Luciole


Fanfiction Naruto écrite par MlleChouette (Recueil de MlleChouette)
Publiée le 04/03/2016 sur The Way Of Naruto



Premier chapitre de l'arc Cocon. ^,^
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« N'éteins pas ta lumière
Continue d'éclairer chaque recoin de cette nuit
Persévère, encore et encore
Toujours
Et tu ensoleilleras le monde »

Ses dernières paroles.
À ne jamais oublier

Jamais.



Chapitre 10: Cocon - Elle a silencieusement tissé sa toile



C'est le lendemain qu'on apprend par la presse de Konoha que cinquante hommes ont été jetés en prison pour consommation de prostituées mineures en plus de trois proxénètes. Le village entier est choqué, scandalisé, mais pas plus que les parents des filles concernées. Seiko savait que ça allait faire un bruit énorme avant même d’organiser la réunion, que ça secouerait violemment les consciences et les mentalités. Parfois, ce genre de population naïve baignant dans la lumière d'une paix épanouissante nécessite d'être placée devant le fait accompli. Tout porte à croire que c'est cette enfant qui ouvre les yeux d'un village endormi depuis bien trop longtemps…

Une semaine après les arrestations de masse, certains prisonniers pour des délits mineurs comme le vol ont été mobilisés afin d'effectuer des travaux d'agrandissement de l'hôpital. C'est une façon pour eux de se racheter et de vider en partie la prison pleine à craquer.
Il se trouve aussi qu'Haruka et Eri se soient réconciliées avant de devenir deux très bonnes amies, et la jeune blonde ne vit aussi mal sa situation qu'elle n'a pensé lorsqu'il a été temps de tout avouer. Au début, elle doit l'admettre, l’épreuve a été très rude. Sa mère a beaucoup pleuré et les amis perdus à cause de son métier tabou sont nombreux. Les seuls qui l'ont acceptée telle qu'elle est sont considérés comme les plus précieux, en plus des neuf autres filles du réseau.
Seiko, quant à elle, a enfin finit par accorder sa confiance à Ibiki et Iruka, et leur présente exclusivement, en gage d'une amitié sincère, le fameux visage sous le célèbre masque.
L'entraînement avec Iruka porte ses fruits. Elle est maintenant capable après une semaine de remise à niveau de se déplacer aisément à l'instar d'un shinobi. Comme on le sait, elle n'a pas dans ses habitudes de consommer du chakra comme les individus de ce monde, ce qui lui inclut l'obligation d'utiliser un maximum l'environnement. Pour être plus exacte, Seiko se déplace de la même façon qu'à l'époque où le chakra n'était pas suffisamment maîtrisé. Plus lente, mais plus agile.
On entend dans une clairière le bois taillé s'entrechoquer dans des intervalles irréguliers. La gamine, armée d'un sabre d'entraînement, effectue un pas sur la droite. Elle fixe son professeur d'un regard épuisé sous ses mèches sombres, avant de charger une dernière fois. Coupe latérale. Parée par Iruka, et, d'un geste ressemblant à un moulinet, le professeur la désarme simplement.

— Ah…

Seiko a soufflé cette onomatopée dans un soupir en s'effondrant sur le dos pour adopter une position en étoile. Elle observe, toujours haletante, le ciel qui adopte ses premières couleurs rosées tandis que les arbres cherchent à agripper les nuages de leurs bras squelettiques.

— Il a fait beau, aujourd'hui, dit-elle au jeune homme entre deux fortes respirations.

Il vient s'assoir à ses côtés, lui aussi un peu fatigué. Il faut dire que cette enfant s’est grandement améliorée depuis le troisième jour après sa reprise. À ses yeux, elle le surpassera rapidement. Naruto l’a déjà fait, comme beaucoup d’autres, mais il tient d’abord à l’éduquer comme lui a été. Sa visée : faire d’elle une érudite. Il a toujours préféré les livres aux armes, peut-être est-ce aussi le cas de son élève… Après tout, le savoir et les connaissances permettent toujours d’avancer plus loin et de s’élever plus haut.

— Il a fait beau, confirme-t-il en buvant une gorgée d’eau fraiche.

Seiko semble s’agiter.

— Vous avez l’air triste depuis quelque temps.
— C’est que… Non, ce n’est rien.
— Si vous l’dites…

La jeune fille se redresse souplement pour faire face aux vieux arbres de la forêt qui entrave Konoha.

— Vous savez quoi, Iruka-sensei ? Ce que j’ai été n’a plus d’importance. Ce qui compte, c’est ce que je suis aujourd’hui.

Le professeur regarde son élève dont les mèches bouclées recouvrent son profil gauche ; c’est à croire qu’elle lit dans ses pensées…

— J’ai beaucoup réfléchi après tous ces événements, et je me dis que la vie vaut la peine d’être vécue. Elle n’est pas très belle, je vous l’accorde, mais si on est accompagnés des bonnes personnes, elle peut être magnifique.

Iruka détourne le regard sur l’herbe qui frémit sous ses jambes fléchies.

— Je t’apprends à rester en vie dans ce monde de folie, alors qu’au fond, ce n’est pas ce que tu veux… Tu veux une vie simple, tu veux être architecte, pas te battre pour une Nation.
— C’est ce qui vous perturbe ? s’étonne-t-elle.
— Pas seulement.
— C’est ce que j’ai été…
— Entre autre, soupire-t-il, gêné. Tu n'as pas vraiment eu le choix.

Seiko soupire de lassitude et lève à nouveau son regard vers le ciel durant quelques instants.

— Mon enfance a été réduite à néant, déplore-t-elle en se relevant. À voir ce que je peux faire du reste.

Elle débarrasse ses vêtements de la terre qui s'est accrochée à leurs fibres avant de reprendre son sabre au sol.

— On continue ?
— Mais tu es épuisée…
— Ça ira pour moi, sourit la jeune fille. Et pour vous ?

Iruka l'observe longuement. Seiko est, la plupart du temps, antipathique et n'est pas spécialement jolie, mais un charme unique et troublant se dégage d'elle, surtout dans les moments comme celui-ci. Il ne saurait trouver ce qui justifie son attachement. Sa personnalité. Son physique. Son histoire. Son intelligence. Sa philosophie. Sa maturité. Son éloquence. Sa gestualité. Peut-être un peu de tout ça. Ou tout. Ou autre chose. Il ne sait pas…

— Iruka-sensei ? s'inquiète-t-elle en penchant légèrement sa tête sur le côté.
— On…

Il se reprend :

— On en a fini pour aujourd'hui. Demain, je t'apprendrai à faire un clone.
— Ok…
— Ne te préoccupe pas du matériel, je m'en chargerai.
— Ok.

Elle lui sourit amicalement de ses lèvres naturellement rougies. Sourire qu'on a par ailleurs jamais pensé voir le mois d'avant. Iruka surprend son cœur à se réchauffer un peu dans la fraîcheur d'un soir d'automne. Il reste sur cette esquisse des lèvres si longtemps qu'il n'a pas vu Seiko s'éloigner. Elle a tout simplement… disparu.

La gamine a fait un saut chez la jeune fleuriste Ino Yamanaka après être passée prendre une douce chaude. Elle a acheté quelques fleurs : un bouquet d'orchidées à placer sur la tombe de sa mère et une combinaison de roses aux nuances pâles pour le jeune Uzumaki encore hospitalisé.
Elle traverse le cimetière militaire tapissé de pavés noircis par les averses quotidiennes et y croise un jeune garçon de son âge aux cheveux sombres, hérissés et suffisamment longs pour les attacher de la même manière qu’Iruka. Le visage ravagé par les larmes, il passe à la gauche de Seiko sans lui décocher un regard. De toute façon, elle n'attend rien de la part de qui que se soit, juste qu'elle s'étonne un peu de voir le prodige intellectuel de Konoha dans cet état. Quoique, c'est ainsi qu'elle doute la mort de son meilleur ami Choji. C'est en passant à côté de sa tombe marquée par le symbole du clan Akimichi accolé à celui de Konoha que son incertitude perd sa négation.
Elle continue sa marche lente, indifférente face au sort du petit shinobi pour enfin pénétrer dans le cimetière civil. Konohana repose non loin de l'entrée. Sa tombe manque d'entretien en dépit de la popularité dont elle faisait grâce.

[i]« Partie lors de la Pluie de Sang »[/ï]

Seiko l'avait deviné : cette nuit a fini par passer aux oubliettes… L'enfant s'accroupit afin de dégager les feuilles mortes, dépoussiérer un peu la sépulture et remplacer le vieux bouquet d'orchidées fanées par le nouveau. Il s'agissait de ses fleurs favorites…
Un soupir, une grande tristesse, mais pas de larme. Elle a suffisamment pleuré ces temps-ci. Seiko nie toutefois les saignements abondants de son cœur endurci lorsqu'elle se retrouve plantée là, au milieu des morts, à considérer une pierre dans laquelle est gravé le nom de sa mère. À jamais. Elle se recueille encore de longues minutes sous un ciel nuageux. Longues minutes qui semblent interminables aux yeux du monde, et pourtant si courtes à ceux de Seiko quand elle commence à ressentir la morsure du froid. Elle se demande, en levant son bout du nez vers l'Est des cieux, là où les étoiles apparaissent timidement, si elle aura le temps de passer voir Naruto un peu avant que les visites de l'hôpital ne soient interdites. Si elle part tout de suite, c'est estimable. Alors elle pose un dernier regard sur la tombe de sa mère, puis s'éclipse au milieu des lucioles.

La tombée de la nuit se fait ressentir sur la peau de l'enfant. Elle est en pull, mal habillée, mais ce vêtement fait l'affaire d'une soirée entre le dortoir des morts et celui des blessés. Elle pousse la porte de l'hôpital, légère par accommodation, pour faire face à l'accueil. Une femme de vingt ans y est assise derrière le comptoir, feuilletant une revue masculine.

— Bonsoir, fait Seiko.
— Bonsoir, répond-elle sans même la regarder. Vous arrivez trop tard pour les visites.
— Ah bon… Je peux déposer ces fleurs dans la chambre du patient, au moins ?
— C'est trop tard, jeune fille.
— J'en ai pour cinq minutes, défend poliment l'orpheline.
— Trop tard…

L'enfant prend sur elle, mais dehors, le tonnerre gronde.

— Ils n'avaient pourtant pas prévu d'orage, déplore l'hôtesse. Tu ferais mieux de rentrer chez toi, gamine, avant qu'il ne pleuve à verse.
— Si je vous laisse ces fleurs, grince Seiko, vous les apporterez à Naruto Uzumaki ?
— Dégage de là, les petites catins comme toi n'ont rien à foutre ici !
— Laisse-la, fait un vieil homme sortant le cabinet des toilettes. Elle a encore dix minutes devant elle. Chambre 101.
— Merci, Monsieur.

Mais avant d'emprunter le couloir, elle se tourne vers la femme odieuse pour lui décocher ses quelques mots qui lui brûlent le bout de la langue :

— Continue de mouiller sur des images de gars torse nu. En attendant, moi, la petite catin, j'en ai vu et touché plus que la grande pucelle que tu es ! Sous-race de bouffonne…

Cette dernière phrase, elle lui aurait craché à la gueule si elle ne se trouvait pas dans un lieu public comme celui-ci, et c'est en lui jetant son regard des plus meurtriers qu'elle quitte la pièce sous le regard sidéré des deux adultes pour se plonger dans les entrailles de l'hôpital.

En fait, Seiko connaissait déjà la chambre de l'Uzumaki avant qu'on la lui indique : ce n'est pas la première fois qu'elle lui rend visite. Enfin arrivée, elle tire la porte coulissante sur la droite pour rencontrer le regard d'un homme de la cinquantaine aux longs cheveux blancs mal coiffés, hérissés et attachés derrière sa nuque. Sa présence imposante n'empêche pas la gamine d'entrer dans la pièce. Elle pose son attention sur Naruto qui semble toujours dormir. Ses blessures ont guéri et son visage de petit ange est intact, juste… qu'il est inconscient depuis bien un mois.
Elle remplit un vase d'eau de robinet et y dépose son bouquet de roses pâles, puis tire une chaise à elle, s'assied à côté de la tête du lit, et enfin, une fois à l'aise, elle se permet de se perdre dans ses pensées…
En fait, la mort de Choji la perturbe pour la simple et bonne raison qu'il reste un enfant. Elle se demande, si, tout compte fait, en général, envoyer des enfants se battre et risquer leur vie pour des histoires d'adultes, est acceptable.

— Tu es Seiko Matsuda ? l'interrompt l'homme lui aussi assis.
— Oui.
— Je suis désolé pour ce qui t'es arrivée…

La gamine s'agace rapidement, on ne s'en étonne plus…

— Même si ça serait vrai, j'ai nullement besoin de le savoir, tranche-t-elle.

Le vieil homme laisse échapper un soupir de lassitude avant de continuer :

— On m'avait pourtant prévenu de ton sale caractère…
— On n'est jamais mieux servi que par soi-même, hein ?

Seiko a posé son regard de petite impératrice des ténèbres sur celui de l'adulte encadré de quelques rides. Une marque rouge traverse verticalement chacune de ses joues musclées, naissant au milieu de sa paupière inférieure et descendant sous son menton. Son front est orné d'une sorte de bandeau métallique, ou plutôt d'un casque à petites cornes sur lequel est peint le mot « Huile ». Impossible de déterminer s'il est de Konoha ou non, à moins de savoir son nom.

— Vous êtes qui, au juste ?
— Jiraiya, répond-il simplement de sa voix d'homme mûr. Un des trois Sannin.

Seiko arque un sourcil. Non pas qu'elle ne voit pas de qui il s'agit, bien au contraire, les noms circulent mieux que les visages. Elle ne l'a tout bonnement jamais rencontré. Enfin. Presque.

— C’est donc vous, l'autre fois, qu'on entendait rire aux éclats dans la pièce d'à côté !
— La pièce d'à côté ?

La gamine laisse apparaître un sourire narquois pour compléter :

— Oui, la pièce d'à côté. Avec nos collègues majeures…

La réaction de Jiraiya est ce que Seiko adore… Il rougit jusqu'à l'écarlate et s'empresse de détourner son regard consterné par cette gamine qui ne manque pas de gêne ! Enfin, par cet échange, le Sannin a parfaitement compris qu'elle assume sans détour son ancien statut et qu'il est inutile de chercher à la soutenir…

— Euh…

Il tousse.

— Na-Naruto. Tu le connais bien ?
— Il m'a dit que vous êtes son prof, choisit-elle de répondre. Vous pensez qu'il s'en sortira ?
— Je lui ai juste appris une technique ou deux qu'il maîtrise à peine… Tu le connais bien ? relance-t-il.
— Peu importe. Je tiens à lui.
— Tu…

Jiraiya semble hésiter. Avec quelqu'un d'autre que cette gosse qui empeste la rancœur, il aurait osé poser sa question de la manière des plus ingénues, mais…

— Il y a quelque chose entre vous deux ? lâche-t-il enfin.
— Comme ce sentiment qui prouve que l'Homme n'est peut-être pas si… narcissique qu'il ne le pense lui-même ?… Non, alors.

Seiko, tout compte fait, est fascinante rien que par son cynisme. Douze ans, et elle réfléchit comme une adulte… À tout dire, dans le sale caractère qu'on lui a décrit, il s'attendait à rencontrer ce jour ou un autre une gamine comme les autres de la même tranche d'âge : juste rebelle, complètement déconnectée de la réalité et particulièrement désagréable. Il y retrouve une part, mais elle s'exprime comme si elle savait parfaitement à quoi elle se frotte. Et elle sait à quoi elle se frotte.

— Je suis écrivain, déclare-t-il en sortant un calepin et un crayon. J'aimerais recueillir tes idées pour un nouveau personnage.

Seiko le regarde, d'abord étonnée, puis amusée, avant de s'exclamer :

— Mais qu'est-ce que vous avez tous à vouloir sauvegarder ce que je dis !

Elle a silencieusement tissé sa toile

Cette référence à Ibiki, Jiraiya ne la comprend pas. Mais il s'en moque : il veut absolument connaître le fruit des réflexions de cette gamine de douze ans.

— Qu'est-ce que l'amour, à tes yeux ?

Elle baisse son regard sur les notes du Sannin. Il y a déjà inscrit une phrase, sans aucun doute la réponse à sa question sur ce sentiment. Elle regarde ensuite l'homme, sceptique, tandis qu'il la dévisage avec des yeux pétillants d’impatience.

— Tu as déjà été amoureuse

Mais il n'a pas le temps de ponctuer sa question qu'un homme, vêtu comme Iruka, ouvre brusquement la porte de la chambre en hurlant.

— Jiraiya-sama ! Un des cinquante derniers prisonniers vient d'avouer qu'il est un espion !
— De qui ?

Le jeune homme regarde Seiko avant d'inviter le Sannin à quitter la pièce. Le plus âgé se lève alors en rangeant pressément son calepin dans son vêtement pour suivre le shinobi à l'extérieur et en prenant soin de refermer la porte derrière lui. Ce genre de murs est conçu pour protéger les patients des ondes sonores indésirables du couloir, comme l'horrible tap-tap des infirmières dressées sur leurs talons, mais l'ouïe de Seiko que l'on pourrait alors imaginer anormalement développée ne laisse rien lui échapper, et c'est ainsi qu'elle entend, non à sa grande surprise, le nom du troisième Sannin dont le visage lui est encore inconnu.




Seiko observe un instant l'Uzumaki, encore et toujours endormi sous ses mèches blondes. Elle se dit que le meilleur cadeau qu'elle puisse lui offrir à son réveil, c'est l'annonce du retour de Sasuke au village. La seule chose à faire est tellement évidente…
Alors elle décroise de jambes pour tranquillement se lever et suivre le vieil homme jusqu'au poste de police.

Entrer sans autorisation n'est pas un problème : personne ne se présente pour l'accueillir. Alors elle continue son chemin vers la salle d'interrogatoire dans laquelle une agitation singulière se laisse entendre. Seiko pousse discrètement la porte de la pièce austère. C'est exactement ici qu'elle s'est assise pour avouer officiellement le meurtre de Yui. Ces mêmes murs gris, sales, poussiéreux et ventrus… Cette même lampe pendant misérablement au plafond… Elle se souvient encore de l'odeur que cette chambre : le renfermé, la malpropreté… Cependant, aujourd'hui, elle est de l'autre côté de la fenêtre, parmi une foule d'adultes, et elle distingue la silhouette imposante d'Ibiki assis face à un détenu. Ce détenu, elle le connaît bien…

— Vous pensez qu'il était au courant de ce qu'il était avant de faire de lui un de ses espion ? retentit la voix forte de Jiraiya qui vient d'arriver
— Non, il choisit ses espions soigneusement : les personnes auxquelles on n'a rien à reprocher, que ce soit avant, maintenant ou pour après. Celui-ci est le seul qui déroge à la règle… Ibiki galère un peu à lui faire cracher le morceau.
— Moi, je peux, s'avance Seiko.

Tous les regards se braquent sur la gamine. Personne ne l'a vu venir, elle s'est ramenée en douce dans le bâtiment, a ouvert silencieusement la porte et s'est incrusté avec une extrême discrétion dans la pièce. Sans difficulté, apparente… Et toutes ces montagnes noires et grises, vêtues de la même façon, la fixent de leur yeux éclatant de surprise. Seiko ne s'en intimide pas, elle poursuit plutôt :

— Ce gars… Je le connais.

Le gars en question âgé de la trentaine, interpellé par l'absence des regards habituellement scotchés à la fenêtre, a posé le sien sur Seiko, ce qui oblige aussi l'interrogateur à se retourner.

— Dites à Ibiki que je veux lui parler.
— Quoi ? Mais pour qui tu te prends !
— Vous voulez avancer ? Laissez-moi lui parler.
— Non mais ça ne va pas ! s'exaspère un second policier. Faites sortir cette gamine !

C’est le Sannin qui s'empare du micro pour faire passer la faveur de Seiko de l'autre côté de cette fenêtre blindée.

— Jiraiya-sama…
— Ce type a une information extrêmement importante en sa possession. Tous les moyens sont bons pour l’obtenir.

Ibiki Morino accède à la pièce où sont entassés tous ses collègues en plus du Sannin avec sa carrure grattant le plafond. Un mètre quatre-vingt-dix facile, le vieux… tout comme l'ancien chef de la police. Les deux colosses prennent de la place si bien qu'ils en viennent à bousculer les policiers les uns contre les autres.

— Bonsoir, Ibiki, souffle la jeune fille lorsque le colosse balafré arrive à son niveau.
— On dit : « Morino-taichou » ! corrige un jeune flic.
— Bonsoir, Seiko.
— Laissez-moi parler à Etan.
— Pas question de te laisser approcher un type comme lui, objecte le géant. Si tu sais des choses, tu n'as qu'à me les dire et j'opère.
— Écoutez, Ibiki, soupire la gosse en passant sa main dans ses cheveux bouclés. Je suis la seule personne ici à savoir comment m'y prendre avec lui. Soyez raisonnable et laissez-moi parler.
— Non…
— Il a dit non, tu comprends pas quoi, sale pute ?
— Oh ! gueule l'homme balafré. Tu la fermes ou je te fais dégager personnellement !

Sa voix claquante a fait frémir les murs de cette petite pièce sans manquer de faire sursauter les personnes autour.

— Seiko, reprend-il calmement, tu devrais rentrer chez toi. Tu t'entraînes dur demain, il me semble. Non ?
— Ne me traitez pas comme une de ces gamines naïves, s'offense-t-elle. Que je vous dise qu’Etan est un enfant dans sa tête ou que je vous indique la taille approximative de sa queue, ça ne vous servira à rien si vous ne me laissez pas faire…

Ibiki fronce les sourcils tandis que le monde s'agite autour, complètement consterné par le vocabulaire de cette gosse.

— Qu'est-ce que tu prépares ?…
— Rien qui ne vaille le coup de détourner les yeux, je vous rassure !

La voix dégoûtée d'une femme s'exclame quelque part dans l'assemblée :

— Mais faites-la sortir, franchement !
— Elle a raison, qu'elle sorte !
— C'est toujours vous le chef, Ibiki, s'amuse Seiko. Vous décidez.

Le géant dévisage l'enfant. Regard sombre contre regard sombre, il n'est plus question de défi, mais de protéger l'enfant contre ce sale type.

— Ne vous inquiétez pas pour moi, dit-elle comme si elle a lu dans ses yeux aquilins. Il n'est pas armé, et puis…

Elle lui décoche un sourire à faire tomber les cœurs sensibles au charme féminin…

— S'il m'agresse, vous êtes là.

L'homme se sent un peu rougir de la confiance de cette enfant habituellement si méfiante, et c'est sur cette gêne qu'il lui donne son autorisation pour entrer dans la pièce voisine.

— Tu auras besoin de ce dossier, ajoute-t-il en lui présentant de la paperasse.
— Gardez.

Seiko n'attend pas plus longtemps pour pousser la lourde porte en ferraille et descendre les deux, trois marches pour être au niveau du détenu. Son regard habité par les ténèbres le pénètre avec sa sévérité propre à sa personne tandis qu'elle déplace la chaise métallique qui s'est toujours trouvée en face de l'interrogé pour s'assoir à ses côtés.

— Mais que fait-elle ? doute la personne chargée de régler le son.
— Elle le met en confiance…

Le trentenaire regarde l'enfant, étrangement gêné de la savoir si proche de lui, et pourtant, elle ne l'est pas plus qu'il n'avait pour habitude avant la mort de Yui.

— Seiko…
— Etan, soupire-t-elle.
— Ils t'ont envoyée ?
— Je suis venue voir de qui il s'agissait. Tu sais que tout ce qui se dit ici est rapporté aux autres, là ?

L'homme hoche silencieusement la tête de haut en bas, grimaçant comme un enfant apeuré.

— Ils vont me tuer si je parle…
— Tu sais, Etan, commence Seiko. Je te pardonne…

Pardonner ? Ibiki s'en étonne. Seiko est une excellente menteuse, mais si on la connaît aussi bien que lui et Iruka, on comprend tout de suite que ça ne colle pas avec sa personne.

— Tsunade-sama, salue un policier.

Évidement, l'Hokage, accompagnée des Anciens, a fait le déplacement… Il s'agit tout de même de dénicher le criminel le plus recherché de Konoha, si ce n'est du monde, alors en présence de Tsunade, de Jiraiya, des deux Anciens et de toute la Police y compris son nouveau chef, il s'agit vraisemblablement du moment jamais rêvé pour faire les preuves de Seiko ! La femme blonde prend position aux premières loges devant la fenêtre, ne se gênant pas à bousculer les policiers déjà présents, pour croiser les bras, posée à la gauche d’Ibiki.

— Je te pardonne pour tout ce que tu as fait, continue l'enfant. Pour tout ce que tu m'as fait… C'est du passé, maintenant. Il faut savoir tourner la page.

Elle pourrait être sincère : l'authenticité constitue une grande part de sa nature, mais à l'inverse, quand il est question d'atteindre un but précis, les dieux savent qu'elle cache merveilleusement bien ses fils de marionnettes.

— Je suis tellement désolé, sanglote-t-il.
— Je sais… Toi et moi, on se ressemble. J'ai moi aussi été manipulée, mais ce qui m'a délivrée, ça a été la mort de Yui. Comprends que je veux t’aider…

Ibiki saisit enfin pourquoi Seiko s'est dite être la seule personne capable de lui tirer les vers du nez. Non pas par haute estime de soi, on l'aura compris…

— Elle promet, laisse-t-il échapper dans un murmure.
— Je peux savoir ce qui vous a pris de laisser une gamine s'occuper de ça ? sermonne Tsunade.
— Ne la sous-estimez pas.
— Elle a douze ans, Ibiki.
— Ça reste à prouver quand on l'écoute, se mêle Jiraiya.

L'écouter… À vrai dire, Seiko ne s'exprime qu'occasionnellement à cause du manque de personne capable de supporter son caractère asocial, cynique, moqueur, et particulièrement pessimiste à rompre le moral du bonheur en personne.

— Comprends que je veux juste t'aider, reprend-elle d'ailleurs. Comprends que ta sécurité n'est garantie que si tu nous dis absolument tout ce que tu sais.
— Mais ils viendront ! Ça s'est déjà fait une première fois pour me mettre en garde…
— Purée, Etan ! Ils te font peur justement pour que tu te taises ! Si tu dis tout ce que tu sais, non seulement on pourra s'occuper de leur cas, mais en plus de ça, ils n'auront aucun intérêt à t'éliminer. Et Konoha est…

Elle s'arrête soudainement, grimaçante, pour enfin tousser deux fois.

— Excuse-moi… une poussière dans la gorge. Konoha est sécurisé… Tu n'as rien à craindre.

Seiko renifle avant de s'élancer dans une nouvelle quinte de toux.

— Ça va ? s'inquiète Etan.
— Oui, oui, t'en fais pas, répond-elle avec la main devant la bouche. Prends ton temps pour réfléchir à tout.

Elle fait glisser une feuille de papier et un stylo vers le détenu.

— Noter, ça aide à ne pas oublier.

Il fait sortir la mine du stylo, oriente correctement la feuille vers lui et commence à gribouiller quelques informations sous les souffles brutaux de la gamine qui finit bien par jurer. Mais il ne se déconcentre pas. Au contraire, il semble tout déballer…
Seiko et ceux qui se tiennent derrière la vitre patientent trois petites minutes dans un silence qui retrouve enfin son calme avant d'avoir la conclusion de l'espion :

— Voilà.
— Tu as tout ?
— Oui.
— Relis, au cas où.

Il s'exécute, incroyablement docile, avant de s'arrêter en plein milieu de la vérification pour demander s'il doit recommencer à haute voix.

— Si tu veux… c'est vrai que c'est mieux pour savoir si on oublie quelque chose ou non.

Alors il reprend sa lecture, répétant, sans faire de phrases, les informations qu'il a esquissé. Il bute sur quelques mots, témoignant ainsi de la jeunesse de son esprit, mais tout se transfère clairement de l’autre côté de la fenêtre sale. Du moins, c’est ce que l’on peut juger en constatant les visages agréablement surpris des policiers.

— Pas si mauvaise que ça, sourit l’Hokage toujours postée entre Jiraiya et Ibiki.

Seiko a fait ses preuves. Magnifiquement, subliment. On la voit passer avec une délicatesse singulière sa main derrière le crâne du détenu et lui soufflé quelques mots si forts qu’il en vient à fondre en larmes et se blottir contre la gamine comme d’un petit enfant sans manquer d’étouffer ses plus profondes excuses dans le pull en laine. La jeune fille caresse affectueusement sa tête grelottante dans les sanglots, en guise de pardon…

Devant cette scène attendrissante qui unit deux personnalités opposées en tous les points, Ibiki se permet enfin de faire passer ce message dans la salle d’interrogatoire :

« Tu peux revenir, Seiko. Il a dit tout ce qu’il savait, c’est suffisant pour nous. »

Cette pièce grise parait bien moins sinistre maintenant que l’orpheline de mère s’y trouve à materner un criminel, semble-t-il, malgré lui. Cependant, même après ce message, elle ne réagit pas.

— Elle m’a entendu ? s’enquiert l’ancien inspecteur.
— Normalement, oui…

Mais la gamine est venue chercher dans la poche de son pantalon le trousseau de son appartement sans que personne ne se rende compte de son intention troublante. L’ambiance retombe soudainement et on sent la tension se soustraire à l’atmosphère joviale d’une fin a priori satisfaisante, surtout lorsqu’on la voit saisir une petite clef.

— Arrêtez-là !

Mais personne n’a le temps de réagir que Seiko lève son bras pour rabattre avec une vivacité terrifiante son poing sur la gorge découverte d’Etan. Celui-ci n’a pas trouvé le souffle pour hurler de douleur, alors, la bouche grandement ouverte et les yeux exorbités, tous ses muscles se crispent sous une terreur exceptionnelle mélangée à la stupéfaction et à la souffrance. Il n’a pas non plus le temps de réaliser le sort qu’il lui est réservé que son exécutrice, à laquelle il a accordé sa pleine confiance, fait glisser la clef le long de sa gorge. Cet objet n’est pas réputé pour son tranchant, alors il déchire la chair du pauvre homme, qui, cette fois-ci, au grand plaisir de Seiko, pousse un gueulement effroyable à frigorifier le sang au fur et à mesure que la clameur s’élève au milieu de la chambre du Diable, et enfin, lorsque la massacreuse achève l’arc de cercle sanglant, elle se dégage de sa victime pour la laisser tomber sur le sol, comme une poupée de chiffon, dans l’effusion de la teneur de ses veines et artères.

Le silence retombe. Personne ne bouge. Sidéré. Seule Seiko, couverte de sang, se tourne tranquillement pour faire face à l’assemblée et planter, sans avoir à chercher, son regard inhumain d’un noir opaque peuplé par le vice dans celui de Tsunade.

L’araignée a silencieusement tissé sa toile… pour dévorer sa proie.