_ Akasuna no Sasori, enchanté de faire votre connaissance, dit-il d’un ton qui se voulait glacé.
_ Toriko Uta, répondit-elle de la même voix qu’il avait employée.
Il eut un léger mouvement du sourcil gauche. Il était surpris. La fille n’avait pas le même nom que le père. C’était intéressant à savoir.
_ J’ai été engagé pour m’assurer que votre niveau correspond bien à celui d’une fin de collège.
_ Je l’ai. Bien que certaines personnes n’en soient pas assurées.
_ Nous vérifierons cela tout de suite, rétorqua le rouquin en agitant une liasse de papiers sous son nez.
Elle les saisit vivement. C’étaient des tests d’aptitudes. Histoire générale et mondiale. Idem pour la Géographie. Tests de langue pour le japonais et l’anglais. Il n’y avait pas de français. De la physique, de la SVT et des mathématiques pour les sciences. Elle eut une légère moue.
Kira sortit rapidement de la chambre à coucher. Elle voulut s’incliner devant les jeunes gens, mais Uta hocha la tête négativement. Les deux filles se sourirent, avant que la véritable servante de la maison ne s’enfuie sans demander son reste. Il lui était pénible et désagréable de ne pas obéir aux conventions données par ses maîtres. Ce qui l’était encore plus était de se faire dévisager par ce jeune homme. Il pouvait être son petit frère, ne devait pas avoir beaucoup plus que dix-sept ans. Mais il était grand et beau, et son costume mis sans doute pour l’occasion faisait ressortit un peu sa musculature. Il était magnifique.
Uta régla la hauteur de son siège et le fit tourner sur son axe. Sur son lit, s’était assis le jeune homme roux. Ses prunelles ambre la toisèrent d’un air ennuyé. Elle sourit. Son défi présent était de rabattre le caquet à cet impertinent. Elle ouvrit sa valise et se mit à chercher sa trousse scolaire. Sasori remarqua, alors que son maillot se relevait dans son dos, qu’elle portait des marques de bronzage, sans doute dues à un bikini. Il avait beau détester tous ces gosses de riches, cette fille l’intriguait.
Déjà elle n’avait pas le même nom que toute la famille, donc n’était pas un de leurs enfants. Cependant il y avait quelque chose dans la forme de sa mâchoire, peut-être, ou le tour de ses yeux qui lui rappelait vaguement quelque chose, mais qui ? Quoi ? Ensuite elle avait une musculature qui jouait sous sa peau bronzée, deux choses en désaccord avec l’image qu’il avait de la gosse de riche typique. Ensuite sa silhouette était alléchante, il devait en convenir : un corps sportif et bien entretenu, une poitrine assez généreuse, et des fesses… Surtout quand celles-ci dansaient dans un petit jean serré et s’agitaient devant son nez. Il fallait qu’il pense à autre chose. Mais des mots lui échappèrent pourtant.
_ Rouge. Avec de la dentelle dessus.
Elle l’avait entendu parler, mais ne savait pas ce qu’il venait de marmonner. Par contre, elle perçut nettement son regard sur son postérieur et la main qui se tendait. Elle lui adressa un regard furibond. Il ne répliqua pas, et reprit son masque froid.
_ Quand vous aurez fini de me mater, vous me le direz ?
_ Ne parlez pas de choses que vous ne savez pas.
_ Vos joues sont encore un peu rouges. Je n’ai pas besoin d’autres preuves. Par contre, impossible de mettre la main sur cette fichue trousse.
_ Prenez ce crayon et mettez vous au travail. Vous avez une heure par cahier, soit trois ce matin et quatre après manger. On devrait en avoir fini vers dix-sept heures.
Elle se mit rapidement au travail. D’abord l’Histoire puisqu’il la lui tendait. 1492 : Découverte de l’Amérique par Christophe Colomb et Chute de Grenade, facile. – 52 avant Jésus Christ, c’était la bataille d’Alésia, là où Vercingétorix avait capitulé après un siège de l’armée de César. Bref, trois quart d’heures plus tard, elle avait complété le test. Alors que Sasori le récupérait, elle prit le suivant et le compléta lui aussi. Le plus souvent c’était des cartes à compléter, des études de documents, avec encore des questions de QCM. Elle s’attaqua ensuite aux langues. Bref, pendant la matinée elle eut le temps de faire les quatre premiers tests en moins de temps qu’il ne lui aurait normalement fallu. Elle ignorait si Sasori était bluffé ou non, mais en tout cas il ne disait rien. De temps en temps elle l’entendait gribouiller sur sa feuille quelque chose.
_ Il fait beau dehors, remarqua-t-elle en s’étirant
_ Et alors ?
_ J’ai très envie d’aller me promener.
_ Vous avez les sciences encore à faire.
_ Mais ça me barbe tout ça ! De toute façon vous revenez demain, non ? Alors corrigez ça et laissez-moi prendre un peu de bon temps dehors.
_ Je ne crois pas que Monsieur Anjuno soit vraiment d’accord avec…
_ Lui, il croit ce qu’il veut croire. Surtout en ce qui concerne mon niveau. Je ne dis pas tout connaître, c’est vrai. Mais j’ai déjà fait des examens et ils étaient très positifs.
_ Quels examens ?
_ J’ai passé le baccalauréat en France. Si vous êtes encore au lycée j’ai sans doute un niveau plus élevé que le vôtre.
_ Et alors ? Cela ne veut pas forcément dire que vous allez réussir ces tests que je vous ai donnés.
_ Personnellement je les ai trouvés trop faciles. Puisque vous avez le temps cet après-midi, vous n’avez qu’à trouver d’autres tests histoire de pimenter un peu la chose.
Elle se dirigea naturellement vers la sortie. Le roux récupéra ses affaires et la suivit dans les couloirs. Elle semblait beaucoup hésiter sur le chemin à suivre, comme si elle était perdue ici. Déjà qu’elle était très intelligente, elle venait de déménager récemment. Il se disait qu’elle n’avait pas du tout besoin de ces tests de remise à niveau, puisque ce qu’elle accomplissait était bien supérieur. Mais il savait que le maître de maison allait réagir face à la chose. Tandis qu’elle allait manger, il retrouva Anjuno Kagami dans son bureau.
_ Alors, comment se passent les contacts avec Uta ? demanda-t-il en premier.
_ Fort bien, monsieur, cependant…
_ Qu’y-a-t-il ?
_ Je ne pense pas qu’une remise à niveau soit nécessaire, monsieur.
_ Elle est si mauvaise que cela ?
_ Oh que non, ce serait plutôt l’inverse. Je pense qu’on peut directement l’intégrer à un cours de terminale. Le genre de cours avec le strict minimum ne contenant que de la méthode et beaucoup d’options. Elle s’ennuierait dans les autres classes, je pense.
_ Je ne vous paye pas pour donner votre avis, jeune homme.
_ Mais cette fille… Comment dire… Elle a réussi presque parfaitement les tests que je lui ai donnés pour le matin. Elle en a même fait un supplémentaire dans le temps qu’il lui restait. Que voudriez-vous que je fasse de plus ?
_ Non. Rien. Merci, mon garçon. Vous pouvez disposer.
_ Est-ce que je dois revenir demain ?
_ Oui, je pense que vous avez tout de même de quoi lui apprendre. Je veux qu’elle apprenne la méthode, ou tout du moins les bases. Si c’est bien ce que je pense, je devrais la munir de professeurs particuliers compétents. Sa mère n’était pas si incompétente après tout.
_ Monsieur, dit Sasori, si je peux me permettre une remarque…
_ Allez-y, lancez-vous dans ce que vous me dites.
_ Je pense qu’Uta serait bien mieux entourée de gens. Elle n’a… Pas l’air très sociable.
_ Merci du conseil, j’y réfléchirai. Vous pouvez lui demander de monter ? Je pense que je vais lui laisser un petit choix. Vous pouvez disposer.
_ Je reviens demain à la même heure.
Plus tard, Uta remonta vers le bureau de son père.
_ Tu veux quoi ? demanda-t-elle sans s’embarrasser des formalités. Je te préviens, je ne vois pas l’intérêt de jouer ce rôle débile de servante d’Atotsugi avec toi.
_ Puisque tu es ma fille, je vais te laisser le choix.
_ Entre quoi et quoi ?
_ Entre l’école que je t’ai choisie mais où tu entreras en classe préparatoire pour l’université. Je te préviens qu’il faudra bosser dur.
_ C’est quoi l’autre choix ?
_ Un professeur particulier. Enfin ils sont deux, puisqu’il a un assistant. Je les ai invités, si tu veux je peux te les présenter.
_ Allons-y, soupira-t-elle sur un ton ennuyé.
La porte s’ouvrit dans son dos et elle ressentit comme un frisson. Les deux personnes, avant même qu’elle les ait vues faisaient se hérisser tous les poils de ses bras et lui donnaient la chair de poule. Le premier homme avait la peau très pâle et les cheveux longs jusqu’à la taille. Son regard était jaune et effrayant. Souligné par du maquillage et des cernes violettes. On aurait dit un vieux pervers. L’autre était plus jeune, une vingtaine d’années. Légèrement hâlé, il avait les traits fins, des cheveux et des yeux gris cachés par des lunettes rondes qui réfléchissaient la lueur de la lampe de bureau. Quelque chose en eux l’effrayait. Ils étaient dangereux, elle le sentait.
_ Alors, voici donc votre jeune héritière, mon ami.
_ Uta, voici Maître Orochimaru et son assistant Yakushi Kabuto.
_ Enchantée, marmonna-t-elle.
_ Elle est très belle, fit le brun en lui tournant autour.
Il pouvait largement avoir la quarantaine. Sérieusement il la faisait flipper. Il fallait qu’elle prenne une décision, rapidement. Alors qu’il tournait le dos à don père, il lui adressa un regard torve, et lui tira la langue dans un geste obscène. Elle entendit derrière elle le petit rire de Kabuto.
_ Père ? Je pense plutôt aller dans le lycée pour… fréquenter les gens de mon âge.
_ Bien, c’est ta décision. Mais tu es libre de changer quand tu veux.
_ Je me tiendrai à votre disposition, monsieur. Ce n’est pas souvent que l’on voit des jeunes files aussi…
Il s’interrompit afin de ne pas trouver un terme choquant pour le père de la ravissante Uta.
_ Aussi disposée pour l’étude des sciences, hasarda Kabuto qui partageait les mêmes opinions que son maître sur la jeune fille.
Ils sortirent de la pièce à peu près en même temps. La porte se referma. Kabuto saisit vivement le poignet de la jeune fille alors qu’elle tentait de s’en aller.
_ Lâchez-moi, s’il vous plait.
_ Vraiment ravissante… murmura l’homme aux allures de serpents en respirant l’odeur de la jeune femme à pleins poumons.
_ Lâchez-moi ou je crie.
Kabuto obtempéra et les deux hommes s’éloignèrent à reculons.
_ A plus tard, chérie, lui fit le plus jeune.