Cette fiction se passe en même temps dans le monde réel et dans celui de Naruto. Les personnages inventés sont inspirés de personnes réellles qui se reconnaîtront. Bonne lecture.
Maelle se réveilla dès que les rayons du soleil caressèrent son visage. Elle avait chaud et se sentait bien. Apaisée. Presque… en sécurité. Elle garda les yeux fermés pour mieux profiter de cet instant de quiétude. Elle s’imagina avoir rêvé, qu’elle se trouvait dans son lit chez elle et que sa maman était en train de lui préparer un bon petit déjeuner. Soudain, elle se rendit compte qu’il y avait deux souffles chauds qui soufflaient avec régularité, de chaque côté de son cou. Elle entrouvrit les yeux pour connaître la raison de ce phénomène. C’est alors qu’elle vit les deux garçons qui l’enlaçaient presque, à moitié sortis de la couverture. Bondissant comme un diable de sa boîte, elle se releva sur ses pieds, arrachant la couverture de leur poigne et les deux garçons au sommeil. Elle serra le drap dans ses bras et respira leurs odeurs mêlées à celle de la lessive. Tout cela était si réel ! Avec angoisse, elle regardait alternativement les deux paires d’yeux de jais qui la dévisageaient. Dans le même temps, elle s’aperçut que ses blessures ne la faisaient plus trop souffrir. Elles la tiraillaient un peu, la gênaient, mais pas plus que cela.
L’enfant aurait voulu pleurer. C’en était fini de Maelle Donjan. A présent son nom de famille était Youshiko et son prénom Kame. Toute sa vie d’avant faisait partie d’un passé révolu qu’elle devait oublier. Cela faisait si mal ! Mais elle refusa de se laisser aller à la tristesse. Bien qu’elle se trouve littéralement au bord des larmes, une petite lueur d’espoir restait présente en elle. Elle la cacha bien au fond de son cœur. Un rayon de bonheur passé, avec un goût de mélancolie et de nostalgie. Un jour, pensait-elle, elle reverrait sa famille.
Les garçons lui sourirent, l’air incertain. Une brume grise et tremblotante avait envahi un instant les yeux de la fillette, les mettant mal à l’aise. Elle se dissipa comme un rêve qu’on chasse. Kame leur rendit leur sourire, confiante. Elle sentait au fond d’elle-même qu’ils ne lui voulaient pas de mal. Ils finirent tout de même par engager un semblant de conversation. Ce fut laborieux car Itachi parlait plus par ses gestes et ses expressions qu’à travers des mots et la fille préférait écouter et réfléchir sa réponse avant de la dire. Après tout, les tortues n’étaient-elles pas le symbole de la sagesse ? Seul Sasuke entretenait volubilement la discussion par des sujets sans liens apparents à première vue.
La mère des deux garçons ouvrit tranquillement la porte de la chambre, laissant y pénétrer la lumière du matin. Elle portait un plateau avec de la nourriture dans ses mains. Elle sourit face aux trois enfants blottis les uns contre les autres. Les garçons pris sur le fait d’avoir quitté leur chambre pour celle de la fille se figèrent et leurs joues rosirent de gêne. Ils remirent les couvertures en place sur la petite et s’assirent sur leurs genoux un peu plus loin. Mais Mikoto sourit et leur montra ce qu’elle avait apporté. Il y avait là bien trop à manger pour une seule personne. On ne trompe pas une mère sur la nature des relations entre les enfants. Elle vit la tortue entre les mains de son plus jeune fils, et soupira en le voyant la triturer ainsi.
_ Comment t’appelles-tu ma chérie ? Demanda-t-elle à la fillette qui semblait encore plus mal à l’aise que ses deux fils.
_ Je m’appelle Youshiko Kame, madame, répondit l’intéressée après un instant d’hésitation. Je vous remercie de tout ce que vous avez fait pour moi.
_ Mais de rien, rit la femme. Elle était impressionnée par la maturité apparente de la jeune fille. Elle faisait plus âgée que ce qu’elle paraissait. Bien plus mûre même que son fils ainé. Elle ne savait qu’en penser.
Les enfants s’assirent autour de la table où les mets avaient été déposés. Kame fut assez étonnée de ce qu’elle voyait. On lui proposait en majorité du riz, des œufs, du poison, un vrai repas qui alliait le sucré et le salé. Rien à voir avec le bol de lait et les céréales. Elle avait aussi du jus de fruits, du moins, elle ne parvint pas à déterminer quelle en était la composition. Ananas ? Litchi ? Mangrove ? Un mélange d’autres fruits ?
De plus, pour manger, on ne lui proposait qu’une paire de baguettes, à elle qui avait depuis toujours mangé avec couteau, fourchette et cuillère. Elle décida de faire comme ses deux camarades et commença par observer de quelle manière ils maniaient leurs couverts en bois laqué. Une des baguettes était inamovible, coincée entre le majeur et l’annulaire, bloquée dans l’angle formé par le pouce et la paume. L’autre était pincée entre le pouce et l’index de la même façon qu’un stylo. C’était la deuxième qui bougeait et permettait se saisir la nourriture. Kame avait toujours été douée de mimétisme. Elle recopia les deux garçons.
Cependant, si d’ordinaire elle parvenait rapidement à ses fins par le biais de cette méthode, elle eut nettement moins de succès cette fois là. Elle n’arrêtait pas de pincer son majeur à chaque fois qu’elle prenait ses baguettes, celles-ci ripaient l’une contre l’autre, l’empêchant de saisir convenablement la nourriture, ou de la renverser quand elle y parvenait enfin. Cela faisait bien rire les deux autres, et la mère réprimait difficilement un sourire amusé. Chaque fois que ses baguettes frottaient et glissaient l’une contre l’autre en claquant, projetant de tout un peu partout, Sasuke pouffait et s’étranglait à moitié, tandis que son frère, faisant déjà preuve de la retenue et de la politesse qui le caractériseraient plus tard, préférait une toux prudente pour masquer son hilarité.
L’air dépité avec lequel la fillette fixa ses baguettes n’arrangea rien à son affaire. Elle devait adapter sa technique. Puisque le doigt du milieu la gênait, elle devait tenir sa baguette immobile autrement. Au lieu de la coincer entre deux doigts, elle l’appuya contre le haut de son majeur, au niveau de la jointure entre les phalanges. L’autre baguette était tenue comme dans la configuration classique. Cette fois-ci, elle parvint à s’alimenter, non sans quelques essais infructueux ponctués de rires et de gloussements nerveux.
Mikoto décida de les laisser seuls un instant pour aller parler à son mari de cette étrange enfant. Elle avait remarqué quelques détails qui clochaient. Déjà, ses vêtements. Aucune marque appartenant à un clan connu. Sur son maillot, une lionne était en train de bondir. Sur le talon de ses chaussures, il y avait une étoile dans un cercle. Mais rien de reconnaissable. Ensuite, son drôle de sac à dos remplis de livres aux pages quadrillées et non pas de rouleaux vierges. Toutes ces lignes de caractères liés entre eux et non pas des pictogrammes agencés en colonne…. Et puis ce nom que les enfants lui avaient inventé, comme si elle n’avait aucune identité… Décidément, cette fillette venait de plus loin qu’elle ne l’avait pensé, bien trop loin en fait… Elle ne voulait rien savoir d’où venait la petite, aussi adorable soit-elle. Il ne fallait pas s’immiscer dans ce que l’on ne comprenait pas. Ils ne pouvaient pas garder cette enfant !
Mais lorsqu’elle exposa ses idées à son mari, celui-ci envisagea la chose sous un autre angle. Lui aussi trouvait l’enfant étrange, mais elle pouvait toujours apprendre et oublier son ancienne vie. Ce nouveau nom signifiait une nouvelle identité à inventer. Et il devait avouer que ses fils avaient un solide sens de l’humour. Et puis, ils avaient toujours voulu plus d’enfants, mais le clan le leur avait interdit. La naissance de Sasuke avait déjà jeté un froid, et avait été largement critiquée depuis la tragédie avec Madara et son frère. Alors une petite fille toute faite que l’on pouvait adopter sans encombres. Qu’importe qu’elle n’ait pas leur sang dans les veines. C’était trop tentant. Une aubaine inespérée. Tout ce qu’ils avaient à faire, c’était de détruire les preuves de son existence antérieure. Et puis si elle s’appelait autrement que Youshiko Kame, cela n’importait plus. Elle porterait son nouveau nom avec fierté. Fugaku ordonna à sa femme de brûler toutes les preuves : les vêtements, le sac, les cahiers, la peluche. Tout ! Pour sa part il irait voir l’Hokage et le conseil du village pour terminer les formalités administratives.
Une fois que sa femme eut quitté la pièce, le père de Sasuke et Itachi se dirigea vers sa bibliothèque personnelle. Cette histoire lui rappelait quelque chose. Contrairement à Mikoto, il était curieux de nature et désirait savoir d’où venait l’enfant. Une vieille histoire de plan parallèle se rappela à son bon souvenir. Il se mit donc à parcourir beaucoup de rouleaux anciens. Il dut se faire apporter le repas de midi là où il travaillait, tant il était investi dans ses recherches. Sa femme n’osa pas le déranger outre mesure. L’après midi avançait à grand pas et il avait trouvé déjà quelques pistes intéressantes sur « la Terre ».
Dehors, il entendait les trois enfants jouer ensemble. Gêné par ce bruit qu’il jugeait parasite, il ouvrit la fenêtre pour les faire déguerpir. Mais il n’en eut pas le cœur. Devant les regards admiratifs des deux plus jeunes, il voyait son ainé qui leur faisait une démonstration de marche sur les mains. Il perçut le regard vert de Kame. Elle le regardait d’une autre façon. Il y avait une lueur calculatrice dans son regard. Un regard adulte. Drôle de gosse. Il voyait ses lèvres bouger et murmurer des mots et son visage se faire songeur. Il se rendit compte qu’elle était en train d’apprendre par mimétisme ce que faisait Itachi. Intéressant… Il aurait pu rester des heures à contempler le phénomène, mais Sasuke fut attiré par un papillon multicolore et se mit à la poursuivre. Les deux autres le suivirent derechef.
Fugaku finit par revenir à ses textes qui n’attendaient que lui. Il resta enfermé jusqu’au milieu de la nuit. Lorsqu’il trouva enfin ce qu’il cherchait, il fut saisi d’un sentiment étrange. Il savait qu’il devait maintenant prendre une décision. Il savait que l’enfant était capable d’apprendre vite. Mais savait-elle appliquer tout aussi aisément ? Un mouvement dehors, sous la lune. Il jeta un coup d’œil furtif. Et quand il analysa enfin ce que ses yeux voyaient, le choix s’imposa de lui-même. Dehors, il avait bu une petite silhouette aux longs cheveux bruns. Cette silhouette marchait sans peine sur les mains et se rétablissait sur ses pieds comme si de rien n’était. L’homme sourit.