Mes paupières s'ouvrirent lentement sur le visage de Karin. La nuit n'était pas encore pleinement tombée, je ne m'étais donc pas assoupi longtemps. Pourtant un temps infini semblait s'être écoulé depuis que nous avions quitté le repaire. A la pensée de cet instant passé, mes pensées s'agitèrent mais je les fis taire en portant brièvement mes mains à mes tempes. Il était inutile de songer à cela.
Je me tournai vers ma coéquipière et l'interrogeai sur ce qui l'avait poussée à me réveiller. Elle me considéra un moment puis me désigna le feu qui brûlait à quelques pas de là. Suigetsu et Juugo, installés dans la lueur chaude des flammes, portaient leurs regards dans notre direction.
- Tu veux manger quelque chose?, me demanda alors Karin.
J'agitai imperceptiblement la tête en signe de dénégation, sans dire un mot. Karin se redressa en silence et regagna le cercle lumineux du foyer. Je la suivis des yeux jusqu'à ce qu'elle eut rejoint nos deux autres coéquipiers, dont les regards échappaient désormais à mon champ de vision.
Je refermai les yeux, désireux de replonger dans le sommeil, cet état qui me permettrait de fuir les multitudes de voix qui assaillaient mon esprit. Je savais ce que j'avais à faire, mais je n'en connaissais pas encore le moyen. Et cela me troublait. Les images de mon combat contre Itachi ne cessaient de ressurgir dans ma mémoire et je ne pouvais m'empêcher de penser combien il avait été difficile pour moi de venir à bout de ce duel. La personne que je devais affronter à présent possédait bien plus de pouvoirs que mon frère. Des pouvoirs dont je ne connaissais pas l'ampleur et qui m'échappaient encore. Serais-je seulement capable de l’atteindre ?
Je poussai un léger soupir tout en conservant une attitude impassible pour ne pas éveiller l'attention de l'un de mes équipiers. J'entrepris de décomposer les différentes options qui s'offraient à moi mais, comme elles n'étaient pas nombreuses, cela ne m'occupa qu'un court instant. Une partie de moi maudissait la fierté qui m'avait poussé à refuser l'aide de Konoha. Mais lorsque j'essayais d'imaginer ce qu'il pourrait advenir de Naruto ou de Sakura s'ils engageaient le combat contre Madara Uchiwa, je frémis intérieurement. J'étais le seul à pouvoir lutter contre lui. Mon Mangekyou Sharingan contre le sien. Et tant pis pour les conséquences.
Cette dernière pensée me remémora la promesse que j'avais faite. Rentrer à Konoha. Je souris faiblement. Il y avait tant d'obstacles à franchir que cela semblait n'être qu'une idée utopique. Vaincre Akatsuki serait extrêmement difficile et il y avait déjà une grande probabilité pour que nous n'en sortions pas vivants. Ensuite viendrait une autre épreuve...
Je rouvris mes yeux et fixai la paume de ma main droite puis je serrai mon poing en levant mon regard vers le ciel. Les nuages peu fournis se teintaient de toutes sortes de couleurs en cette fin de journée et l'on pouvait encore discerner quelques rayons de soleil qui irradiait de derrière la colline verte situé à quelques kilomètres de là. Il n'y avait pas un souffle de vent et la nature alentour était figée dans un silence perpétuel, presque inquiétant, comme si le monde retenait son souffle dans l'attente d'un événement décisif.
Je tâchai d'inonder mon esprit d'images que j'avais longtemps ignorées dans le passé, trop obnubilé par les ténèbres qui grandissaient devant mes yeux et noircissaient chaque jour un peu plus les restes de ce qui avait autrefois été moi. Je devais effacer tout cela. Chasser l'obscurité, ne plus la laisser mettre en danger ce que j'étais décidé à protéger. L'idée que je n'étais plus maître de moi depuis longtemps, sans que je m'en sois aperçu, me mettait dans une fureur noire. J'étais devenu un ninja sans âme, une marionnette entre les mains d'un homme dont je n'aurais pas du tolérer les agissements.
Mais j'étais bien décidé à changer tout cela. D'abord, éliminer Madara. Dans le même temps, faire en sorte de supprimer définitivement toutes les traces de mes années obscures. Puis rentrer à Konoha. Peut être...
Je soupirai de nouveau et me levai pour rejoindre mes compagnons, conscient qu'il nous faudrait mettre un point un plan d'action, ensemble. Je n'attendais plus d'eux qu’ils exécutent aveuglément mes ordres. Pas cette fois.
Tous levèrent les yeux à mon approche et leurs regards étaient à la fois curieux et inquiets. Je décelai également un soupçon de compassion dans leurs prunelles et me renfrognai. Il n'était pas question de laisser ceci s'immiscer dans notre mission. C'était accessoire.
- Bien, dis-je d'une voix neutre, il serait temps de mettre au point une stratégie.
Tous me regardèrent avec attention. Je posai mon regard sur mes mains jointes et poursuivis :
- Il me serait vain de vouloir tromper Akatsuki, ils ont des moyens qui nous dépassent. Ils sont surement déjà au courant que nous sommes en route.
- Je suis d'accord, acquiesça Karin.
- Il ne nous reste donc plus qu'à attaquer de front, conclut Suigetsu en souriant sournoisement. Génial !
- Ce ne sera pas simple, commenta Juugo.
- C'est pour cela qu'il nous faut établir un plan d'action, dis-je. Ne fonçons pas tête baissée.
Je levai les yeux vers Suigetsu qui grommela.
- Bien-sûr, c'était une façon de parler..., se justifia-t-il en marmonnant.
La nuit était désormais tombée et le hululement lointain d'une chouette résonna dans la pénombre, seul signe de vie depuis notre arrivée dans cette clairière. Karin leva la tête, aux aguets, mais l'oiseau nocturne passa au dessus de nous, battant l'air de ses ailes puissantes. Alors, elle se détendit et demanda :
- Comment comptes-tu agir ?
- Je ne sais pas, avouai-je.
Leurs regards se chargèrent d'étonnement, tant ils étaient habitués à ce que mes décisions soient depuis longtemps fixes, précises, et réfléchies. Puis Juugo proposa :
- Je pourrais envoyer des animaux en éclaireurs, afin de connaître la position de chacun de nos ennemis.
- Ils connaissent tes capacités, ils prendront garde au moindre insecte, protestai-je.
- Je peux m'infiltrer sous la forme d'une flaque d'eau, dit alors Suigetsu.
- Le repaire où ils se trouvent est en plein désert, ricana Karin, trouve autre chose...
Puis elle enchaîna :
- De mon côté je suis presque certaine que je pourrai établir leurs positions avant qu'ils ne nous repèrent.
- N'en sois pas si sûre. Je me méfie de Madara, confiai-je, il pourrait nous voir arriver de très loin.
- Tu as raison, admit-elle, mais il faut bien que nous approchions d'une façon ou d'une autre...
- Pour une fois elle dit vrai, dit Suigetsu. Comme on sait qu'ils nous verront arriver de toute façon, je ne vois pas pourquoi on se cacherait !
- Si on fait ça on se fera tuer à coup sûr, décrétai-je.
- Mouais...
Nous restâmes silencieux un moment. Les grillons avaient entamé leur symphonie nocturne, une légère bise s'était levée, l'air était soudain moins oppressant et me mit davantage en confiance.
- Nous n'avons pas le choix, dis-je, nous devrons nous fier à toi, Karin.
Celle-ci se redressa avec fierté et hocha la tête. Visiblement, elle prenait son rôle à cœur, ce qui était une bonne chose. De toute façon, je n'avais jamais eu à ma plaindre d'elle, en dehors de ses innombrables disputes avec Suigetsu.
- Si nous sommes repérés, continuai-je, ce qui risque d'arriver, chacun combattra de son côté. Je pense cependant qu'une répartition plus précise s'impose.
- Kisame-senpai est pour moi!, s'exclama joyeusement Suigetsu.
- Tu t'occuperas de lui, confirmai-je. Vous êtes tous deux épéistes et vous venez du même village. Tu auras une meilleure connaissance de ses techniques de combat.
- Et moi ?, demanda Karin.
- Toi, tu t'occuperas de Zetsu avec Juugo. Vous ne serez pas trop de deux, j'ignore à peu près tout de lui. Il faudra que vous agissiez en conséquence.
- Tu peux compter sur nous, annonça Juugo.
- De mon côté, poursuivis-je, je combattrai Madara. Suigetsu, si tu termines ton combat avant Karin et Juugo, viens leur en aide. Pareil pour vous – je désignai mes deux autres équipiers – mais surtout ne cherchez pas à m'épauler dans mon combat. Je dois m'occuper seul de Madara.
- Mais si tu es en danger nous devons nous interposer!, protesta Karin.
- Cela ne servirait qu'à vous faire tuer, dis-je. Je suis le seul à avoir une chance contre lui. Si...
J'eus un moment d'hésitation. Je ne savais pas trop si je devais leur dire ce qui m'avait traversé l'esprit à cet instant. Mais il me semblait que c'était le genre d'effort que je devais apprendre à faire : livrer ma pensée.
- Si vous considérez que je suis en mauvaise posture et que je ne pourrai plus gagner le combat, continuai-je, je vous demande de quitter les lieux. Ne cherchez pas à me secourir, vous n'y parviendriez pas de toute façon. Et vous iriez à une mort certaine. Non, si cela arrive...
J'hésitais encore, mais je savais parfaitement ce que j'attendais d'eux si cette éventualité se concrétisait.
- Je voudrais que vous partiez et que vous alliez à Konoha. Expliquez ce qu'il s'est passé à l'Hokage. Elle doit être mise au courant. Dites-lui tout ce que vous aurez appris sur Madara. Malgré votre passé, vous ne serez pas arrêtés là bas, je place ma confiance en Naruto pour cela. Et...
- Ne tourne pas autour du pot!, soupira Suigetsu. Nous dirons à Sakura que tu l'aimes, que tu es désolé et que tu seras toujours vivant dans son cœur, c'est ça ?
Malgré mes efforts pour rester indifférent face à ces mots, je baissai la tête pour cacher mes traits qui s'étaient alors peints de douleur.
- Dites-lui simplement que je suis désolé, dis-je d'une voix morne.
- D'accord, s'enthousiasma Suigetsu, nous lui dirons ça... et le reste !
- Arrête, t'es lourd, grogna Karin en lui assenant un coup sur l'épaule.
- Mais cela n'arrivera pas !, s'exclama mon équipier. Tu arriveras à battre Madara, Sasuke ! Et tu iras toi même dire tout ce que tu veux à Sakura !
- Je suis d'accord avec Suigetsu, dit Juugo. Il n'y a aucune raison pour que tu perdes ce combat.
- Il y a une multitude de raisons, soulignai-je.
- Et il y en a à peu près autant pour que tu parviennes à le vaincre, déclara Suigetsu. Il faut être optimiste quand on va au devant de ce genre de choses.
Je gardai le silence, ne sachant que trop bien à quel point il avait raison. Le pessimisme entrainait le doute, le doute conduisait à la peur et la peur à la défaite. Nous devions envisager les évènements sous un angle réaliste, mais pas d'une façon défaitiste. Cependant, j'étais soulagé de savoir qu'en cas de mauvaise tournure, Konoha serait mis au courant. Je devais prendre ces dispositions. Quant à Sakura, j'espérais que si les choses tournaient mal Naruto serait là pour elle, comme il l'avait toujours été.
Mes compagnons continuaient leurs discussions, mettant au point des stratégies de combat, se conseillant les uns les autres. Leur enthousiasme serait peut-être ce qui ferait pencher la balance en notre faveur.
Eh oui, exit le Inner Sakura, maintenant j'ai écris du point de vue de Sasuke! Quel défi cela représente! Je suis doute perpétuellement et je peux rester plusieurs minutes à me demander comment tourner une phrase de façon à ce qu'elle lui ressemble... Pour Sakura, c'était tellement plus naturel! Il faut dire qu'il n'est pas facile à cerner, le petit Sasuke...