mais c’était un Garde Maritime ! Très polyvalents par le fait qu'ils savaient tirer à l'arc et utiliser leurs lances dans un même combat, c'était un corps de marin capable de servir aussi bien sur terre que sur les vaisseaux des flottes qui patrouillaient le long des côtes aux alentours du Pays du Thé. On ne pouvait pas trouver de combattants non-ninjas plus courageux et déterminés dans le monde et ce n’était certainement pas cette maudite porte qui allait lui résister.

Ils étaient arrivés à la station de pompage en milieu de matinée. Située au confluent des canaux d'irrigation qui alimentaient toute la région du delta et plus d’une quinzaine de communautés fermières, elle ressemblait à un assemblage d'entrepôts et d’habitations avec des gros tuyaux qui partaient dans tout les sens. Kano avait trouvé étrange de n’avoir vu aucune trace de vie depuis son arrivée, pas même celle de ces satanés échassiers qui piaillaient partout ailleurs. La radio restait muette, et même les appels de vive voix étaient restés sans réponses… et pourtant Yupa criait sacrément fort.

La porte céda enfin et Kano l’ouvrit d’un coup sec. Il se mit sur le côté pour laisser passer Mito, le capitaine avança en levant son arc et les Gardes Maritimes se dispersèrent dans la station de pompage. Ils entrèrent dans une sorte d’atelier coiffé d’un toit en verre, supporté par des piliers métalliques qui commençaient à rouiller dans l'atmosphère humide et les passerelles étaient faites de bois que la moisissure rendait glissante. Les installations de pompages étaient toutes à l'arrêt.

Toujours personne.

“Bon allez, remettez-moi tout ça en marche." ordonna le capitaine à ses hommes, "Les fermes des environs ont soif.”

Ils furent sur le point d’obéir lorsque le groupe entendit un hurlement, tout près, à deux ou trois bâtiments de là. Des hurlements et des cris de douleurs. L’escouade se tourna vers la sortie et se précipita dehors. Ces cris ne pouvaient venir que de l’autre escouade. Mito et ses hommes arrivèrent à la dernière position connue de leur compagnons et les y trouvèrent effectivement, enfin ce qu’il en restait. C’était comme si les Gardes Maritimes s'étaient fait attaquer par une meute d'ours enragés : il y en avait partout.

Le capitaine et ses hommes scrutèrent l'entrepôt à la recherche d’ennemis. Les yeux de Kano étaient rivés sur un cadavre appuyé sur un pilier dont la tête avait été arrachée. Quoi que fut la chose qui avait fait ça, elle devait avoir une force colossale. Il y eut soudain un nouveau cri derrière lui. Kano se retourna juste à temps pour voir Yupa voler au travers du hangar dans une gerbe de sang. Les flèches filèrent en essayant de prendre pour cible une bête énorme qui se déplaçait à une vitesse incroyable. Elle tomba sur le capitaine Mito et lui déchira le torse avec ses griffes avant de refermer ses puissantes mâchoires sur sa tête.

La bête tourna sa gueule dégoulinante de sang vers Kano qui hurla de terreur en tirant sur l’horreur.

Un Tigre de Jashin…



Il se réveilla en sursaut. La sueur coulait sur son visage et sa tête lui faisait atrocement mal. Cela faisait trois jours que ce qu’il restait de l’unité était revenu de la station de pompage, un cauchemar auquel seuls lui et cinq autres Gardes Maritimes avaient survécu. Kano était un vétéran de plusieurs campagnes, il avait déjà connu le contrecoup des combats, mais c’était la première fois qu’il le vivait aussi mal. Ce qu’il avait vu, senti, touché… Cette horreur contre-nature… Tout cela hantait son esprit nuits et jours.

Un Tigre de Jashin…

Kano se leva de sa couchette et s’habilla. Dehors, il pouvait entendre des bruits rassurants d’êtres humains. Il fallait qu’il s’occupe l’esprit pour calmer le traumatisme. Il sortit sur la route, et regarda pendant un long moment les transports de troupes et les chariots de logistique qui se croisaient dans un ballet maladroit. Pour ne rien arranger, il pleuvait en plein été, de fines gouttes chaudes qui humidifiaient la route et la rendait peu à peu boueuse. L’eau ruisselait sur les pentes douces des toits des maisons du village de Soshakuchi et les faisaient scintiller à la lumière du soleil encore visible à travers la couverture nuageuse.

L’évacuation continuait.

En traversant la route entre deux chariot, il tenta de se rassurer. Ils avaient tué cette chose, elle et quatre autres de plus. Puis, à l'aide des survivants, ils avaient fait brûler la station de pompage. Le nettoyage par le vide. Ils avaient réussi à garder la tête froide, comme tout bon Garde Maritime. Ils étaient ensuite partis faire leur rapport au commandeur et celui-ci avait immédiatement averti le Daimyo qui avait, Dieu sois loué, pris la bonne décision.

Mais étrangement, il ne se sentait pas mieux.

Kano interpella le commandeur Mamoru qui supervisait le chargement des chariots. Debout sur un tertre de terre derrière la place du village, le commandeur avait l’air d’avoir chaud en plus d’être énervé. Les fermiers qui s’étaient regroupés essayaient de le convaincre d’emporter plus de leur matériels agricoles, sans lesquels ils allaient - soit-disant - être ruinés. Le commandeur mit fin à leur jérémiades en voyant approcher Kano.

“Ces gens vont me rendre dingue,” murmura Mamoru au Garde Maritime, “Je veux juste leur sauver la vie, à eux et à leurs proches, emporter leur biens les plus chers, et la seule chose qui les inquiète, c’est leurs outils et leurs sacs de graines ! Je suis à deux doigts de leur dire ce qui se dirige sur l'île pour leur mettre une bonne trouille.”

“Et ainsi causer une panique générale ?”

“Non, tu as raison,” soupira Mamoru.

“Sinon, je peux me rendre utile ?”

“Je croyais que tu devais rester au calme à l’infirmerie ? Ce n’était pas les ordres du Médic ?”

“Ça me rend fou, commandeur. Je veux dire, ne rien faire, ça me rend dingue. Donnez-moi quelque chose pour m’occuper, pour que je pense à autre chose, que je fasse sortir cette… chose de ma tête.”

Le commandeur acquiesça. “Bien. Nous avons besoin de conducteurs. Tu sais manœuvrer un chariot ?”

“J’me débrouille.”

Mamoru consulta ses dossiers et pointa de son stylo un gros chariot garé près d’une maison. “Celui-là, il est pour toi.”

“Quel est le programme ?”

“Je veux que l’évacuation soit terminée à midi et je ne veux pas d’excuse. Tout ce que nous n’aurons pas chargé restera sur place, et c’est aussi valable pour ces maudits fermiers. Le point de ramassage se trouve à cinq heures d’ici, sur la plage de Nacine. D’après mes informations, nous devrions trouver quinze navires transbordeurs prêts à nous rapatrier vers le Pays de l'Eau. Dix-huit convois venants d'autres villages doivent arriver au même point de ralliement alors il vaudrait mieux être à l’heure. J’ai pas envie de rester ici si ça tourne mal.”

“Et si ça tourne mal, on fera quoi ?”

“Eh bien on montrera à ces foutus Pillards comment on se bat. Neuf cent Gardes Maritimes sont déployés un peu partout sur l'île, sans compter une petite centaine de ninjas de Kiri.”

“C’est rassurant de savoir ça. Ce n’était peut-être qu’une menace isolée, mais il vaut mieux être prêt à tout, non ?”

“Alors prépare-toi dès maintenant.” conseilla sombrement l’officier “Personne ne te l’a dit ?”

“Dit quoi ?”

“Des bateaux de pêcheurs ont repéré une flotte de Commoragh qui naviguait par ici. Ils arrivent mon gars, et droit sur nous, on y coupera pas !”



Les navires transbordeurs étaient accostés sur le sable de la plage de Nacine comme de gigantesques léviathans échoués avalant une rivière de réfugiés au milieu de nuées de Gardes Maritimes. La plage était envahie par les habitants de l'île. Même du haut de son poste de commandement sur l'Atakebune - le navire forteresse de Kiri, à deux cent mètres de la côte, la Juunin Eikaku pouvait entendre le brouhaha de l'évacuation. Elle regarda le ciel bleu autour d'elle, hormis quelques petits nuages, elle pouvait voir à dix kilomètre à la ronde. Reposant ses jumelles sur son bureau, elle hocha la tête de satisfaction, ils ne pourraient pas être pris par surprise. De plus, il fallait être inconscient - ou sacrément idiot - pour oser s'attaquer à des ninjas de Kiri en pleine mer.

Le Daimyo du Pays du Thé et la Mizukage étaient parvenus à un accord. Les ninjas de Kiri allaient escorter les habitants des îles jusqu'au Pays de l'Eau pour qu'ils y soient en sécurité. C'était faire preuve de sagesse, on ne pouvait le nier. Toutefois, si Eikaku ne connaissait pas le prix qu'avait exigé la chef du Village Caché de la Brume en échange, il devait sans aucun doute être astronomique. Sans oublier que la Mizukage avait très certainement prévu que le Daimyo allait à nouveau devoir passer à la caisse pour que son peuple puisse rentrer chez lui.

Debout sur la plate-forme d’observation, Eikaku resplendissait dans son uniforme d'apparat. Derrière elle, assis devant les pupitres, sept ninjas de Kiri supervisaient les convois d’évacuation grâce aux tableaux de contrôle face à eux. Les grésillement du système radio créait un fond sonore très désagréable. Umino, l’un des ninja, s’approcha de la Juunin pour lui remettre une feuille sur laquelle une transmission était retranscrite.

“Voici les rapports des points d’évacuation. La plupart des convois sont déjà partis à notre rencontre. Le commandeur Mamoru du village de Soshakuchi nous informe qu’il arrivera vers dix-sept heure.”

“Pourquoi si tard ?”

“C’est là qu’à eu lieu l'accrochage. J’imagine que le commandeur Mamoru doit vouloir faire particulièrement attention.”

“Tu n'es pas là pour imaginer. Je veux des faits.” Malgré tout, la Juunin connaissait le commandeur de réputation, aussi ne s'inquiéta-t-elle pas outre mesure. “Et ça ?” demanda Eikaku en regardant la feuille. “Le convoi du village de Rakunoujo ?”

“Ils n’ont pas bougé. Je… Je ne sais pas pourquoi ils ne sont pas encore partis.”

“Contactez-les, et demandez-leurs ce qu’ils attendent. Dites-leur que si je suis obligée de venir les chercher moi-même, je risque d’en écorcher un ou deux pour me défouler.”

“À vos ordres !”

Le bateau tangua au passage d’un nouveau navire transbordeur à proximité. Mille réfugiés de plus à embarquer ici, l’endroit serait-il assez grand ?

“Pile à l’heure.” dit Umino en se dirigeant vers la console de communication.

Un homme de grande taille à la forte mâchoire et à l’allure martiale s’avança et se mit au garde à vous devant la Juunin.

“Équipe Kyoukou au rapport. Mes hommes et moi sommes prêts à nous déployer où vous le désirez.”

Eikaku salua le Juunin et lui indiqua la carte posée sur le bureau.

“Pour l’instant, nous jouons le rôle de chien de garde. Des Gardes Maritimes ont déniché près du delta un chenil il y a maintenant trois jours où des cultistes élevaient des Tigres de Jashin en vue de les lâcher sur les habitants lors de l'invasion de l'île par les Pillards, mais quelques-unes de ces charmantes bestioles ont apparemment réussi à se libérer avant de tuer leurs maitres. Je voudrais que tu prennes quelques Chuunins et que vous vous déplaciez vers le sud-ouest pour couvrir l’avancée des convois d’évacuation qui arrivent du delta.”

“Nous partons immédiatement, nous les rencontrerons en route.”

“Bien, bien…” Eikaku se tourna vers Umino. “Des nouvelles du village de Rakunoujo ?”



Cela ne faisait que six heures qu’ils étaient arrivés au village de Rakunoujo mais déjà le Garde Maritime Osoreru sentait que quelque chose ne tournait pas rond. Quelque chose de grave allait arriver, il en était persuadé. Les Gardes Maritimes étaient en train de charger des caisses dans les chariots de transport derrière un entrepôt et le soleil commençait à taper fort sur les têtes des pauvres soldats. Le capitaine Kigane jeta une caisse de plus dans les mains d'Osoreru.

“Tu veux pas la fermer un peu, ça nous fera des vacances. Évidemment que quelque chose va arriver, espèce de crétin ! C’est pour ça qu’on est là ! C’est pour ça qu’on aide ces cul-terreux à évacuer leur village et qu’on se casse le dos à fourrer ces maudites caisses dans ces foutus chariots !”

Osoreru regarda le visage tout rouge du capitaine et eut l’impression qu’il allait exploser.

“Me regarde pas comme ça, sacré nom de nom, ni aucun d'entre vous !”

Le capitaine jeta un regard circulaire sur les hommes de l'escouade qui s’étaient tous arrêtés pour le regarder.

“Arrêtez de geindre comme des bonnes femmes, on est des Gardes Maritimes quand même ! On est ici parce que quelque chose va mal ! J’veux dire qu’le Daimyo ne s’est pas dit «Tiens… Pourquoi ne pas déployer neuf cents Gardes Maritimes sur les îles, après tout il ne se passe jamais rien là-bas non ?» Est-ce qu’il a dit un truc pareil, hein ? Bien sûr que non il a pas dit une nullerie de ce genre ! On est là parce qu’on est des soldats, les gens nous aiment pour ça, les femmes se jettent à notre cou juste parce qu’on est là quand il faut. Vous croyez tout de même pas qu’elles font ça par plaisir, vous avez vu vos têtes ? Alors magnez vous ! Mettez-moi ces caisses dans ce chariot. Et laissez-moi vous dire une dernière chose…”

Kigane arrêta de crier et grimaça en regardant ces hommes “On est des Gardes Maritimes. On est des tueurs. Alors y’a intérêt que c’qui arrive soit salement méchant, parce qu’une fois qu’il va s’pointer ici, il va nous trouver et on va lui botter l’cul tellement fort qu’il va souhaiter ne jamais être né !”

Une clameur monta d’un peu partout, même Osoreru cria de fierté. Il était fort le capitaine pour les discours ! Les habitants de Rakunoujo qui étaient dans les parages se demandaient ce qui se passait, mais de toute manière ils étaient trop tristes pour se mêler à la joie des Gardes Maritimes. Mais en son for intérieur, Kigane aurai aimé savoir pourquoi il avait été envoyé dans ce trou paumé, comme tous les autres.

“On reçoit des appels répétés de la plage de Nacine,” cria l’officier de communication Musen au capitaine.

“Ouais, ouais, c’est bon j’arrive…”

“C’est la Juunin Eikaku en personne, capitaine, elle voudrait savoir pourquoi on est pas encore partis et elle a pas l’air contente du tout…”

Kigane s’assit sur une caisse pour souffler et regarda Musen. “On bouge pas parce qu’on en a pas encore reçu l’ordre. Dis-lui ça.”

“Je lui ai dit, capitaine. Mais elle veut savoir pourquoi on en a pas encore reçu l’ordre.”

Kigane se releva en soupirant. “Dis-lui que je vais demander moi-même au commandeur.”

Il s’éloigna d’un air las en se demandant s’il devait décidément tout faire tout seul dans cette fichue escouade. Le capitaine arriva à la mairie, il avait vu le commandeur et deux de ses officiers disparaître à l'intérieur, en grande discussion avec des habitants sur les conditions d’évacuation. Mais c’était plus d’une heure auparavant.

“Commandeur ? Commandeur Shikisha ?”

Kigane inspecta plusieurs pièces mais ne trouva rien. Le bâtiment était complètement désert. Il monta à l'étage et s'arrêta devant la porte de la salle de réunion, surpris par l'odeur de sang qui s'en dégageait. Empoignant la garde de son katana, il poussa la porte mais rien n'aurait pu le préparer à ce qui se passait derrière. Le commandeur et les deux officiers étaient tous morts, leurs corps éparpillés façon puzzle sur le sol de la pièce ! Le capitaine était toujours en train d'observer le massacre devant lui quand un bruit sur sa droite attira son attention.

La chance ? Kigane préféra se dire que c'étaient les années d'entrainement qui portaient leurs fruits au moment où il se jeta en arrière et que le trait d'arbalète qui filait droit sur sa tête ne fit que lui effleurer le front. Le capitaine se releva promptement et se retrouva face à face avec quatre villageois dont il était clair qu'aucun ne lui voulait du bien. Kigane frappa en dégainant et le tueur le plus proche s’effondra, le visage réduit à une balafre sanguinolente. Le deuxième fit un peu mieux en levant sa hache, mais le katana le cueillit plus bas et traversa sa tunique. Le troisième ne put que fixer avec horreur le moignon de son bras droit alors que ses jambes, tranchées au niveau des mollets, se dérobaient sous lui. Le quatrième parvint à parer l’assaut, mais reçut pour sa peine la garde de l’arme en plein visage et ne put qu’esquisser un pas en arrière avant que sa tête ne chute lourdement sur le parquet, suivie un instant plus tard du reste de son corps.

Le capitaine essuya la lame de son katana sur la tunique d'un des cadavres en tentant de comprendre ce qui se passait quand un grand bruit et des hurlements se firent entendre dehors. Il descendit les marches quatre à quatre et se retrouva rapidement à l'extérieur… en pleine zone de combat. Les gens couraient en tous sens et le sol était éclaboussé de sang. Kigane comprit, bien trop tard hélas, pourquoi on les avaient envoyés évacuer ce trou paumé.

Des dizaines de chariot étaient renversé sur la route, plusieurs étaient en flammes. Des Gardes Maritimes couraient dans tous les sens, tirant au jugé à travers la fumée provoquée par les incendies. Les fermiers et leur famille fuyaient en tous sens dans l’anarchie la plus totale en hurlant. C'était une fuite désordonnée car la panique et la terreur les rendaient tous fous et ils se battaient entre eux dans leur hâte de s'échapper. Des cadavres brisés couvraient le sol, aucun n'était intact, leurs habits déchirés maculés de sang. Les Pillards les avaient tous massacré avec une violence inhumaine.

Kigane savait reconnaitre un combat perdu d'avance, il se jeta à couvert pendant qu’un groupe de fermiers fuyait devant une meute de Tigre de Jashin. Leur corps musculeux bondissaient, propulsés par leurs pattes puissantes. L’un d’entre eux tomba sur le premier fermier, ses griffes acérées lui ouvrant sans difficulté le dos. Il profita de l’impulsion pour refermer ses mâchoires sur la tête du suivant. Le capitaine vit Osoreru pousser un cri quand un Pillard surgit derrière lui pour l'attraper et lui tirer la tête en arrière. Une lame courbe lui trancha la gorge et une gerbe de sang jaillit de la blessure fatale, éclaboussant les alentours.

Kigane se cachait dans les buissons quand il aperçut un vieillard crier et se débattre de toutes ses forces contre un Pillard qui le plaquait au sol, mais l'instant d'après, il fut réduit au silence quand son agresseur lui fracassa le crâne au sol dans un craquement atroce. Le capitaine se rendit soudain compte que le corps de Musen reposait à quelques pas de lui. Il put le reconnaître grâce à la radio qui était près de lui : sa tête elle n'était plus là. Il rampa jusqu’à lui, attrapa la radio et se cacha sous un chariot. Il mit quelques secondes à trouver la fréquence.

“Rakunoujo ! Ici Rakunoujo ! Attaque de Pillards ! Je répète : attaque de Pillards ! Je…”

Il n’eut pas le temps d’en dire plus. Des mains lui avaient saisies les pieds et le tiraient de dessous le chariot.

Bien qu'inintelligible, la dernière transmission du capitaine Kigane fut plus claire encore que les mots. Son hurlement fut reçu soixante kilomètres plus loin sur la plage de Nacine.



Le canal était maintenant calme. La Juunin Eikaku se retourna pour éviter les regards de ses subordonnés. Ce son… Ce Cri…

Elle devait rappeler l'Équipe Kyoukou qui avait quitté la plage trente minutes plus tôt pour se diriger vers le village de Soshakuchi. Mais alors qu’elle se dirigeait vers la console de communication, un des navires transbordeurs déjà plein à craquer explosa soudainement, créant une énorme colonne de feu qui s'éleva sur une dizaine de mètre. Au travers de la fumée et des flammes, Eikaku distingua une vision qu'elle aurait espérée ne jamais voir un jour.

La lueur rouge illuminait une immense créature de plus de trois mètres de haut, tel un diable sorti de l'enfer. Ces pattes inférieures étaient celles d'une bête à mi-chemin entre le taureau et la chèvre mais le haut de son corps était celui d'un homme, recouvert d'un épais pelage noir et crépu, souillé de sang. Son cou puissant était surmonté d'une tête bestiale munie de défenses et de deux cornes de taureau pointant chacune d'un côté, le tout orné de symboles de Jashin. Deux énormes ailes partaient de son dos, qui n'étaient pas sans rappeler celles d'un dragon.

Seuls les plus expérimentés des ninjas arrivèrent à reconnaitre la bête pour ce qu'elle était : un Buveur de Sang, un des monstrueux démons de Jashin qui se repaissaient de la souffrance autant que de la chair.

"Descendez-moi ça !!!" hurla Eikaku.

Le cri de la Juunin sembla réveiller d'un coup les ninjas de Kiri sur l'Atakebune qui déchaînèrent leurs plus puissants jutsus contre le démon qui ne bougea pas d'un cil, mais son corps se mit subitement à fondre, coulant dans l'eau à travers l'épave enflammée du navire transbordeur comme de la cire, teintant la mer de sang.

"Trop facile…" murmura la Juunin d'un ton soupçonneux.

Comme pour lui donner raison, un deuxième navire transbordeur explosa, puis un troisième, et à chaque fois un Buveur de Sang apparaissait, et chaque fois son corps fondait. Eikaku ne comprenait pas quel était le but de tout cela ? Elle pouvait voir un grand affolement sur la plage, ce qui était compréhensible, mais c'est seulement quand un Chuunin hurla que la flotte de Commoragh était là qu'elle réalisa. Cependant, rien n'aurait pu la préparer à ce qu'elle allait voir en se retournant.

Elle s'attendait à ce que leur vaisseaux soient suffisamment loin pour permettre aux ninjas de Kiri de leur réserver un accueil à coup de Suiton et de les envoyer par le fond avant même qu'ils ne réussissent à atteindre les haut-fonds. Mais non. Les voiliers ennemis étaient à moins 100m de l'Atakebune, et leurs occupant étaient déjà prêt à l'aborder !

• Des Jutsus de dissimulation ! • pesta Eikaku, • Et ils se sont servis des Buveurs de Sang pour faire diversion ! • Elle agrippa la rambarde du poste de commandement et se mit à distribuer ses ordres, consciente que les troupes embarquées à bords des bateaux devaient être les plus féroces qui soient, étant donné qu'ils allaient s'attaquer au QG. Frapper le commandement aussi vite était une tactique destinée à décapiter l'armée ennemie.

Malgré la panique, les ninjas du Village Caché de la Brume se mirent promptement à leur poste de combat, mais quelque chose ne fonctionnait pas : les jutsus Suiton qui auraient dû produire des tsunamis n'arrivaient qu'à faire de petites vagues inoffensives, comme si les ninjas ne parvenaient tout simplement pas à imposer leur volonté à l'élément liquide ! Les Buveurs de Sang n'étaient pas qu'une simple diversion, leur mort avait permis de mélanger leur essence à l'eau, parasitant ainsi l'affinité naturelle entre les ninjas de Kiri et l'élément liquide ! L'affolement et l'incompréhension mêlée donnèrent aux Pillards les dernières précieuses secondes pour prendre pied à bord de l'Atakebune.

De nouveaux groupes de Pillards surgirent rapidement sur la plage, se jetant sur les Gardes Maritimes et les réfugiés. Eikaku réalisa qu’ils étaient de milliers. Tellement nombreux… Beaucoup trop nombreux… Ils disposaient d'une vigueur et d'un poids immense et ils avançaient inexorablement jusqu'à ce que les deux armées se mélangent en une marée de corps flous dans le cauchemar de la bataille. Les pillards avaient l'avantage de la force et de la férocité au corps à corps, et ils craignaient moins la mort que leurs adversaires. La Juunin sentit que la bataille tournait à l'avantage de l'ennemi et elle savait au fond d'elle-même qu'aucun des Gardes Maritimes - qui mourraient par dizaines - ne survivrait au carnage perpétré sur la plage.

Elle devait arriver à désengager l'Atakebune - quitte à abandonner les ninjas présents sur l'ile - où sinon ils étaient tous morts, et mourir en vain n'était pas servir la Mizukage. Une bande de Pillards en furie déboucha dans le poste de commandement et Eikaku tua le premier, décapita le second, coupa le bras du troisième. Un bruit immonde la fit se retourner juste à temps pour voir Umino se faire déchirer en deux par un colosse en armure lourde ornée, la bannière qui flottait dans son dos proclamait son allégeance à Jashin, ainsi que la longue liste de ses innombrables victoires. Eikaku réalisa qu'elle se trouvait face au Centurion qui menait les Pillards et l'attaqua immédiatement.

Mais les Centurions était des guerriers bénis par Jashin et leurs capacités de combat étaient bien au-delà des normes humaines. Eikaku esquiva habilement l'attaque du Centurion Kolkis mais se rendit compte trop tard qu'elle était tombée dans un piège. En rugissant, son adversaire se jeta sur elle à une vitesse prodigieuse, passa sa garde de manière inattendue et, se servant de sa main gantée d'acier comme d'une lame, l'enfonça sous le sternum de la Juunin qui ne put réprimer un hurlement, son sang jaillissant en bouillons de sa bouche grande ouverte.

"Sache ceci avant de mourir." la railla le Centurion, sa voix résonnant étrangement sous son casque en acier noir, "Tout ce qui était à vous va être à nous. C'est ainsi que le monde doit fonctionner. Les forts prennent ce qu'ils désirent tandis que les faibles comme vous ne peuvent que courber l'échine et succomber."

Les yeux d'Eikaku se troublèrent lorsque les doigts du Centurion Kolkis se refermèrent sur sa colonne vertébral et, d'un coup sec, la brisa comme comme un vulgaire morceau de bois.



Le convoi avait quitté le village de Soshakuchi depuis deux heures lorsque le commandeur Mamoru cria sur toutes les fréquences :

“La plage de Nacine n’existe plus ! Notre seul espoir est d’atteindre la ville de Miyako. Changement de direction vers l’ouest. Accusez réception !”

Sa voix semblait serrée dans sa gorge. Le convoi était lent à répondre et maladroit à la manœuvre mais il prit progressivement la direction indiquée. Deux chariots s’étaient retournés en glissant dans le bas-côté de la route, un autre s’embourba. Le commandeur Mamoru les abandonna sur place, ainsi que leurs équipages affolés, sans se retourner. Kano consulta sa carte : Miyako était à l'autre bout de l'île, à plus de quatre cent kilomètres, jamais ils n’y arriveraient. Jamais.

Il fit claquer les rênes pour faire accélérer les chevaux.



L'Équipe Kyoukou fuyait l'abattoir qu’était devenue la plage de Nacine. Tout espoir de retrouver le convoi de Soshakuchi était perdu. En fait, tout espoir de sauver cette île était perdue, d'une manière générale.

Le chef de l'équipe voyait déjà au loin s'élever la fumée des bûchers funéraires caractéristiques des banquets de la victoire que les Pillards pratiquaient. D’ici une heure, lorsqu'ils arriveraient à court de victimes à sacrifier, ils changeraient d'endroit pour se trouver d'autres malheureux à aller massacrer.

Kyoukou n’avait aucune envie de faire partie du prochain banquet qu'organiseraient ces monstres. Ses hommes voulaient se battre, mais que pouvaient faire 10 ninjas, aussi talentueux soient-ils, face à une Légion entière ? Le Juunin leva subitement la main pour faire signe à son équipe de s'arrêter. Il se mit alors à renifler l'air en tournant lentement la tête d'un côté à l'autre, ses yeux scrutant les fourrés. Le silence était total, et aucun signe de l'ennemi n'était visible dans les bois sombres.

Soudain, des dizaines de Pillards jaillirent des bois et chargèrent les ninjas de Kiri qui les bombardèrent immédiatement de puissants jutsus de Suiton. Les troupes de Commoragh furent annihilé par les puissants Ninjutsus, abattant des groupes entiers de Pillards tandis que les kunais achevaient ceux qui arrivaient au contact. Puis des Exécuteurs de Jashin avaient rejoint le combat et les ninjas de Kiri avaient commencé à mourir. Kyoukou vit trois des ninjas de Commoragh dépecer l'un de ses hommes comme on arrachait les pétales d'une fleur. Il cria de battre en retraite quand un Exécuteur se dressa devant lui.

L'homme tira son katana hors de son fourreau d'un geste presque invisible à l'œil nu et la lame fendit l'air en sifflant.

Tout à coup, Kyoukou se retrouva face aux pieds de son ennemi, se demandant comment il avait pu tomber aussi vite. Avant de plonger dans les ténèbres, il eut le temps de voir son corps s'écrouler à côté de lui. Ce fut cette dernière vision qu'il emporta avec lui dans la mort.



Le convoi de Soshakuchi fonçait aussi vite que possible vers l’ouest. Ils avaient coupé à travers champs et avaient laborieusement traversé les nombreux canaux d'irrigation pour finalement rejoindre la route principale qui menait à Miyako : une longue ligne qui traversait l'île d’est en ouest et qu'empruntaient les chariots après chaque moissons pour ramener les récoltes aux silos de Miyako.

Ils avaient traversé en trombe quelques villages et de petites villes, autrefois des communautés florissantes, maintenant réduits à l'état de ruines fumantes. Les traces des Pillards étaient partout, depuis les maisons vandalisées jusqu'aux cadavres dont les dépouilles avaient été profanés. Certaines localités avaient été rasées par les troupes de Commoragh alors que d'autres étaient remarquablement intactes, bien que leurs habitants fussent introuvables. La radio demeuraient désespérément muette et Kano avait l'impression qu'ils ne restaient plus qu'eux sur l'île.

Eux, et les Pillards qui la ravageaient.

Alors qu'ils venaient de traverser les restes calcinés d'un autre village, Kano se rendit compte que le convoi n'était plus seul : une trentaine de Cavaliers Noirs chevauchaient à une centaine de mètres de distance, de chaque côtés de la route. Il avertit les Gardes Maritimes qui étaient avec les réfugiés dans son chariot mais il était trop tard. Une cinquantaine de traits d'arbalètes à répétitions fendirent l'air autour des chariots et plus d'une douzaine firent mouche. D'autres se fichèrent dans les chevaux qui ruèrent et se cabrèrent de douleur et de terreur, et l'air résonna de hennissements paniqués. Toutefois, c'étaient les traits qui touchèrent le sol qui firent le plus de dégât.

Les flammes se répandaient dès qu'elles mettaient le feu à l'huile généreusement étalé sur la route quelques heures auparavant. C'était un véritable brasier et plusieurs chariots firent des embardées, à la merci des chevaux paniqués dont la queue, la crinière et les longs poils des pattes prenaient feu. De violentes explosions éclatèrent parmi les chevaux fous de terreur, car non contents d'y répandre de l'huile, les Cavaliers Noirs avaient aussi caché un certain nombre de coffres de bois bourrés de poudre noire sous la route. L'huile ayant pris feu, ces bombes artisanales se déclenchaient et explosaient. Les chevaux étaient jetés à terre, les chariots se brisaient en craquant et les hommes hurlaient, la chair calcinée par les flammes. Un cheval fut déchiqueté par une explosion et des morceaux de viande se mirent à pleuvoir sur le convoi.

La tête du convoi était perdue, mais la queue n'avait pas encore été prise dans le brasier, aussi Kano fit-il virer son chariot vers la droite, à travers champs, loin de cet enfer de flammes et d'horreur, suivi part les autres chariots derrière lui. L'essieu de l'un d'entre eux ne supporta pas le traitement et il se brisa, déversant son contenu derrière lui, hommes comme matériel. Les Cavaliers Noirs furent sur eux en un instant. Kano ne se retourna pas.



Dix kilomètres plus loin, ce qui restait du convoi de Soshakuchi avait atteint sa destination finale : une route perdue au milieu de nulle part, ils n'étaient simplement plus en état d'aller plus loin puisque les chevaux étaient morts. Les Pillards étaient sur eux. Les colons fuyaient dans toutes les directions, en proie à une panique générale, sans se rendre compte qu'ils faisaient ainsi des cibles faciles. Les débris des chariots avaient été rassemblés à la hâte pour former un mur de protection en un demi-cercle grossier, et c'était ici que la trentaine de Gardes Maritimes encore vivant allaient se battre.

Se battre et mourir.

Kano se demanda si ses compagnons espéraient connaitre une mort honorable au combat. Lui-même ne voyait rien d'honorable dans la mort, quelle qu'elle fut. La mort était froide et répugnante, plein de douleurs et de regrets. Une mort héroïque au combat ? La simple idée le faisait presque rire. C'était bon pour les grands discours des commandants et des Daimyos, ou quand on était entouré d'amis et de parents, un verre de saké à la main, loin des vrais ravages de la guerre.

Aucun de ceux qui avaient senti la puanteur d'un champ de bataille après la guerre, cette odeur de sang et d'excrément, de chair putréfiée et de vomi, ne pouvait dire qu'il y avait quoi que ce soit de noble là-dedans. Aucun de ceux qui avaient entendu les hurlements d'un homme à qui il avait fallu trois jours pour mourir d'une blessure au ventre, ou les supplications désespérées d'un soldat demandant aux chirurgiens de ne pas lui couper les jambes pourtant gangrenées ne pouvaient percevoir quoi que ce soit de glorieux dans une bataille.

Et pourtant il se tenait là, les flèches plantées dans le sol pour pouvoir tirer plus vite, debout derrière la barricade de fortune à tirer dans la masse de Pillards. Sa première flèche en toucha un à l'épaule et il en saisit rapidement une autre. Sans un miracle, ils allaient tous mourir ici. Les Pillards les encercleraient, enjamberaient les débris et les massacreraient.

"Regardez là-bas !" s'écria le commandeur Mamoru.

Des ninjas à la livrée bleue étaient en train de s'approcher d'eux en adoptant une position de combat, ceux de Kiri allaient venir les sauver !

Chuunins et Juunins se jetèrent sur les Pillards avec détermination. Les lanciers n'arrivaient pas à s'approcher assez près pour les attaquer et étaient annihilés alors qu'ils essayaient d'avancer tandis que les pouvoirs des ninjas spécialisés en Suiton vaporisait les arbalétriers de loin. Kano resta bouche-bée devant un tel déchaînement de puissance. Un ninja trancha en deux un Tigre de Jashin, une lame de fond engloutit un groupe entier de Pillards.

Les Gardes Maritimes, revigorés par la charge furieuse des ninjas de Kiri, se lancèrent dans la mêlée. Kano tua un pillard en le transperçant avec sa lance. À sa droite, deux ninjas en tuèrent une dizaine d'autres.

• Nous pouvons survivre, nous le pouvons ! • pensa triomphalement Kano.

Un hurlement d'outre-tombe lui fit lever les yeux. Un Buveur de Sang descendait du ciel sur le groupe de ninjas, porté par une gigantesque paire d'aile rouge sang. Les ninjas tressaillirent face à cette manifestation du meurtre personnifiée. Deux d'entre eux lancèrent des jets d'eau sous pression sur la monstruosité qui frappa avec sa hache rougeoyante et l'eau se vaporisa sans l'atteindre. Un tourbillon de pouvoir jaillit du démon, comme une explosion interne et faucha tous les combattants sur une dizaine de mètres à la ronde. Chaque ninja et Garde Maritime dans les parages explosa littéralement, son sang aspiré par le tourbillon carmin dont le démon était l'épicentre.

Kano s'arrêta dans sa course. Il vit le commandeur Mamoru se faire déchirer en deux par le fouet barbelé du Buveur de Sang à une quinzaine de mètres de lui. Sa hache emporta trois Gardes Maritimes de plus de plus. Ce qu'il vit ensuite brisa tous ses espoirs. Les ninjas fuyaient devant le démon.

Ils couraient, cherchant un abri contre le Buveur de Sang qui les poursuivait en hurlant de rage. La créature massive fit claquer son fouet barbelé, déchirant aussi bien la chair que l'âme d'un ninja sans même s'arrêter et continuait de se rapprocher des autres. L'un d'eux bifurqua à droite mais fut stoppé par un Tigre de Jashin qui se rua sur lui. Un autre fut criblé de projectiles par les arbalétriers. Le dernier parcouru vingt mètres de plus avant que la flèche d'une baliste ne l'empale dans sa course, le clouant au sol comme une poupée grotesque.

Kano ne pouvait y croire.

Durant les vingt premières minutes de l'assaut, les ninjas de Kiri avaient creusé un trou béant dans la marée des Pillards. Puis le Buveur de Sang était apparu, découpant les ninjas comme un fermier fauchait le blé et en à peine cinq minutes, ils s'étaient faits exterminer. Le dernier ninja venu du Village Caché de la Brume pour protéger le Pays du Thé mourut exactement deux heures trente-quatre minutes après que l'assaut sur la plage de Nacine ait commencé.

Le convoi était perdu. Les chariots étaient en train de brûler. Leurs occupants qui n'étaient pas encore morts allaient bientôt l'être. Ce que Kano était en train de vivre était aux limites de l'inimaginable : c'était la réalité, et c'était pourtant plus atroce que tous les cauchemars qu'il avait pu faire.

Désespéré, il se jeta derrière un gros rocher. À l'horizon, il pouvait voir le ciel derrière lui se couvrir d'épais nuages noirs créés par les incendies qu'allumaient ces monstres. Les Pillards avançaient, ils brûlaient l'île entière.

Le Garde Maritime de première classe Noriaki Kano recommanda son âme à Dieu et à ses parents disparus il y avait bien longtemps de cela. Il repensa à sa petite île natale qu'il n'avait pas vu depuis tant d'années, priant pour qu'elle n'ait jamais à subir le même destin que le Pays du Thé, et ferma les yeux lorsqu'il posa la pointe de son wakizashi sur son ventre...




Voilà voilà. Ça c'est fait.

On pourrai noter que c'est la deuxième fois dans ma fic que des ninjas de Kiri s'en prennent plein la figure, mais honnêtement, avec un village qui s'appelle comme un fromage…

Le prochain chapitre va nous faire revenir au Pays du Feu, où leurs habitants devraient s'en sortir un peu mieux (esperons-le en tout cas)