Les trois adolescents en fuite marchaient d'un pas épuisé dans une immense plaine toute de hautes herbes. Shikamaru supportait avec difficulté Choji qui était blême et transpirait. La blessure qu'il avait reçu à la jambe était profonde, mais saignait moins à présent. Ino l'avait examiné, et avait déposé des plantes dessus, avant de les serrer avec un bandage. Malgré son statut d'archère, il semblait à Shikamaru que Ino avait des capacités de Soujuu, comme sa mère. Mais lorsqu'il l'avait interrogée, elle avait répondu d'un air un peu agacé :
« Les Soujuu peuvent agir sur les nerfs du corps, et faire éprouver ce qu'ils veulent aux corps. Il peuvent soigner, mais uniquement de l'intérieur. Je ne suis qu'une Archère qui a des connaissances en plantes, voilà tout.
- Mouais... T'es plutôt douée, on va dire.
- Mais tu as fini de me casser les pieds ? S'énerva brusquement Ino en se levant.
Il avait soupiré et s'était rassis. Il comprenait la colère d'Ino. Elle était anxieuse pour Choji, comme lui. Sauf qu'elle, elle se sentait en plus coupable de la blessure de son ami.
À présent, elle marchait d'un pas assuré, mais cela ne l'empêchait pas de jetait de temps à autre des regards inquiets du côtés des deux garçons. Shikamaru soufflait comme un diable, et Choji faisait de son mieux pour réduire la charge de son pauvre ami, mais sa jambe le faisait souffrir. À un moment, Shikamaru trébucha. Choji serra les dents en prévision de la chute qui ne manquerait pas de venir. Mais de fines épaules se glissèrent sous son bras libre, et il resta debout. Il tourna la tête, et vit Ino qui lui souriait.
« Ca m'embêterait que tu tombes en morceau, fit-elle avec un clin d'oeil. Et puis j'avais une dette envers toi.
- Non... pas... dit Choji en respirant avec difficulté. Tu m'avais déjà sauvé du champignon.
- Hmm, maintenant que tu le dis, fit Ino en réfléchissant intensément. Aller bon, dit-elle soudain en lui faisant un clin d'oeil, je nous considère comme quittes.
- Bon, et moi, je peux me relever ? Grommela une voix tout près d'eux.
Ils tournèrent la tête un peu trop brusquement. Shikamaru soupira. À croire qu'ils avaient totalement oublié sa présence.
« Toi tu te débrouilles, fit Ino avec désinvolture. Tu n'es pas blessé que je sache ?
- Sympa...
Leur marche reprit, pareille à celle d'avant, à ceci près que c'était Ino qui portait Choji. Les mains dans les poches, Shikamaru avançait, les yeux levés vers le ciel. Qu'avait-il fait au monde pour mériter ça ? Son village attaqué, un homme-requin complètement fêlé qui voulait leur peau pour une raison connue de lui seul... et une fille qui débarquait, et qui s'incrustait dans leur groupe. Shikamaru détestait les femmes.
Mais en y repensant... elle leur avait sauvé la vie, avec le champignon, et aussi avec le requin. Jamais ils n'auraient pu survivre sans son habileté à l'arc. Et puis, inconsciemment, Shikamaru se sentait l'apprécier. Bien malgré lui, évidemment. Mais comment ne pas éprouver de l'affection pour quelqu'un qui avait sauvé la vie à son meilleur ami de toujours ?
Le soir tomba. Ils convinrent qu'ils étaient trop fatigués pour continuer à marcher, et s'installèrent un feu de camp en plein milieu de la plaine. La fumée était visible, même dans le ciel noir, mais la nuit était trop froide pour se permettre de la passer sans feu. Et puis, avec un peu de chance, l'homme-requin avait perdu leur trace.
Ino partit chasser. Shikamaru voulut y aller aussi, mais elle insista pour qu'il reste veiller sur Choji. Avec un soupir, il retomba près de son ami.
On n'entendait que les craquements des flammes, et les stridulations grinçantes des grillons. Mis à part cela, tout était silencieux. Shikamaru avait le regard perdu dans la danse des flammes. Choji avait les yeux fermés, et semblait dormir.
Qu'est-ce qu'ils faisaient ? Ils marchaient, sans but, pour échapper à un adversaire bien trop fort. Lui qui voulait passer sa vie à regarder les nuages... ce n'était vraiment pas ce qu'il avait espéré. A la base, Choji et lui avaient convenu d'une chose : ils feraient leur voyage initiatique, visitant aussi peu de lieux qu'il leur était permis, avant de rentrer à leur village et de n'en plus bouger. Certains jeunes garçons pouvaient bien rêver d'aventure, Shikamaru ne voulait rien d'autre qu'une vie sans soucis, et Choji avait un caractère trop doux pour apprécier l'aventure et ses dangers. A présent toutefois... Un frisson d'angoisse lui parcourut l'échine. Que restait-il de leur village ? Ses parent étaient-ils toujours en vie ? Bien qu'il sût qu'il s'agissait d'une mauvaise idée, il n'avait à présent qu'une envie : faire demi-tour et s'assurer que sa famille était saine et sauve. Il jeta un regard à son ami blessé, et se promit de ne jamais plus rien laisser lui arriver. Aujourd'hui, il n'avait plus que lui.
Quand Ino revint avec trois lapin, il lui fit signe de ne pas faire de bruit et lui désigna Choji. Elle acquiesça et entreprit de transpercer les rongeurs d'un grand bâton taillé en prévision. Elle les disposa au-dessus des flammes, et alla prendre place aux côtés de Shikamaru pour attendre en silence la fin de la cuisson. Mais au bout d'un moment, Shikamaru lui chuchota :
« Est-ce que tu nous expliquera un jour pourquoi tu as décidé de nous accompagner ?
- Je me sentais un peu solitaire, murmura-t-elle en haussant les épaules, et Shikamaru songea que cette phrase aurait été un mensonge prononcée quelques jours plus tôt.
- Je suppose que je dois te remercier. Tu nous as sauvé, surtout quand on s'est fait attaqués par ce cinglé...
Elle grimaça.
« C'est Choji qui m'a sauvée. Sans lui, je ne serais plus que charpie maintenant.
- Ouais... il est trop gentil pour laisser les gens qu'il aime dans le danger... Jamais il ne m'a laissé tomber.
- Tu crois vraiment qu'il me considère comme une amie ?
Shikamaru soupira et leva les yeux au ciel.
« Ah les femmes... Bien sûr ! Tu lui as sauvé la vie, et tout le tralala.
- Vous semblez très proches.
- On l'est. Choji n'avait aucun ami, petit.
- Pourquoi ?
- Les idiots du village jugent plus à l'apparence qu'autre chose.
Ino eut l'air troublé. « Et toi tu ne le jugeais pas à l'apparence ?
- Moi ? Qu'est-ce que ça peut faire qu'il soit grand, petit, gros ou laid ? Je m'en moque moi.
Ino secoua la tête, le regard perdu dans le vague.
« Et toi ? Reprit-elle quelques minutes plus tard. Tu avais beaucoup d'amis ?
- Nan. Les gosses du villages étaient trop stupides. Mais Choji il est sympa lui. Il sait que regarder les nuages en mangeant les chips, y'a que ça de vrai.
- Dis plutôt que c'est ton meilleur ami, que tu ferais n'importe quoi pour lui et que heureusement que tu l'as parce que sinon tu serais seul.
- Pourquoi toujours vouloir dire les choses évidentes ?
Ino lui sourit, puis jeta un coup d'oeil en direction de Choji. Dos à eux, il ne bougeait pas. Son visage prit une expression attendrie, puis elle secoua la tête de nouveau. Elle retira les lapins du feu et ils en mangèrent un morceau en silence, décidant de ne pas réveiller le blessé. Elle adressa ensuite à Shikamaru un petit signe de la main, qui devait vouloir dire bonne nuit, et s'allongea dans l'herbe, près de feu. Après quelques secondes de réflexions, Shikamaru fit de même.
De l'autre côté, Choji avait les yeux ouverts. Et des larmes ruisselaient sur son visage.
*
Le lendemain, le soleil s'était à peine levé qu'ils étaient debout. Il décidèrent de manger rapidement les lapins restants puis ils ramassèrent toutes leurs affaires et éteignirent le feu.
Sur le chemin, Shikamaru remarqua que Choji était différent : bizarre. Ino aussi l'avait aussi remarqué :
« Choji ? Qu'est ce qui ne va pas ? C'est les lapins que tu n'as pas digéré ?
Choji renifla et s'essuya les yeux rapidement.
« Tu pleures Choji ? Dit Ino les yeux écarquillés.
- Non rien, j'ai le soleil dans l'oeil, répondit Choji avec un sourire qui se voulait rassurant mais qui ne trompa pas Shikamaru. Il songea cependant que l'heure n'était pas aux questions.
Vers midi, alors que le ventre Shikamaru commençait sérieusement à crier famine, ils arrivèrent au sommet d'une escalade ardue. Une soudaine lumière agressa ses yeux. Interposant son bras, il aperçut une pente avec en bas un grand fleuve tout bleu sur lequel se reflétait la lumière du soleil. Il se tourna vers Ino pour dire quelque chose, mais referma immédiatement la bouche lorsqu'il vit l'expression joyeuse qu'il lisait sur son visage. Elle se tourna vers lui, lui adressant un sourire rayonnant, et se mit à dévaler la pente en courant.
Pris de court, son regard tenta de croiser celui de Choji, mais son ami regardait la queue de cheval de Ino battre au vent. Avec un soupir de solitude, Shikamaru donna une tape condescendante sur l'épaule de Choji. Celui-ci le regarda enfin, d'un air intrigué, et Shikamaru lui adressa un sourire de soutien. Comprenant où voulait en venir son ami, Choji rougit jusqu'aux oreilles, à tel point que son tatouage devint presque invisible sur sa peau écarlate. Il secoua la tête d'un air qui voulait dire : « Nonmais n'importequoic'estpascequetucroistutetrompesarrêtedetimagi » puis prit littéralement la fuite en boitillant, à la suite d'Ino.
Cette dernière se retourna vers eux, déjà arrivée au bas de la pente, et leur adressa un signe de la main. Puis elle désigna sa droite, et Shikamaru aperçut une petite maison montée sur pilotis à moitié sur le fleuve, à une centaine de mètres d'eux. Il hésita entre le soulagement et la méfiance. Certes, ils avaient bien besoin d'un toit, surtout Choji qui devait se remettre de ses blessures, mais la dernière rencontre l'avait rendu prudent. Toutefois, il décida d'ignorer sa réserve en apercevant le visage blanc de Choji. Sa blessure devait le faire souffrir au quotidien et ne pas s'arranger. Aussi se tut-il et se contenta d'aider son ami à avancer.
Ils arrivèrent au seuil de la maison. Devant la porte, il y avait deux personnes. Une des deux était beaucoup plus grande que l'autre et portait un grand sabre sur son dos. Le bas de son visage était recouvert de bandages blancs. L'autre, avait un gentil sourire sur son visage féminin.
Avec hésitation, les trois adolescents s'approchèrent des deux personnes. Le spadassin était pire qu'impressionnant, presque terrifiant avec sa taille démesurée et son visage masqué. Mais la jeune fille à ses côtés avait l'air si gentille et si douce qu'ils parvinrent à puiser de la confiance dans son sourire. Ino inspira un grand coup, et se lança, non sans jeter des regards inquiets du côté du spadassin. Son masque cachait toute ses émotions, et son épée immense forçait le respect, sans parler de sa taille.
« Bonjour. Excusez-nous, mais nous sommes...
- Égarés, finit l'homme gigantesque en la coupant de sa voix grave.
- Nous sommes encore jeunes, se justifia Ino.
- Et vous souhaitez un abri pour la nuit, je présume ?
- Je vais préparer des chambres, intervint la jeune fille avec un gentil sourire.
- Non, Haku. Attend, reste-là et regarde. Ils veulent autre chose, et ça se voit. Soit moins naïf.
Shikamaru fixa Haku avec incrédulité. Un garçon ? Son visage était si fin et doux, qu'on aurait dit une fille. Et ses longs cheveux noirs qui se balançaient sous la brise contribuaient à la tromperie.
« Oui Zabuza. » Même sa voix était dupeuse, ni féminine ni masculine.
- Alors, que requerrez vous ? Reprit l'homme qui se nommait Zabuza en fixant Ino. Shikamaru eut la désagréable impression que ses yeux s'étaient posés à peine une fraction de seconde sur l'emplacement de sa ceinture où se cachait le poignard.
- Et bien, nous désirons un abri, effectivement, mais non pour le confort, plutôt pour la sécurité. Il y a deux jours, nous nous sommes fait attaquer par un spadassin, et notre ami a été blessé. » Elle désigna Choji qui exhiba la blessure béante de sa jambe. Sans qu'aucune grimace de dégoût ne vienne perturber ses traits d'ange, Haku s'avança et s'accroupit auprès de Choji qui commençait à s'inquiéter pour l'avenir de sa jambe. Ses mains blanches effleurèrent la plaie. Il fit un sourire rassurant à Choji, qui se décrispa immédiatement.
« Les plantes qui ont été apposées sur votre blessure ont étés bénéfiques. Sans elles, votre jambe aurait été perdue.
- Merci, fit Choji sans trop savoir pourquoi.
Haku rit. « Ce n'est pas moi qu'il faut remercier, mais cette jeune fille. Êtes-vous Soujuu ?
- Euh, non, répondit Ino intriguée que le jeune garçon aie deviné que c'était elle qui avait soigné la blessure de Choji, archère. Mais je me débrouille avec les plantes.
Haku porta sa main au sac qu'il portait en bandoulière, et en sortit une aiguille blanche. Le visage concentré cette fois-ci, il sonda la plaie avec, puis pressa légèrement la peau du bout pointu. Choji grimaça, puis se mordit la lèvre. Haku lui adressa alors un gentil sourire, et il sentit son cœur battre plus fort. Elle était si belle... mais non ! C'était un garçon. Mais comment s'en douter ?
Sans même s'en rendre compte, il tourna son regard vers Ino, qui les fixait d'un air anxieux. Il croisa ses yeux bleus turquoises et se sentit comme soulagés. Sans tenir compte de son regard intrigué, il se retourna vers Haku. À sa grande surprise, il se rendit compte que le garçon ne se trouvait plus accroupi près de lui mais de nouveau debout aux côtés de Zabuza. Il se frotta un peu les yeux. C'était impossible. Non seulement il ne l'avait pas entendu ou sentit faire le moindre geste, mais surtout son coup d’œil à Ino n'avait pas duré une seconde.
Shikamaru, lui, avait vu le déplacement de Haku, et il en était encore pétrifié de saisissement. Sa marche évoquait le glissement d'une nymphe sur l'eau, où le vol d'une chouette ; silencieuse et rapide. Terriblement rapide. Un instant, il était ici. Un autre, il était là, ne laissant derrière lui qu'un nuage de poussière soulevé par son pas. Il déglutit. Apparemment, ils étaient tombés sur des gens assez hors du commun.
« Nous vous hébergerons, assura Haku. Zabuza est fort capable de tuer quiconque s'approchera de chez lui. Quand à moi, je suis une arme. Et je suis tranchant entre les mains de Zabuza.
Shikamaru le fixa, l'air stupéfait. Haku avait énoncé son état de simple objet si normalement, sans même se départir de son sourire... Décidément bien hors du commun.
« Suivez-moi. Je vais vous montrer la maison, proposa-t-il comme si de rien n'était.
Les trois adolescents le suivirent, conciliant. On ne discutait pas avec des gens pareils. Juste avant de disparaître dans la petite cabane, Shikamaru se retourna, et eut le temps de voir le géant Zabuza fixer l'horizon d'un air pensif. Puis la porte se referma, et il suivit ses deux amis à la suite du garçon.