c'est être sans pitié pour soi-même. »
Francis Bacon
Camp militaire de Souge
Tôt le matin
Le soleil était paresseux, ce matin. Comme de nombreux français, il n'avait pas très envie de se lever. Lentement, il pointait le bout de son nez à l'horizon, laissant des traînées roses et orangées dans le ciel. Une chouette solitaire planait silencieusement dans les airs jusqu'à pénétrer le grenier d'une vieille demeure par la lucarne. La maison n'était plus habitée depuis des années. Battant les ailes pour s'élever sur une poutre poussiéreuse, elle s'y percha pour dormir toute la journée là où personne ne pourrait la perturber durant son sommeil.
La veille, l'adjudant avait prévenu un simple entraînement matinal qui permettrait en réalité aux officiers supérieurs d'évaluer dans un premier temps, secrètement, chacun des participants. Ils devaient noter le moindre de leur échec et réussite par épreuve dans un tableau créé au préalable sur un calepin. L'ordre provenait directement de l'État-Major. Neji et Yahiko suivaient l'entraînement comme tous les autres, sans rien se douter, ainsi que le groupe de Shikamaru.
On rampait dans la boue sous des barbelés longs de plusieurs mètres à ras-terre. Les plus lents se faisaient crier dessus, insulter, bousculer par les plus rapides qui ne pouvaient pas avancer à leur rythme. Certains s'écorchaient la tête quand il se faisaient dépasser. Leur prénom sur la liste fut d’emblée rayé de la liste ; leur temps ayant été jugé insuffisant alors que cela venait de commencer. La moindre erreur, le moindre relâchement, était fatal. Au pas de course sur le chemin du prochain obstacle, le groupe de Shikamaru se tenait en tête, suivi de près par Neji et Yahiko. Naruto fut le premier à sauter sur un filet de cordages mous et à commencer la pénible ascension alors qu'un soldat se loupa, ayant bondi tout de suite après lui, s'étant emmêlé avant de tomber sur le dos. Il gêna un groupe entier d'arrivants. Arrivé au sommet, Naruto s'accroupit et tendit rapidement la main au premier soldat qu'il vit : Temari. Celle-ci ne se fit pas prier pour se saisir de sa main et se hisser sur la plate-forme en lui lançant lorsqu'elle sauta au-dessus d'une fosse et glissa sur les fesses jusqu'à toucher le sol :
« C'est pas pour autant que je te dirai merci !
-Si tu savais comme j'm'en tape ! dit-il en se réceptionnant en même temps qu'elle.
-Ça ne ressemble pas qu'à un simple entraînement, remarqua Shikamaru en les rattrapant.
-Déjà là ? fit Naruto en le regardant par dessus son épaule. Je pensais pas que tu pourrais nous rejoindre aussi vite vu comment t'es un mou du genou.
-Les officiers ont l'air encore plus sérieux que d'habitude … Regardez comme ils sont concentrés sur leurs papiers au lieu de vous engueuler, continua-t-il. »
Après un moment d'observation tout en continuant de courir et de franchir les obstacles, Naruto et Temari se rendirent compte que ce que disait leur ami s'avérait exact. Sans un mot de plus ils continuèrent le parcours. Ils mettraient Suigetsu au courant dès qu'il arriverait vers eux.
L'écart entre les gens du peloton se faisait plus grand à chaque obstacle. Mais Shikamaru, ses amis, le duo des meilleurs tireurs d'élite du campement et d'autres courageux soldats tenaient bon.
Ils arrivèrent sur un champ de tir. Des sacs de sable empilés les uns sur les autres soutenaient des fusils-mitrailleurs de gros calibre et des box numérotés servaient d'espace de tir. Les premiers arrivés se servirent promptement sur les comptoirs où étaient entreposés des fusils et se jetèrent dans un box libre. Le terrain de tir en face d'eux était gravillonné et sablonneux et avait la taille d'un terrain de football. Des cibles plus où moins lointaines plantées dans le sol narguaient les soldats qui se faisaient un plaisir de les cribler de balles.
« Dégagez, les blanc-bec ! Ou j'vous casse les cacahuètes ! tonna en rythme une grosse voix. »
Un grand black tout en muscles marchait rapidement jusqu'à une mitrailleuse lourde en bousculant d'une main les gêneurs sur son passage. Il prit place derrière l'engin, arma la culasse d'une poigne redoutable et arrosa le champ de tir en beuglant comme un taureau qu'on égorge :
« YEEAAAHHHH !! »
Les soldats qui n'avaient encore jamais vu Killer-Bee avec une mitrailleuse entre les mains écarquillèrent de grands yeux :
« Mais c'est qui ce malade ?! »
Concentrés sur leur tir, Neji et Yahiko ne se laissaient pas distraire et mirent dans le mile au coup par coup, nullement gênés par le vacarme que produisait en plus l'engin de mort tenu par l'homme à la peau café au lait.
« Quelle bande de ratés … poussa le Hyûga en reposant son arme sur le comptoir.
-J'ai jamais vu un type faire autant de boucan … Ce rappeur finira un jour par se faire tuer. Il ne tient pas en place plus de dix minutes, répondit Yahiko. »
Ayant touché cinq fois le centre de leur cible avec cinq balles et donc, marqué le maximum de points pour ce secteur, les deux jeunes hommes avaient terminé plus rapidement l'entraînement que les autres. Un officier posa ses jumelles sur une petite table en face de lui et gratta sur son calepin en les regardant d'un air qui en disait long sur sa satisfaction. Neji croisa son regard par hasard et fit la même remarque que Shikamaru à Yahiko quelques secondes plus tard.
« Tu peux être certain qu'ils nous enverront sur la prochaine grosse mission. »
Le groupe de Shikamaru et Killer-Bee achevèrent l'entraînement en un temps record. C'est facile de marquer des points en tirant au hasard … pensa Naruto en dévisageant Bee qui exhibait fièrement sa musculature colossale.
Dans la journée, ils seraient convoqués d'urgence dans le bureau du général qui ne manquerait pas de les féliciter pour leurs exploits.
Bureau du général Sarutobi
11h08
« Les indices que vous nous avez ramenés de votre dernière mission nous ont permis de débusquer un campement paramilitaire, dans le Texas. Il est soupçonné d'entretenir des relations commerciales avec l'organisation qui a largué les missiles chimiques sur le village. Leurs agissements dans la région sont troublants ; on déplore la disparition de bon nombre de civils et personne ne sait ce qu'ils sont devenus. Nous devons découvrir d'autres éléments afin de remonter la piste de l'organisation. Vous serez déployés derrière les lignes ennemis ce soir à 21h00 précises.
Bien droits, les mains croisées dans le dos, les deux tireurs écoutaient attentivement les paroles du général.
-Bien, mon général, dirent-ils en même temps.
-Nous ne pouvons pas nous permettre d'envoyer tout un régiment dans ce campement, c'est pour quoi dans vingt-quatre heures vous aurez en renfort nos meilleurs soldats qui ont passé ce petit test avec brio pour finir le travail. Ils échangèrent un bref regard en coin. Je vous recommande la prudence. Faites-nous un rapport toutes les deux heures quand vous serez arrivés. Rompez !
Ils joignirent d'un coup leurs jambes et se mirent au garde-à-vous.
-Et veuillez m'envoyer le groupe de Shikamaru Nara.
-Bien, mon général !»
Ils tournèrent les talons et se rendirent dans leur chambre pour préparer leurs affaires, se rendirent à l'armurerie pour retirer leur équipement.
Lorsqu'il n'entendit plus leurs pas s'éloigner dans le couloir, le vieil homme tira un tiroir de son bureau et alluma un cigare avant de se lever. Il se rendit en face d'une grande baie vitrée qui donnait sur les forêts avoisinantes et ouvrit les fenêtres. Il porta sa main à sa bouche et aspira une longue bouffée de tabac qu'il souffla au-dehors, un léger sourire étirant son visage ridé. Oui … je suis persuadé qu'ils feront une bonne équipe.
Terres du Texas
Aux alentours d'une zone aride
21h00
C'était une nuit claire. La pleine lune brillait intensément dans la noirceur du ciel bleu foncé. Dès lors qu'ils eurent sauté dans le vide en parachute, l'air ambiant les avait prit à la gorge. Il était difficile de respirer, même à une heure aussi tardive de la journée. L'atmosphère était froid, lancinant, sec, agressait leurs poumons à tel point qu'ils avaient la très désagréable impression que l’oxygène qu'ils respiraient transperçait leurs voies respiratoires.
Quand ils atterrirent sur le sable encore chaud, ils remballèrent leur parachute dans un sac à dos.
Gourde, couteau de combat, poches de munitions accrochés à la ceinture, sur le torse, ils étaient vêtus d'une tenue de camouflage tachetée aux couleurs de leur environnement ; jaune pâle et marron clair. Les hommes portaient un sac à dos où était sanglée leur arme de service. Il contenait tout leur matériel secondaire. Dans une position basse, ils cherchèrent un point d'observation pour avoir une vue plongeante sur le petit camp suspect qu'ils avaient repérés grâce à la lueur d'un feu de camp.
Des montagnes se succédaient sur des centaines de kilomètres d'Est en Ouest, enveloppant le lieu dans une sorte de bol creux et sablonneux. Beaucoup de points surélevés existaient, aussi dangereux pour eux en cas d'embuscade ennemie, que pratiques. Quelques minutes plus tard ils s'accroupirent, dégainèrent des jumelles modernes aux verres teintés en rouge. Quand ils placèrent les lentilles devant leurs yeux, ils réglèrent la netteté de l'image du camp que renvoyaient les objectifs. Une fois la mise au point effectuée, chaque homme là-bas était encadré d'un rectangle virtuel. Y compris ceux qui dormaient sous des bâches qui servaient de tentes précaires. Le feu de camp brûlait au centre du campement où se réchauffaient quelques hommes, enrubannés dans un turban, à la barbe hirsute. Pour Yahiko, l'endroit paressait trop peu défendu pour les informations qu'ils étaient venus sécuriser :
« Tu crois vraiment que c'est ici ? Les forces sont bien maigres.
Neji consultait à ce moment-même une carte digitale sur son avant-bras, dans un boîtier petit et fin, intégré à sa tenue et reliée à un satellite.
-Les indications sont formelles : c'est bien ici, assura-t-il en levant les yeux du gadget avant de l'éteindre. Mais rien ne confirme que ce n'est peut-être qu'une passerelle … Il se peut très bien que ce soit un endroit de passage qui mène à notre objectif, et dans ce cas nous devrons attendre que leurs petits copains se ramènent pour qu'ils nous guident à leur base.
Yahiko acquiesça et se leva doucement.
-Je pars en reconnaissance, dit-il en commençant à partir. Peut-être que je la découvrirai.
-Sois prudent, il rôde peut-être toujours et on ne sait pas s'il sait déjà pour notre mission. Si c'est le cas … Neji laissa sa phrase en suspend. Tu te rappelles comment ça s'est fini, la dernière fois ? »
Yahiko s'immobilisa. Il tourna lentement la tête, le dévisagea d'un air grave. Il n'avait pas besoin qu'on le lui rappelât. Des souvenirs humiliants resurgissaient dans son esprit.