Kotetsu étouffe difficilement un haussement de sourcils incrédule en observant la scène qui se joue sous leurs yeux à l’entrée de la porte Sud. Une dizaine d’arbres couchés lamentablement sur le côté n’ont pas résisté à leur passage, l’arche qui ouvre sur le Sud a pris de tels coups qu’elle menace de s’écrouler à tout moment, une pierre en son centre se balançant pathétiquement au-dessus du chemin. Et devant lui, son équipier de toujours, Izumo les regardent, ces quatre énergumènes qui n’ont que cette question ridicule sur les lèvres.
- Qui ? Qui est arrivé en premier ?
Les deux gardiens de la porte se consultent du regard avant qu’Izumo explose :
- Disparaissez de ma vue, bande d’idiots !
Devant les mots de son ami qui s’enchaînent sans ordre ni raison, emportés par la colère devant l’incongru de la situation, Kotetsu voit l’équipe de Chance, Gaï et Kakashi fuir bien vite, un sourire en coin, devant la fureur de son partenaire. Si Gai, Chance, Lee et Naruto tentent bruyamment, chacun à leur manière, de s’approprier la première place de cette course insensée, tous les autres s’éclipsent la tête baissée, avec un air consterné devant l’exubérance de leurs partenaires.
A peine se sont-ils éloignés que l’arche qui ne tenait que par miracle s’effondre misérablement sous les yeux exorbités des deux gardiens.
Kakashi et Yoshiko pressent l’allure un peu plus à chaque pas. Ils ont tant hâte de rentrer qu’ils ressentent au plus profond de leur être une urgence qui leur ôte toute raison. En passant le porche de la petite maison aux murs clairs, ils traversent le salon puis le couloir sans un regard en arrière pour la nourrice qui s’éclipse en silence et ouvrent la porte pour rester paralysés, un sourire aux lèvres.
La petite Perle, lovée contre son frère dort à poing fermé en tenant fermement le bras de son frère qui tourne légèrement la tête dans son sommeil. Dans un même mouvement, Yoshiko et Kakashi se penchent avec adoration sur les deux petits êtres pour effleurer leur peau douce sans chercher à étouffer le soupir de soulagement et de bonheur qui envahit leur cœur au même instant.
Lentement, ils lèvent la tête en se dévisageant pendant de longues minutes. Le soulagement d’être rentrée vivante, une sensation queYoshiko n’avait pas éprouvée depuis tant d’années la prend à la gorge avec une telle violence qu’elle laisse couler librement ses larmes, sans retenue ni honte. La joie et la terreur à l’idée qu’elle avait bien failli ne jamais plus pouvoir poser les yeux sur son fils et sa fille se mélangent à ses pleurs qui baignent les épaules de Kakashi qui la tient fermement contre lui.
Doucement, Yoshiko se reprend et pose ses yeux clairs sur Kakashi :
- Alors tu es d’accord ?
Le ninja au sharingan pense qu’il n’avait jamais eu le courage de lui refuser quoi que ce soit quand elle le regardait ainsi. Il la prend de nouveau dans ses bras et souffle à son oreille :
- Oui.
Il s’amuse encore une fois des rougeurs qui lui montent si facilement aux joues lorsqu’il effleure de ses doigts sa peau si douce et qu’il pose ses lèvres sur les siennes avec délice. Il avait accepté mais ils auraient tout le temps d’y penser demain.
En voyant les grands yeux de Perle se poser sur eux et en écoutant le rire cristallin de Zéphyr qui ouvre les bras pour tenter d’attraper la main de son père, le monde peut bien s’écrouler, l’Hokage réclamer leur présence dans les plus brefs délais pour n’importe quelle mission tordue, cette journée est à eux et à eux seuls.
Le lendemain, au terrain d’entraînement, Océan, Aigle et Eclat ont la surprise de voir Gaï et son équipe débarquer avec leur légendaire discrétion. Vert s’assoit aux côtés de Chance, conscient qu’elle souhaite lui parler. De leurs côté, les élèves de Chance sont en train de débattre furieusement avec Tenten et Neji. Intrigué par l’attitude si inhabituelle du jeune Hyuga, Gaï tend l’oreille.
- Elle nous a appelé Newbie un, deux et trois pendant des semaines, s’exclame Eclat affichant un sourire éclatant qui dément à lui seul l’offense.
- Il force Lee à porter des poids de cinquante kilos, dit Neji.
- Sur chaque jambe ! rajoute Tenten.
Alors que les trois genins de Chance fixent Lee avec des yeux ronds comme des soucoupes, il leur dévoile ses poids avec une fierté aussi grande que la consternation de ses équipiers.
- Tu pourrais faire un effort Lee ! s’exclame Tenten.
- Plus aucune crédibilité, marmonne Neji.
Aigle leur fait signe de se rapprocher et leur dit avec sur le ton de la grande des confidences :
- Vous croyez vraiment qu’Eclat, Océan et Aigle soient nos vrais prénoms ?
Lee, Neji et Tenten se consultent du regard, incrédules, bien obligés d’admettre qu’ils avaient trouvé des adversaires à la hauteur. Mais ils n’avaient pas encore dit leurs derniers mots.
De son côté, Gaï ne peut s’empêcher de laisser passer une de ses petites réflexions sur la fougue de la jeunesse avec des étoiles dans les yeux qui fait rire Yoshiko.
- Si je t’ai demandé de venir, dit-elle, c’est pour te demander quelque chose. Kakashi et moi, nous souhaiterions que tu …
Au même moment, Sakura et Naruto s’entrainent avec leur énergie habituelle. Et pendant qu’ils remodèlent tout le paysage de leur terrain d’entraînement avec autant d’efficacité que n’importe catastrophe naturelle un peu ambitieuse, Kakashi et Sasuke encore mal en point les observent à une distance raisonnable.
- Shikamaru et Naruto m’ont expliqué le rôle que tu avais joué, dit Kakashi. Tu as pris des risques inconsidérés pour tes équipiers. Tu…
- J’ai été à bonne école, rétorque Sasuke.
Kakashi hoche la tête en silence conscient que dans des circonstances similaires, il aurait agis de la même façon. Cette simple pensée finit par le convaincre que Yoshiko avait eu raison.
- Yoshiko et moi, on souhaiterait te demander si tu voulais bien accepter de devenir le parrain de Perle ?
- … deviennes le parrain de Zéphyr ? termine Yoshiko.
Dans la tête de Gaï, les images défilent à une vitesse étourdissante. Il se voit déjà en train de guider cette miniature de Kakashi sur les chemins de la vie, un modèle pour un esprit jeune et plein de fougue avec un sourire si éclatant que Yoshiko connait déjà sa réponse.
Par contre l’Uchiha a délaissé son attitude impassible pour une expression si incrédule que même Sakura et Naruto arrêtent leur entraînement pour le regarder. Le spectacle d’un Uchiha surpris est aussi rare que désarçonnant, se dit Sakura. Les yeux grands ouverts, la bouche légèrement ouverte, il fixe Kakashi avec un air tellement comique que Sakura et Naruto en voyant leur Maître s’éloigner se demandent bien ce qui a pu déclencher une telle réaction chez Sasuke qui est parti sans un mot.
Une fois renté et au calme, il se laisse tomber sur une chaise, encore abasourdi par cette étrange demande. Se moquent-ils de lui ? Pourquoi lui demander pareille chose à lui. La vie d’un ninja pouvait se terminer brusquement à chaque mission. Il le sait et Kakashi et Chance le savent. Devenir parrain, c’était accepter de prendre en charge l’enfant s’il arrivait malheur à ses parents…
Alors pourquoi lui ?
Son regard se perd au loin et il tombe sur la petite sacoche de cuir qui contient les lettres de son frère. Toutes les lettres, y compris les derniers mots sur lesquels il n’avait encore jamais osé poser les yeux.
D’un geste tremblant, il prend dans la main les feuillets remplis de l’écriture fine et soignée d’Itachi. Et pour une raison qu’il ignore, il sent le courage qui lui avait toujours manqué guider son bras. Il prend une grande inspiration avant de se lancer dans les mots qui s’étalent sous ses yeux. Il sait déjà qu’il lira tout, absolument tout.
Cela fait trois jours, à peine trois jours que je peux me lever et avancer sans subir la sourde douleur qui terrassait tous mes efforts à chacun de mes pas.
La douleur s’est atténuée. Mais l’aiguille lancinante qui s’enfonce un peu plus dans mon cœur et ma raison fait trembler mon bras plus sûrement que la plus profonde des blessures ouvertes.
Les mensonges, la haine et la colère ont répandu leur venin insidieux parmi les miens et les fondements de tout ce qui était ma vie s’évanouissent sous mes yeux.
La vérité est là, horrible et nue.
Madara a réussi à mener à bien ses sordides manipulations. Les Uchiha sont prêts à agir.
Nous avons échoué.
Je dois me rendre dans le bureau du chef de Kuro et même si je sais déjà pourquoi, mon esprit se révolte à l’idée de mettre bout à bout les conséquences logiques de notre échec. Je ne peux m’y résoudre.
Absorbé dans mes propres tourments, je manque de sursauter lorsque je tombe nez à nez avec Neige qui se pose à quelques mètres de moi, silencieux. Surpris de le voir en civil, je le détaille d’un regard. Habillé d’un simple pantalon et d’un haut sombre, et sans son bandeau frontal il dévoile son œil gauche fermé par une impressionnante cicatrice. Il porte encore son masque comme un stigmate de sa véritable nature qu’il ne serait dissimuler à personne, surtout pas à lui-même. Son unique œil visible est le théâtre de l’océan noir et dévastateur qui tempête dans son esprit fiévreux et de lourdes cernes creusent un peu plus de leur ombres grises son pâle visage.
Le silence lent et pesant s’éternise avant qu’il ne prenne la parole. Les rares mots qu’il m’adresse semblent lui être arrachés, maladroits :
- Suis-moi.
J’obtempère d’un hochement de tête. Je ne suis pas plus que lui enclin à parler. Nous nous éloignons en quête d’un endroit calme, à l’abri des oreilles indiscrètes.
- Ecoutes-moi bien Uchiha, dit Neige.
A ce simple nom, mon nom, je me raidis comme si j’avais reçu la pire des injures.
- Tu dois savoir, continue Neige.
- Savoir quoi ?
- Kuro était spécial. Les anciennes relations du quatrième, tous ceux qui ont un jour partagé les idéaux de mon Maître ont toujours réussi à soutenir Yoshiko contre l’influence de Danzo. Grâce à Chance, Kuro a toujours eu un statut privilégié et une relative autonomie par rapport à l’organisation. Sans elle, Danzo va s’empresser de reprendre les rênes et de faire payer tous ceux qui ont jamais eu un lien avec elle. Gaï s’est déjà vu retirer le commandement de son équipe et j’ai préféré quitter la section de moi-même avant d’être mis à la porte comme un malpropre.
Son visage se ferme un peu plus. Sa décision de quitter Kuro n’a rien à voir avec sa soit disant peur de Danzo et de ce qu’il pourrait lui faire. Et qui suis-je pour l’en blâmer ?
- Et vous me conseillez de faire de même ?
- Tu sais aussi bien que moi que la situation de ton clan est dans une impasse. Et j’ai peur de la part que te réserves Danzo dans toute cette histoire.
Fuir. J’y ai déjà pensé plus d’une fois. Tout quitter, les Uchiha, le Village, déserter et emporter avec moi la seule personne que ce clan maudit n’a pas encore atteint de son emprise haineuse. Fuir, loin, avec Sasuke et laisser tout derrière nous, sans remords, laisser au Village le soin de régler lui-même ses comptes avec ce clan que j’ai déjà renié au plus profond de moi.
Il ne me laisse même pas le temps de répondre, il est déjà parti.
Et lentement, je reprends ma route. Je sais déjà où ces pas me mènent et que je ne fuirais pas.
Je ne suis pas étonné de voir que c’est Danzo en personne qui me reçoit. Je l’ai déjà vu plus d’une fois mais jamais seul à seul. Et c’est la première fois que je vois une telle lueur de satisfaction malsaine dans son œil qui se pose sur moi. Il n’a plus personne pour lui barrer la route et il sait aussi bien que moi que la tentative de l’Hokage a échoué lamentablement.
Il expose en quelque mots une situation que je ne connais que trop bien et sa conclusion d’une logique implacable que je m’étais toujours refusé d’envisager même dans le pire des sombres recoins de mon esprit.
L’extermination de tout un clan. De mon clan. Par ma main.
La fin des Uchiha.
Et à cet instant, je n’ai pas honte de dire que mes seules pensées sont tournées vers une seule et unique personne.
Sasuke.
Pourquoi mon petit frère devrait être sacrifié sur l’autel de la haine et de la folie de ce clan maudit ? Pourquoi ?
Ma décision est déjà prise depuis longtemps. Il est la seule raison qui me pousse encore à me battre. Et quand j’accepte cette mission improbable, je lis l’incrédulité sur le visage impassible de Danzo. Même lui est surpris que ma voix ne tremble pas.
Mon plan est déjà tout tracé dans mon esprit qui se glace un peu plus à chacun des mots que je prononce. J’accepte la mission et me ferais passer pour un déserteur. La couverture parfaite pour approcher l’Akatsuki et Madara Uchiha. Je lui détaille ma rencontre avec mon ancêtre et lui parle de l’intérêt qu’il a envers moi, enfin surtout envers mon Mangekyo sharingan.
Un seul regard rougeoyant finit par le convaincre.
Et je ne demande en échange qu’une chose, un point non négociable.
La vie de mon frère.
Danzo accepte à une seule condition. Sasuke ne devait jamais connaître la vérité au risque qu’il se retourne un jour contreKonoha. Je lui ai assuré que toute sa haine et sa colère, j’étais prêt à l’accueillir sans regret, sans une seule once d’hésitation si cela pouvait sauver sa vie.
Et à cet instant, je comprends que ce qui fait ma force n’a jamais été mon sharingan, mon aptitude à maîtriser le Taijustsu ou je ne sais quelle nouvelle technique. Avoir quelque chose ou quelqu’un à défendre de plus grand que soit, Konoha, la paix, mon propre frère.
Sasuke, tu grandiras dans mon ombre, tu deviendras fort, plus que je ne l’ai jamais été et ce jour-là, je paierai de ta main l’offense d’avoir fait couler le sang des miens. Ce jour-là, tu deviendras un héros aux yeux de tous, celui qui a tué le démon furieux qui a une nuit de pleine lune décimé les siens dans un accès de folie et de rage. Et le nom des Uchiha sera redevenu ce qu’il a été, ce qu’il aurait dû toujours être, un symbole de force, de courage et de fierté.
Cette nuit, petit frère, je vais détruire l’illusion qui régissait ta vie pour n’en laisser qu’un vide terrifiant que tu empliras de pleurs et de colère.
Cette nuit hantera mes cauchemars aussi sûrement que les tiens, petit frère.
Cette nuit, tu vas me haïr avec autant de force que je suis prêt à en déployer pour te sauver.
Les derniers mots.
Sasuke laisse échapper les larmes silencieuses sur ses joues. La pensée du dernier sourire qui illumina le visage de son frère lui arrache ses dernières réserves et les sanglots éclatent sans retenue.
- Je suis rentré, grand frère.
AIGLE
Shikamaru redresse le plateau de shogi, lentement, replaçant les pièces une à une avec une lenteur tout mesurée et invite Aigle à prendre place.
La jeune Hyuga lève les yeux vers son adversaire, consciente de l’obstacle infranchissable qui se dresse devant elle. Tout au plus pouvait-elle espérer arracher quelques froncements de sourcils à son adversaire lors de cette partie dont l’issue serait aussi inéluctable que brève.
Acculée très tôt dans la partie par une attaque aussi compliquée qu’incisive, elle tente un coup audacieux. Shikamaru esquisse un petit sourire avant d’anéantir d’un claquement d’ivoire toutes les défenses d’Aigle qui baisse les yeux, dépitée devant l’inutilité de ce long calcul qu’elle avait fait. Elle n’avait pas pensé à ce coup qui réduit à néant tout espoir de faire perdurer cette partie plus longtemps.
- Tu dépasseras bientôt ton Maître, dit Shikamaru. Tu n’as pas ses faiblesses dans son jeu.
Aigle détaille l’échiquier en comprenant un peu trop bien les implications de Shikamaru. Sa stratégie était basée sur le sacrifice de deux pièces maîtresses qui aurait dû la placer en position idéale pour porter un coup fatal sur le roi du camp ennemi. Aurait dû…
Tout d’un coup, elle n’aurait su dire si ces mots étaient un reproche ou un compliment.
- C’est pour cette raison que je t’ai demandé de venir.
Pour la première fois depuis qu’il la connaît, Shikamaru voit une réelle surprise se peindre sur le visage de la jeune fille tandis qu’elle essaye tant bien que mal d’assembler les maigres indices à sa disposition pour comprendre la raison de sa présence.
Shikamaru décide de ne pas la laisser languir plus longtemps et sort un épais dossier sous ses yeux. L’insigne des ANBUs qui se dessine sur la couverture de l’épais tas de feuille pique la curiosité d’Aigle.
- J’ai longuement discuté avec Tsunade de tout ce qui s’était passé cette nuit, dit Shikamaru. Et nous sommes parvenus à quelques conclusions… Sur ton équipe et particulièrement sur Chance et sur toi.
- Des conclusions sur moi, reprend-elle avec prudence.
- Mais avant de te les exposer, je dois t’expliquer deux trois choses sur Chance. Tu comprendras de toi-même où je veux en venir.
Shikamaru ouvre le dossier et les yeux d’Aigle s’agrandissent en voyant les fiches d’une équipe d’ANBU, pas n’importe quelle fiches celles de l’équipe sept de Kuro et de leur capitaine, Chance.
- Ton Maître a été pendant deux ans un des capitaines de Kuro, dit Shikamaru en s’amusant de voir les yeux d’Aigle s’agrandirent un peu plus encore. Et son équipe a réussis nombre d’exploits que beaucoup auraient jugés impossible sans une seule perte en deux ans grâce à deux de ses membres. Chance et le plus grand stratège que Konoha n’ait jamais connu et que Chance avait vite surnommé « Le Doc ».
- Le Doc, répète Aigle qui se maudit aussitôt de ne pouvoir faire autrement que de répéter aussi bêtement les mots du jeune Nara et d’être incapable d’enlever l’air ahuri et curieux sur son visage d’ordinaire impassible.
- Et crois-moi, chacun de ses plans, chacune de ses stratégies est digne de faire l’objet d’une étude approfondie. Tout était calculé et pensé dans les moindres détails.
Shikamaru sait qu’il ne s’est pas trompé au moment même où il voit Aigle regarder les notes qu’il a apporté avec le même intérêt queChoji aurait manifesté pour un morceau de viande grillant insolemment sur un barbecue.
- Je voudrais que tu commences par en étudier quelques-uns, si tu es d’accord bien sûr.
- Je commence quand ?
- Tout de suite, dit Shikamaru en lui tendant trois liasses de papiers qu’elle prend comme un trésor avant de se rembrunir.
- Si vous cherchez à dénicher un nouveau Doc, dit-elle, j’ai peur de ne jamais être à la hauteur, dit-elle.
- Ne t’inquiètes pas pour ça, dit le jeune Nara, je ne suis même pas sûr de lui arriver un jour à la cheville. Tsunade et moi-même, nous souhaitons que tu comprennes mieux le fonctionnement de ton Maître pour pouvoir adapter tes stratégies le mieux possible en fonction des circonstances. Ne t’inquiètes pas, une équipe de genins n’aura jamais à faire face à des situations telles que celles que tu trouveras dans ses dossiers.
- Je ferais de mon mieux, dit Aigle, comptez-sur moi !
Shikamaru s’amuse de voir Aigle si transparente. Elle allait de ce pas parler de tout ça à son équipe, il le savait…
- Aigle !
La jeune fille se retourne un petit sourire sur les lèvres qui en dit long. Il se devait d’y apporter une petite touche personnelle…
- Elle a appelé Itachi Uchiha Newbie pendant des semaines !
Yoshiko hésite une seconde.
- Gorgo…
Sa raison lui dit d’arrêter tout de suite cette folie. Elle sait qu’elle va franchir une ligne dont elle n’aurait même pas dû s’approcher. Mais son cœur l’emporte et elle demande.
- Dis-moi qui !
Dans une décharge violente et criarde, Chance assise à la vision insoutenable des souvenirs d’Aigle dans lesquels Gorgo s’était servie copieusement pendant le peu de temps où elles avaient été en contact. A mesure que les secondes s’égrènent, Chance tremble de tous ses membres.
Maintenant elle sait. Elle connait le visage et le nom de cet homme qui a abusé de son rang, de sa position pour maltraiter une fillette sans autre raison que la cruauté inhérente à certains hommes qu’une once de pouvoir rend aussi cruel qu’indigne de porter le nom d’Homme.
Tremblante devant cette réalité implacable, elle sait qu’elle ne pourra se retenir bien longtemps d’agir.
Cette nuit même, alors que la lune est à peine visible sous les nuages menaçant du ciel noir, Yoshiko sort sans un bruit de la maison. Se glissant dans les ombres, elle entre dans l’enceinte du clan Hyuga et cherche des yeux les repères qu’elle avait pu trouver dans les souvenirs de son élève pour arriver devant la maison de cet homme. Son sang pulse douloureusement dans ses tempes lorsqu’elle distingue la silhouette de l’homme qui hante les cauchemars d’Aigle et emportée dans son élan, elle fait un pas vers la porte qui se trouve devant elle avant de sursauter. Une poigne de fer entrave son bras et la tire en arrière.
D’un bond, elle se retourne pour tomber nez à nez avec Kakashi qui la dévisage sans comprendre.
- A quoi tu joues Yoshiko !
Tremblante de rage de s’être laissé emporter par sa colère au point de se laisser surprendre aussi facilement, elle se dégage brutalement et s’éloigne en tremblant de rage.
Kakashi n’a pas besoin de la suivre pour savoir où ses pas la mènent. Il presse le pas et la retrouve devant cette stèle grise qu’ils connaissent aussi bien l’un que l’autre.
- Va-t’en Kakashi, je ne suis pas d’humeur à justifier quoi que ce soit, dit Chance d’une voix glaciale.
- Je sais très bien ce que tu comptais faire. Mais ça n’aurait fait qu’empirer les choses et tu le sais aussi bien que moi.
- JE SAIS !
- Yoshiko, qu’est-ce qui te prend !
- TAIS-TOI !
L’espace d’une seconde, Kakashi se retrouve comme perdu dans un passé qu’il aurait préféré oublié et enterré. Celui où Yoshiko s’était renfermée complétement sur elle-même, où plus rien ne semblait l’atteindre, où elle enchaînait les missions les plus désespérées les unes aux autres.
Yoshiko murmure-t-il d’une voix désemparée avant de la voir disparaître sans un mot.
Kakashi passa la nuit seul dans un lit bien trop grand, l’esprit préoccupé par l’absence de Yoshiko et de tout ce qu’il pouvait bien se jouer dans la tête de celle qui avait pris une telle place dans sa vie et son cœur. Rarement il ne s’était senti aussi démuni.
Dès l’aube, il se rend discrètement sur le terrain d’entraînement de l’équipe huit et à son grand soulagement, Yoshiko se trouve déjà là. Elle est égale à elle-même, comme si ce qui c’était passé la nuit dernière n’était qu’un mauvais rêve. Mais Kakashi n’est dupe une seule seconde et attend patiemment la fin de l’entraînement pour lui parler. Pour lui dire quoi ? Parler n’avait jamais été son point fort.
Mais contre toute attente, à la fin de l’entraînement, elle demande à Aigle de rester pour lui parler. Elle a depuis longtemps détecté la présence de Kakashi mais elle le laisse les suivre jusqu’à la pierre grise. Sa façon à elle de lui de s’excuser, certainement.
- Aigle.
La jeune fille fixe son Maître avec une appréhension touchante.
- Il faut que je te parle.
- Maître…
- Mon histoire est longue alors tu ferais mieux de ne pas m’interrompre. Le jour de l’attaque de l’attaque du Village par Kyubi, j’ai tout perdu. Mon équipe d’ANBU était en première ligne, je les ai vu tomber, un à un, sous mes yeux. Puis j’ai vu mon frère sceller cette chose dans son propre fils au prix de sa vie. Après cette nuit, je n’avais plus rien et encore moins l’envie de continuer à vivre dans ce champs de ruine qu’était devenu ma vie. Par respect pour le sacrifice de mon frère, je me suis engagée dans la section ombre de Kuro, bien décidée à servir Konoha jusqu’à la fin et à ce que ma mort ne soit pas inutile. L’attaque de Kyubi avait fragilisée Konoha au plus haut point et la situation était des plus instables. Tous les pays du plus petit au plus grand ont tentés de faire main basse sur le Village qui se relevait à peine, fomentant complots et alliances à tour de bras dans cet unique but : détruire Konoha. Ma première équipe est tombée sous les coups des ninjas de Kumo, ma deuxième équipe et troisième sous celles de la Pluie. Comme une ultime ironie, cette mort que je cherchais tant se moquait de moi, et je revenais, toujours, seule.
Les yeux d’Aigle s’agrandissent un peu plus chacun de ces mots.
- Dans ma dernière équipe au sein de cette section, mon capitaine était un membre de ton clan. Il avait tout ce dont le clan Hyuga peut s’enorgueillir, une maîtrise du Byakugan et de toutes les techniques de ton clan que je n’ai encore jamais vu égalée, un meneur d’hommes aussi grand qu’humble, d’une intelligence rare. J’avais encore assez de recul pour me rendre compte que quelque chose clochait. Alors un soir, je lui ai demandé pourquoi il avait choisis de travailler avec nous. Il n’avait rien à faire dans cette section qui n’était pleine que de têtes brûlées, plus soucieux de tromper la mort pour se prouver qu’ils étaient encore de ce monde que d’obéir aux ordres et d’aider le Village ou même leurs propres équipiers. C’est à ce moment qu’il m’a dévoilé son sceau. Cette marque maudite qui scella son destin à jamais alors qu’il n’était qu’un enfant. Cette chose sur son front qui lui donnait l’impression que tout ce qu’il était, ce qu’il avait accompli, sa vie avait si peu de valeur, en tout cas moins que la mienne à ses yeux.
Yoshiko grimace pour ne pas se laisser submerger par les souvenirs douloureux qui menacent de l’envahir pour poser ses yeux sur ceux d’Aigle.
- Je ne prétends pas comprendre ou même imaginer le poids du fardeau que tu portes. Mais il ne doit jamais te faire perdre de vue ta valeur. Aigle, tu es forte, intelligente, tu possèdes un avantage unique que tu maîtrises déjà de façon impressionnante et tu commences à comprendre à quel point le travail d’équipe est important et à faire confiance à tes partenaires. Alors…
- Vous vous trompez, l’interrompt brutalement Aigle.
Trop surprise par le ton posé et le regard clair de la jeune Hyuga, Yoshiko est sans voix lorsque d’une main, elle dévoile son sceau et de l’autre, elle montre son cœur.
- Votre marque n’est peut-être pas inscrite dans la chair comme la mienne mais je n’ai pas besoin du Byakugan pour la voir. Et comme moi, vous avez appris à vivre avec.
Depuis qu’elle s’était penchée sur les rapports de mission de l’équipe sept de son Maître détaillant à s’en arracher les yeux tous les stratagèmes du Doc, elle avait fait ce que Shikamaru attendait d’elle. Elle avait sans peine compris qui était son Maître.
Et si elle ne se sent pas de taille à se mesurer un jour à l’incroyable talent du Doc, elle sait qu’elle est prête à tout faire pour rappeler à son Maître la valeur de sa propre vie. Et pour la première fois de sa vie, elle sait qu’elle ne sera pas seule dans cette tâche car elle fait partie d’une équipe.
EQUIPE SEPT ?
Kakashi observe du coin de l’œil Sakura qui affiche un air gêné et Naruto attend avec une impatience qu’il prenne la parole. Quant àSasuke, il affiche son air impassible habituel mais ne peut dissimuler entièrement sa nervosité.
Le ninja au sharingan est à l’heure au rendez-vous. Il sort trois formulaires et en donne un à chacun d’entre eux, déjà porteur de sa signature.
- Ce sont les papiers pour passer l’examen junin. Vous avez largement démontré que vous avez tous les capacités de le passer mais vous devez savoir une chose, lorsque vous serez junin, l’équipe sept sera dissoute et vous serez chacun en charge de votre propre équipe.
Les trois membres de l’équipe sept fixent le papier avec stupeur. Devenir junin ou rester chunin dans la même équipe. Naruto se tourne vers Sakura sachant déjà qu’elle avait fait son choix. Il prend le papier et s’apprête à parler mais Sasuke le prend de court.
- Je suis retourné au Village pour récupérer les lettres de mon frère, et j’y suis resté parce que j’ai enfin retrouvé ma place, dans cette équipe, avec Naruto, Sakura et même vous. Alors je n’ai pas envie de rester chûnin toute ma vie mais je n’ai pas envie de quitter cette équipe.
Sakura empoigne d’une main tremblante le papier :
- Moi non plus, je ne veux plus quitter l’équipe sept.
- Moi non plus ! s’exclame à son tour Naruto.
Kakashi les regarde tous en souriant :
- Bien. Naruto, Sasuke, Sakura, je dois vous faire part d’une proposition de l’Hokage. Une proposition que je ne pouvais vous faire avant de savoir si vous pouviez encore travailler en équipe, dit Kakashi en fixant Sakura qui baisse les yeux.
- Travailler en équipe ? répète Naruto.
- Maintenant je sais que vous pouviez encore former une équipe soudée et vous me l’avez prouvé, tous.
Sakura relève la tête vers son Maître et commence à comprendre que la proposition de passer l’examen junin et de prendre en charge une nouvelle équipe était un test.
- Tsunade m’a demandé de remettre sur pied la division Kuro et de choisir moi-même les membres de mon équipe. Shikamaru a déjà accepté mon offre.
Naruto se tourne vers Kakashi tout sourire :
- ANBU ! Vous nous proposez de rester ensemble pour devenir ANBU !
La division Kuro, pense Sasuke, celle d’Itachi.
- A une seule condition, dit Sasuke.
- Quelle condition ? demande Kakashi presque curieux.
- Pas de surnoms ridicules.
Ah … Alors dépêchez-vous de passer junin que nous puissions monter la nouvelle équipe huit de Kuro, Newbies !
MOMENT TANT ATTENDU ?
Yoshiko examine son reflet dans le miroir, incrédule. La robe couleur sable, le présent de Kankuro et Temari qu’elle porte est aussi simple qu’élégante d’une coupe cintrée qui souligne les courbes de sa silhouette avec grâce. Ayant renoncé à dompter ses cheveux, ils cascadent librement sur ses épaules ajoutant une touche sauvage au tableau trop sage qui la regarde dans la glace.
- Ma tante, tout le monde vous attend, annonce Naruto en s’inclinant avec cérémonie et en lui proposant son bras.
La jeune femme se tourne vers Naruto qui sourit devant son formalisme et sa respiration se coupe tant la ressemblance avec son frère la frappe. Puis elle jette à nouveau un regard à son pendant qui la regarde avec un air froid.
- J’ai l’impression d’être prise dans une illusion, dit Yoshiko, de ne pas être à ma place. Toute ma vie, j’ai été un soldat et rien d’autre. J’ai parfois dû jouer le rôle d’un civil mais jamais je n’ai jamais été confronté à une telle situation. C’est presque plus effrayant que de partir en mission complétement désarmée.
- Pourtant, je suis sûre qu’il pense exactement la même chose et que pour une fois, il ne sera pas en retard.
Yoshiko glisse son bras sous celui de Naruto et se laisse mener en tentant de contrôler son cœur qui bat un peu trop vite pour constater qu’il avait raison, il était déjà là, en face de l’Hokage. Sans ses habits de junin, portant un costume des plus seyants, il dégage de sa silhouette la même impression de force et de fragilité qu’elle ressent au plus profond d’elle-même. Son cœur manque de chavirer devant le petit air béat qu’il affiche devant son apparition et qui la fait rougir. Yoshiko sourit en voyant que Kakashi n’a pas pour autant sacrifié son précieux masque pour l’occasion.
Puis elle détaille l’assemblée. Tous sont déjà là. Sa propre équipe se trouve sur sa gauche et affiche un air un peu perdu. Les parents d’Océan sont à quelques pas derrière alors que l’équipe de Vert est au premier rang. Si Neji et Tenten sont aussi calmes que dignes, il n’en est rien de Lee et Gaï qui retiennent à grand peine leur enthousiasme et leurs gesticulations habituelles. Sasuke qui montre une ressemblance de plus en plus frappante avec son grand frère se tourne vers elle, le visage impassible. Mais à son cou pend la petite chaîne d’argent qu’elle lui avait offert avec le pendentif en forme de sept d’Itachi. Sakura à ses côtés lui renvoie un sourire franc et encourageant. Des ANBUs, certainement Petit et quelques anciens collègues de Kakashi assistent au spectacle, dissimulés dans l’ombre. Un peu plus en retrait, Celn et sa petite sœur accompagnés du Kazekage, de Temari et Kankuro observent la scène avec une certaine curiosité.
Temari s’approche de Kankuro et lui lance d’un ton sec :
- Tu ne trouves pas qu’il y a comme une atmosphère pour le moins inhabituelle…
- Si tu veux mon avis, ils sont tous complètement fous dans ce village. Même l’Hokage a pas l’air net !
Tsunade s’apprête à dire les derniers mots et à vrai dire personne n’avait vraiment prêté attention à son discours jusqu’à ces mots qu’elle allait prononcer. La tension est telle que la pièce semble se rétrécir sous ses yeux et tous les visages convergent vers le même point avec une avidité et une attention maladives.
- Vous pouvez embrasser la mariée.
Un silence de plomb envahit l’assemblée lorsque Kakashi lève sa main droite et effleure de ses doigts le tissu de son masque. Tous retiennent leur souffle et le temps se suspend au bout de ce geste lent et mesuré.
- Ils sont tous cinglés dans ce Village, ils n’ont jamais vu un baiser ou quoi ! s’exclame Temari.
Seul le bruit d’une chips qui craque sous la dent lui fait réponse et Choji relève la tête de son paquet à moitié vide :
- Vous attendez pour rien.
- Pourquoi tu dis ça Choji ? demande Ino, le visage totalement happé par le spectacle du masque qui commence à glisser lentement.
- Shikamaru n’est pas là…
Et au même moment, ils disparaissent dans un éclair aveuglant laissant place à une assistance médusée et un silence choqué. Puis sous les yeux chargés d’incompréhension des shinobis de Suna, tous éclatent de rire devant l’emportement de Naruto et l’air abattu de toute l’équipe sept. Même Sasuke perd son attitude froide et distante le temps d’une seconde tandis que Tsunade laisse éclater sa frustration avec il est vrai une certaine flamboyance…
Yoshiko et Kakashi réapparaissent dans un déluge de lumière dans une clairière aux alentours de Konoha, à l’endroit même où enfants ils s’étaient entraînés pendant des heures pour tenter de maîtriser la technique du Quatrième.
Kakashi continue lentement à baisser son masque lorsque Yoshiko l’arrête en posant sa main sur la sienne.
- Encore un petit détail à régler… SHIKAMARU ! T’as intérêt à disparaître si tu tiens à la vie !
Le jeune Nara sort la tête, un petit sourire en coin avant de tourner les talons en marmonnant :
- Galère…
Yoshiko ne desserre pas pour autant son emprise sur le masque de Kakashi avec surprise.
- Je crois que ce privilège vous est réservé, Madame, dit Kakashi.
- Soyez sûr que je sais protéger mes intérêts, Monsieur Hatake…
Yoshiko enlève le masque, dévoilant lentement les traits séduisants du visage de Kakashi et s’empare avec empressement de ses lèvres.