Pendant que notre jeune ami (vous le connaissez, sans doute) laissait libre cours à son oisiveté en se permettant une bonne sieste après la claque qu’il avait reçue, le lecteur fera un tour du côté du Parc des Buttes-Chaumont, un peu plus loin dans la capitale.
Le mauvais temps de la veille s’était légèrement estompé et les nuages s’étaient écartés afin de laisser Sa Majesté le soleil étinceler tout son saoul (du moins un petit moment). Les pelouses irradiaient de lumière, éclairées, bien que mouillées par la pluie saisonnière. Quant au lac, il reflétait une eau assez limpide, malgré les impuretés que la bruine lui avait infligées. Enfin, jusqu’à ce qu’une pierre atterrît dans le liquide bleu, qui éclaboussa alors les environs. Un cri retentit :
« - GAARA ! COMBIEN DE FOIS T’AI-JE DIT DE NE PAS FAIRE ÇA ?!
- Oui, bon ça va, maintenant ! Je n’ai plus trois ans, c’est pas la peine que tu me fasses la morale ! Répondit une voix mi-grincheuse, mi-glaciale, qui aurait fait fuir un gendarme.
Le garçon à qui appartenait cette voix assez peu commune paraissait avoir une douzaine d’années. Il était svelte, de petite taille ; ses cheveux étaient assez particuliers : d’un rouge vif ressemblant à s’y méprendre à du sang, ils se dressaient en piques sur son crâne.
Mais c’était surtout son visage qui présentait des étrangetés : ses yeux d’un bleu pâle entourés de cernes indiquant des difficultés à dormir fixaient l’étendue d’eau avec un mélange de sournoiserie et de méchanceté.
La voix qui avait poussé le cri répliqua d‘un ton moqueur :
- Ah bon, tu n’as plus trois ans ?! Eh bien, ton comportement de tout à l’heure vient de me démontrer le contraire !
La jeune femme qui avait prononcé ces mots devait avoir une vingtaine d’années. Ses cheveux d’un blond ressemblant à de l’or étaient attachés en quatre couettes. Deux mèches courtes tombaient sur ses yeux d’un vert d’émeraude, qui devaient pétiller de joie. Cependant, en ce moment, ils semblaient plutôt étinceler de colère.
- Tu sais pourtant que c’est dangereux, ce que tu viens de faire. Tu pourrais te blesser ou je ne sais quoi encore, continua-t‘elle d’un ton sévère.
- Et alors ? Je ne vois pas où est le problème, répondit le pré-adolescent d’un ton hargneux, je n’ai rien à faire de toute la journée, je m’emmerde. Je déteste le bahut, c’est nul.
- Et pourquoi ne lis-tu pas ? Pourquoi ne vas-tu pas au ciné ou au théâtre ? Ou au stade ? Tu ferais des activités, tu ne t’ennuierais pas autant !
- Ça m’intéresse pas, ces trucs,sœurette ! J'suis pas comme toi, à bosser comme une malade.
- Comment ? Oui, je bosse, monsieur, je veux obtenir un master de lettres-langues, pour faire interprète à l’étranger, tu comprends ? Donc je ne peux pas me permettre de me tourner les pouces ! Vociféra-t-elle, écarlate.
- Ça sert à rien, les études, rétorqua son frère, froidement. Tu sais, Temari, il paraît que se trouver un boulot, c’est très dur en ce moment ! Alors ton foutu master n’y changera pas grand-chose.
Le visage de Temari parut s’illuminer d’un éclat de fureur puis prit une mine triste. Gaara se rendit compte qu’il avait touché une corde sensible et se mit à chuchoter d’un ton inquiet :
- Tema, que t’arrive-t-il ? S’il te plaît, par pitié, ne me réponds pas « rien du tout » ; tu peux être sûre que ça ne marchera pas avec moi. Allez,dis-moi ?
Temari no Sabaku venait d’arriver à Paris deux mois auparavant. Originaire de Suna, une jolie paroisse provençale, elle y avait vécu durant son enfance et avait été heureuse, jusqu’au jour de la mort de son autre frère, Kankurô, décédé pour des raisons que nous n’allons point dévoiler pour le moment. Depuis, dégoûtée, elle était partie seule à Paris, dans un studio non loin du parc des Buttes-Chaumont. Elle suivait ses cours à la Sorbonne. Gaara l’avait rejointe, peu après, suite aux plaintes des parents, qui l’avaient menacé de pension car il était soi-disant « fou et dangereux ». Cette menace n’avait pas été mise à exécution car la généreuse sœur avait offert son toit à son petit frère si charitablement que celui-ci en avait eu les larmes aux yeux devant tant de bonté. Il semblait alors s’améliorer de jour en jour, quoiqu'il conservât certains vices, que sa sœur s’acharnait à essayer de détruire. Comme, par exemple la paresse ou l‘agressivité.
- Gaara, tu sais, il y a un proverbe qui dit « L’oisiveté est mère de tous les vices », finit par dire la jeune femme d’un ton très sérieux.
- Qu’est-ce que ça veut dire ? Demanda le jeune garçon, intrigué.
- Ah ! Ça, c’est en méditant que l’on trouve la définition de ce proverbe ! Répondit-elle avec malice.
- Tu n’aurais pas tiré cela des livres de la comtesse de Ségur, par hasard ?
- Mmmm. Non, ce n’est pas dans ses livres. Quoique le travail soit jugé très important dans ces liasses de papier.
- C’est les seuls bouquins que je connaisse par cœur, tu me les lisais quand j’étais petit.
- Maman (ce mot provoqua une grimace de dédain sur le visage du petit garçon) me les racontait tous les soirs… Et j’adorais, ajouta la jeune fille, une pointe de nostalgie apparaissant sur sa figure à l’évocation de ce souvenir.
- Moi, en même temps je trouve nunuche, mais je ne peux pas m’empêcher d’aimer, parce que… Dit-il en rougissant, c’est... tellement vrai ! »
Sa grande sœur le serra contre elle avec émotion, puis prit sa main. Ensemble, ils quittèrent le parc et se dirigèrent vers leur studio tout simple, mais qui représentait pour eux l’auberge de l’ange gardien.
Loin de cette petite fratrie si unie, un jeune homme brun, les cheveux coiffés en queue de cheval ananas, venait d’être brusquement réveillé de son sommeil de cent ans. Le baiser du prince charmant en question se trouva être un hurlement si fort qu’il eût pu tuer quelqu’un.
« MONSIEUR NARA, JE VOUS PRIE D’OUVRIR CETTE PORTE IMMÉDIATEMENT ! A MOINS QUE VOUS ATTENDIEZ QUE JE L’OUVRE MOI-MÊME! »
Furieux contre lui-même, et angoissé à l’idée de ce qu’il pourrait subir comme représailles, Shikamaru ouvrit la porte à la volée, laissant entrer une dame d’un certain âge, grande, blonde et surtout dotée d’une forte poitrine.
« Bonjour, aboya la personne d’un ton abrupt, je suis Tsunade Sannin, co-directrice de ces logements. En raison de votre non-paiement de loyer, mes collègues ainsi que moi-même avons pris la décision de vous renvoyer de cet appartement. Vous avez dix minutes pour quitter les lieux.
- Co… comment, mais je n’ai pas été prévenu, ni rien. La voix de la marmotte ananas était montée d’un octave.
- Nous vous avons envoyé un courrier recommandé. Je répète : vous avez dix minutes pour quitter les lieux avant que je m’énerve pour de bon. Et j’oubliais, vous n’emportez rien.
- QUOI ? Mais c’est pas possible, ce sont mes affaires. Cet échiquier, par exemple, a appartenu à mon arrière-grand-père. Ce sofa m’a été donné par mes parents. Vous n’avez pas le droit ! S’époumona le pauvre jeune homme, une grimace de colère et de dépit se lisant sur sa figure.
- Nous n’en n’avons rien à faire de vos stupides affaires, répliqua dédaigneusement Mme Sannin ; de toute façon, demain, une entreprise viendra les chercher pour les mettre en vente.
- Mais vous n’avez pas le droit, ce sont…
- Plus un mot, sortez d’ici, de toute manière ce n’est plus mon problème.
Shikamaru se hâta de sortir rapidement de son loft sans lui adresser un regard ! Il bouillonnait de rage. Non mais pour qui se prenait cette femme, au juste ? Qui était-elle pour renvoyer et piller les gens comme cela ? Il grommela un « Galère » parfaitement audible, puis ouvrit la porte de son immeuble et se mit à courir comme il n’avait jamais couru.
Durant son enfance, le médecin lui avait préconisé de courir un peu tous les jours afin de garder la forme. Le gamin qu’il était avait décidé de n’en faire qu’à sa tête. Et voilà que maintenant, il allait aussi vite qu’une fusée !
Laissons notre paresseux courir comme un cerf (ou un élan) dans les rues parisiennes et allons visiter l’adorable jeune fille de tout à l’heure, ainsi que son petit frère. Celui-ci était assis sur la causette de leur petit salon, bras croisés, affichant un air hautain, pendant que sa sœur se plongeait dans une pile de notes prises sans doute à la fac. De temps à autre, on pouvait entendre des légers marmonnements de la part de l’adolescent, qui s’ennuyait vraisemblablement, n’ayant apparemment pas d’occupation plus agréable.
Temari était en train de se demander comment elle allait pouvoir rédiger une dissertation en anglais, sans faire de hors sujet, avec la tonne d’informations qui lui avait été remise. Or, comme le savent tous les étudiants, une dissertation nécessite beaucoup de concentration. La concentration, voilà ce dont elle avait besoin pour bien faire son travail. Hélas, Gaara ne l’aidait pas, avec ses grognements intempestifs.
Et surtout, le matin-même, dès qu’ils étaient rentrés, elle avait reçu un coup de téléphone de son père qui lui reprochait de se casser la tête pour un enfant qui, selon lui, « ne valait pas la peine que l’on se fasse du souci pour lui ». Cette remarque lui avait fait énormément de mal car elle croyait en la rédemption des méchants, exceptés quelques-uns.
En revanche, bien qu’elle pensât que les hommes pussent s’améliorer, elle présentait une forte aversion pour les individus du sexe masculin. Cette antipathie irraisonnée lui était venue dès l’enfance, de façon mystérieuse. Gaara et Kankurô avaient été épargnés, en raison de leurs liens fraternels avec elle. Elle travaillerait toujours, s'investirait dans l‘aide humanitaire, ne se donnerait jamais à aucun homme. Par contre, elle ne rentrerait sous aucun prétexte dans les ordres, parce qu’on lui avait raconté maintes fois que les femmes y étaient traitées comme des bêtes de somme au mépris de leur santé. L’avenir de la femme était un enjeu primordial qui devait à tout prix être pris en compte.
- Temari, j’en ai marre, je me fais trop ch… Bougonna d’un ton acerbe Gaara, une moue sur son visage.
La jeune demoiselle leva les yeux au ciel et soupira :
- Tu sais, mon petit, il faut apprendre à agir, mais aussi à attendre.
- Oui, sauf que là, je n’en peux plus, commença à pleurnicher l’adolescent, ce qui le fit davantage ressembler à un petit garçon.
Temari leva les yeux au ciel, accablée et partagée entre l’exaspération et la compassion. Gaara ne ramenait jamais d’amis à la maison, il restait tout le temps oisif mais en même temps, cette paresse venait du fait qu’il était seul, abandonné.
En revanche, elle ne le laisserait jamais de sa vie pour compte. C’était son devoir en tant que sœur. Elle prit une grande inspiration puis déclara :
- Allez, lève-toi, fainéant, on va en ville.
- Mais j’ai pas envie.
- Gaara ! Ça suffit maintenant ! Tu vas arrêter tes caprices de gosse gâté et puis, marcher t’aiderait à combattre tes insomnies ! Allez, on y va !
Le regard dépité, l’adolescent se pressa de mettre ses chaussures, enfila sa veste en jean et suivit Temari dans le couloir. Ils descendirent et sortirent dans la rue, marchant d’un pas régulier et pondéré.
Alors comment trouvez vous Temari?
J'accepterai avec plaisir les coms,quels qu'ils soient , pourvu qu'ils soient francs!
A la prochaine!