Chanson du vent


Fanfiction Naruto écrite par shikacool (Recueil de shikacool)
Publiée le 19/06/2010 sur The Way Of Naruto



Hello les gens !

Nouveau OS sur le thème de la guerre. Il est vraiment triste celui-là, un peu gore aussi, je tiens à prévenir les âmes sensibles...
Quelques passages cucul sur les bords, m'enfin :S
A ce one-shot devait à la base être intégrée la magnifique BO du Seigneur des Anneaux : le Retour du Roi, Into the West, mais elle était trop longue. J'ai donc intégré la chanson de mon Ami Joe, Imba Wimbo (Windsong ou chanson du vent en anglais/français.) Elle me donne tjrs les larmes aux yeux...

Voilà, en espérant que vous apprécierez malgré le (fort) côté mélodrame :)
Bonne lecture !



Chapitre 1: OS



C’était une terre aride qui avait été foulée il y avait peu : les derniers blocs de poussière n’avaient pas encore fini de tomber, flottant paisiblement tandis qu’une légère brise dissipait l’odeur âcre du sang et de l’acier brisé.
Le jour touchait à sa fin : le soleil orange se fondait lentement dans la nuit, remplissant le ciel de quelques dernières lueurs roses avant de céder la place à l’obscurité. D’étranges ombres peignaient le sol maculé de formes indistinctes.
Des hordes de vautours insatiables de chair, fraîche ou non, ne tarderaient pas à se poser sur cette terre sèche ; mais pour l’instant, rien ne bougeait, le silence régnait en maître dans ce val surplombé de ces visages ancestraux gravés dans la montagne, là-haut.
Un œil exercé aurait peut-être pu distinguer, dans ce paisible chaos, des cendres, à même le sol, à côté de ces formes immobiles. Restes d’un espoir qui s’était consumé inexorablement, entièrement.
Mais il semblait demeurer encore dans cette vallée de morts quelques vagues étincelles de vie ; une poignée de flammes vacillantes, refusant de s’éteindre tout à fait, combattant pour ne pas finir en nuage poussiéreux au parfum amer de la défaite.

Une bête renâcla ; le son était faible, mais il résonna comme un appel dans ce creux de montagne. Le vent qui s’était levé depuis le matin retomba, et l’odeur rance des corps en putréfaction assaillit les environs dévastés. Les minutes puis les heures passaient, et personne ne paraissait devoir découvrir le funeste spectacle. Jamais donc, la vision, l’effluve ou même l’absence de bruit n’arracherait nausée à n’importe quel cœur effaré.

Pourtant deux narines frémirent, en bas, au milieu de cette hécatombe.
Un sursaut imperceptible traversa un corps désarticulé ; deux doigts privés d’ongles et recouverts de sang séché grattèrent la terre sablonneuse ; une jambe se raidit convulsivement, arrachant un gémissement rauque à celui à qui elle appartenait.
Il recouvrait ses esprits, peu à peu, et l’horreur mêlée à la souffrance physique menaçait de l’écraser plus sûrement que ce cadavre jonchant sur son bassin.
Ses paupières étaient encore trop lourdes pour qu’il puisse ouvrir les yeux, alors il écoutait avec plus d’attention que jamais, son cœur battant la chamade. Mais aucun bruit, aucun éclat de voix ne venait troubler le néant glacial autour de lui. L’insignifiant écho qui l’avait tiré de son inconscience ressemblait à une illusion. Et le corps du cheval effondré sur lui l’empêchait de faire le moindre geste.

Il aurait voulu abandonner, rester là et attendre que la vie le quitte, tout simplement, comme un au revoir à une amie. Mais à peine cette idée lui avait elle effleuré l’esprit qu’il la chassa et serra les dents tandis qu’il essayait avec véhémence d’aligner deux pensées cohérentes.
Il souffrait atrocement ; il était tout bonnement incapable de situer avec exactitude la partie de son corps qui le taraudait le plus. Il avait reçu tant de blessures graves qu’il lui semblait qu’il était en feu, de sa poitrine jusqu’aux moindres extrémités de son être. En se concentrant, il perçut tout de même un point positif : s’il se fiait à la douleur qui lui donnait envie de hurler, il n’avait perdu l’usage d’aucun de ses membres.
Il sentait la fatigue peser de plus en plus lourd sur lui ; ses paupières refusaient de se lever, la moindre inspiration lui arrachait une grimace et le courage le fuyait à flot. S’il ne trouvait pas un moyen de bouger très vite, il sombrerait et, cette fois, il savait qu’il ne se réveillerait pas.

Il avait toujours possédé un optimisme à toute épreuve ; il s’était sorti des situations les plus délicates parce qu’il croyait dur comme fer en son potentiel et ne s’avouait jamais vaincu.
Mais cette fois c’était différent, et il devait être lucide, même si cela devait lui coûter sa survie : il n’arriverait pas à se débarrasser seul de ces 800 kg qui broyaient de son bassin jusqu’à sa cage thoracique. Un sanglot irrépressible franchit ses lèvres éclatées, et il s’adonna à une pratique qu’il n’avait encore jamais expérimentée : il pria de toute son âme.
Le ciel, la mer, la terre, le néant, un être suprême et invisible, tout y passa en supplications silencieuses. Nul n’aurait pu dire combien de temps il pria, mais il y mit toute la force qui lui restait.

Lorsqu’il crut ne plus rien avoir à dire et à espérer, un croassement lointain le fit sursauter. Il tendit l’oreille : le croassement se fit entendre de nouveau, plus proche, quelques mètres au dessus des corps. Une bouffée de rage monta en lui : il avait supplié qu’un miracle survienne, et c’était ces sales vautours qu’on lui apportait. Ces charognards dévoreraient ses compagnons, disloqueraient leurs dépouilles tandis qu’ils se disputeraient un vulgaire morceau de viande, déchireraient peut être sa peau à lui, alors qu’il ne serait pas tout à fait mort ! Troisième croassement ; mais au lieu de confirmer ses craintes, le cri interpella l’homme agonisant : les vautours se déplaçaient habituellement à plusieurs dans une cacophonie de graillements confus. Hors là il n’en discernait qu’un seul à chaque fois : n’y avait-il qu’un vautour qui lui tournait autour ?
Un petit choc suivi d’un bruissement se fit entendre ; le vautour s’était finalement posé à terre. L’homme ne pouvait déterminer où il se situait avec précision. Il tenta d’ouvrir les yeux, peine perdue. Un mélange de peur et de désespoir lui noua la gorge. Il retint sa respiration néanmoins : le moindre son que produisait le vautour en marchant constituait un indice précieux.
Il faillit remuer le bras lorsque l’oiseau lui pinça la main. Le choc lui fit écarquiller les yeux, et ce ne fut qu’au prix d’un intense effort de volonté qu’il réussit à ne pas bouger devant ce qu’il parvint à voir.
Sa vision était floue, et seul son œil gauche était opérationnel : l’autre était obstrué par du sang, ou peut être crevé tout simplement.
L’énorme vautour le dévisageait de ses yeux jaunes ; il avait remarqué qu’un œil bleu délavé s’était ouvert lorsqu’il s’était approché. Mais il détourna la tête, poussa un croassement et happa du bec une patte du cheval mort.

L’animal commença à tirer progressivement son festin sur le côté ; mais le cheval était lourd. Le vautour, intelligent, donna alors quelques coups de bec et déchira le corps du percheron en deux. Il traîna ensuite son repas jusqu’à une centaine de mètres plus loin.
Durant tout ce temps, l’homme était resté parfaitement raide, ne remuant pas d’un pouce. Pourtant lorsque le vautour disparut de son champ de vision, emportant avec lui une partie du cheval, il se sentit jubiler. La bête n’avait pas, comme elle aurait pu le faire, mangé le cheval sur place ; elle avait découpé et emmené la viande qui pesait sur l’homme à terre, le libérant de ses mouvements. Il tourna prudemment la tête sur le côté, refusant de contempler son corps à lui. Mais le massacre qui s’étendit sous ses yeux lui fit autant de mal.

Son arme était là, à un mètre à peine de lui ; il avait dû lâcher le dernier cadeau que lui avait offert Jiraya, ce kunaï dont il avait tellement pris soin, lorsqu’il était tombé de cheval.
Mais ce fut le corps de Neji, à trois mètres, peut-être quatre, qui eut le même effet sur l’homme que si le cheval lui était retombé dessus : Neji avait les jambes en bouillie et la tête enfoncée dans la terre ; le survivant sut que jamais plus il ne pourrait voir les yeux blancs de son ami.
L’homme se releva sur un coude et glapit de douleur ; sans doute plusieurs de ses côtes étaient elles brisées, ainsi qu’une hanche aussi. Il se rendit compte que sa tunique était abondamment tâchée de sang.

Il avait l’impression de peser une tonne sur son pauvre coude et la vision d’un guerrier corpulent, le visage serein comme s’il dormait, encadré de mèches auburn, son corps formant un angle étrange, ajouta encore un poids dans sa poitrine. Il allait se rallonger lorsqu’une couleur vive retint son attention, la seule couleur un peu moins terne que les autres dans ce paysage triste bientôt recouvert de nuit. La forme se trouvait à une dizaine de mètres du corps de Choji et l’homme n’en était pas tout à fait sûr, mais il lui semblait que c’était des cheveux. Des cheveux collés et souillés par la sueur et le sang. Des cheveux épars, emmêlés.

Des cheveux roses.

Le cœur de l’homme fit un bond gigantesque dans sa poitrine défoncée. L’adrénaline qui lui manquait tant se propagea dans ses veines et le guerrier, malgré sa faiblesse et son corps meurtri, s’élança en rampant vers la silhouette.
Il n’avait pas parcouru deux mètres qu’il se mit à cracher du sang. Il ne prit même pas la peine d’essuyer le liquide poisseux qui coulait le long de son menton et gouttait dans son cou. Il ne quittait pas de l’œil la masse rose là-bas, cette masse qu’il espérait tant voir frémir, même rien qu’un peu, rien qu’une seconde.
Le souffle lui manquait, il se traînait comme un vers sur le sol, bousculait des cadavres si abîmés qu’il ne pouvait même pas les identifier, suait lorsqu’il sentait un os cassé déchirer ses muscles et sa peau, mais il ne s’arrêtait pas.

Il avait l’impression que le temps ne s’écoulait plus tandis qu’il laissait derrière lui une large trace rouge. Alors qu’il avançait à une lenteur désespérante, il aperçut du coin de l’œil le vautour qui l’avait libéré, le bec enfoncé dans la chair du cheval tandis qu’il le déchiquetait avidement. L’homme se concentra de nouveau sur son objectif : les cheveux roses n’étaient plus qu’à quelques mètres. Il passa tout près de Choji ; il ne l’avait pas remarquée de loin mais Ino gisait, accrochée à son compagnon. L’homme refoula ses larmes et refusa de se souvenir de leur mariage, qui avait eu lieu quelques semaines seulement avant cette terrible bataille. A présent, l’Akimichi et la Yamanaka se trouvaient réunis pour l’éternité, loin de ce sanglant carnage. Et lui, l’homme plus courageux, plus résistant que les autres, devait rejoindre la seule raison de vivre qui lui restait encore.

Sa tunique se déchira sans qu’il y prenne garde et les cailloux vinrent se frotter à l’une des multiples blessures de son abdomen, écorchant un peu plus sa peau à vif et lui arrachant un pitoyable borborygme. L’homme s’arrêta une seconde dans sa course et tenta de juguler l’affreuse douleur ; mais alors qu’il essayait de calmer celle-ci, il lui sembla que toutes les autres blessures mortelles de son être s’ouvraient plus largement et que le sang s’échappait plus vite. Il se sentit horriblement mourir. Relevant la tête et happant du regard la tête rose toute proche, il tendit un bras devant lui et se remit à ramper. Il serra les dents, sentit ses narines se dilater, ses muscles brûler atrocement. Il poussait des gémissements incompréhensibles, l’ascension devenait trop dure. Mais il devait l’atteindre, il le fallait ! Il ne l’avait pas protégée, il ne s’était pas battu pour elle durant toute sa vie pour en arriver seulement là ! Dans un dernier mouvement de rébellion contre la mort qui l’attirait en son sein, l’homme poussa sur ses jambes et étira son bras vers le corps ; sa tête bascula en avant, et une mèche blonde lui tomba devant les yeux. Il la chassa en soufflant vaguement et déploya encore un peu plus son bras ; il parvint alors à effleurer les cheveux roses du bout des doigts. Il tendit l’autre bras et attrapa la tête devant lui ; il s’y accrocha, s’y appuya pour se mettre à genoux et marcher à quatre pattes vers le corps de la rose.
Il apposa une main contre sa joue pâle, attendit le temps d’un espoir ; puis il laissa libre cours à ses larmes.

Elle était belle, étendue là, dans son lit de terre rouge. Sa tunique frappée à l’emblème de son clan était juste un peu poussiéreuse, mais elle recouvrait sans pli sa silhouette élancée. Ses doigts fins étaient encore crispés sur son kunaï et sa jambe gauche légèrement surélevée, comme si elle avait esquissé un mouvement pour se relever et faire face à l’ennemi, avant d’entamer une gracieuse mais redoutable danse de la mort.
L’homme passa une main dans son cou blanc et s’étonna presque de le trouver glacé. Deux larmes s’écrasèrent sur le parterre souillé.
Sa bouche était entrouverte, ses lèvres retroussées dans un sourire figé. Quelques mèches rosâtres cachaient le front proéminent dont elle s’était toujours plainte. Ses yeux, ses grands yeux émeraude bien ouverts, reflétaient sans le voir le levé de la lune ; et l’homme remarqua, enfoncé exactement entre les deux yeux de sa femme, un clou brillant, d’où perlait une unique goutte de sang.
Il avait pensé ne jamais disposer d’assez de temps pour pleurer tout son chagrin si l’amour de sa vie venait à le quitter ; pourtant ses larmes se tarirent bien vite, et, après un dernier long regard sur son visage angélique, l’homme s’allongea aux côtés de celle qu’il aimait et inspira pour la dernière fois. Il prit alors le visage de la rose dans ses mains, l’approcha de lui et expira dans un ultime mot, ses lèvres contre celles de la jeune guerrière :

- Sakura…

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Elle sentait la peur se glisser insidieusement en elle tandis qu’elle avançait en tête de la petite armée, dont les soldats la suivaient bien docilement. Elle n’en montrait rien bien entendu, mais quelque chose clochait, elle le sentait et cela lui donnait envie de courir sans attendre personne, afin de s’assurer que leurs alliés tenaient encore le coup et qu’elle ne devrait pleurer aucun être cher à son cœur.
Car malgré les apparences et sa solide réputation d’implacable guerrière et d’ambassadrice guère douée en diplomatie, Temari No Sabaku était dotée d’une sensibilité. Pour preuve, elle s’était fiancée il y avait peu à l’ambassadeur du village de Konoha, sentiments sincères à l’appui, et avait accepté de bonne grâce de partager sa vie avec le fainéant le plus sexiste que la Terre ait jamais porté, le dénommé Shikamaru.
C’était lui qui avait envoyé un appel au secours à Suna la veille : Konoha avait été attaqué de front par l’Akatsuki et les ninjas n’étaient ni assez nombreux ni assez performants pour que le village de la feuille puisse remporter la bataille. Le message était court, concis, mais surtout rédigé à l’arrache et à peine attaché à la patte du faucon. Temari en avait conclu que l’heure était grave : Shikamaru était quelqu’un de minutieux et n’avait pas pour habitude, même en situation extrême, de bâcler son travail.
Elle porta son regard vers le lointain et vérifia que son éventail géant était toujours dans son dos. Son frère Gaara vint alors marcher à côté d’elle, fixant de ses yeux cernés de noir le même point qu’elle.

- Il se passe quelque chose d’anormal, déclara-t-il de sa voix profonde. Tu le sens toi aussi, n’est ce pas ?
- Oui, murmura Temari. C’est trop calme. Nous sommes presque arrivés, et pourtant je n’entends aucun bruit de bataille, rien.
- Je n’aime pas ça, dit Gaara.

La blonde distingua le haut des visages de pierre devant elle. Si elle courait, elle surplomberait Konoha et aurait une vue d’ensemble sur l’état du village en moins de cinq minutes.
Elle jeta un coup d’œil à son frère. Et courut.
Elle prit soin de faire de grandes foulées, en restant légère et attentive au moindre mouvement autour d’elle. Mais rien, pas une sentinelle, pas un ennemi, pas même un animal ou la brise du vent ne lui fit obstacle.

Elle ralentit sa course quelques mètres avant les visages de pierres ; elle s’arrêta et écouta. Toujours rien.

Elle se sentit lâche tout à coup : était-elle prête à assumer sa découverte ? Mais elle refusa de se retourner et d’attendre les autres. Elle était la sœur du Kazekage ; elle avait reçu un entraînement où elle avait appris à vaincre sa peur et à camoufler ses sentiments.

Elle ne pouvait plus reculer ; elle avança.
Un pas, puis deux.
Elle écarta les branches d’un buisson et se pencha légèrement.

- Gaara !! appela-t-elle.

Temari recula, prise de vertiges. Elle buta contre le buisson et s’écroula en arrière. Elle s’égratigna les coudes sur le gravier et se tordit le genou, mais elle n’en avait que faire.

Le Kazekage accourut et aida sa sœur à se relever. Puis il se pencha par-dessus les visages de pierre, lui aussi. Il n’émit pas un son et resta immobile plusieurs secondes. Temari le fixait, les yeux emplis de larmes. Gaara s’éloigna du massacre finalement, et, l’air impassible, il commanda :

- Dis aux soldats de rechercher les survivants, les enfants surtout. Quelques-uns descendront pour soigner les blessés, s’il y en a.

Mais Temari demeurait incapable de bouger. Gaara repartit donc vers l’escadron transmettre ses ordres lui-même.
Le silence était revenu, épais, insupportable. Temari eut un sanglot rageur et s’avança de nouveau.
En bas, dans la vallée qu’avait été le village de la feuille, des corps s’amoncelaient sur ce qui avait été des édifices. Ne restaient du village caché du pays du Feu qu’une terre inhospitalière et de la chair à vautours.

Temari s’empara de son éventail et commença à descendre la pente raide qui menait au val.
Elle glissa plusieurs fois, manqua de se rompre le cou et déchira ses vêtements contre les pierres aiguisées de la montagne. Mais elle s’accrochait à son éventail qu’elle plantait dans la terre cendreuse pour ne pas tomber. Elle sauta directement lorsqu’elle ne fut plus qu’à deux mètres du sol. Elle fut alors près des corps, des corps sans vie, détruits, les corps de ses amis pour certains.
Elle s’obligea à admettre que tout était encore possible et prit soin de prendre le pouls de chaque dépouille qu’elle croisait : mais aucun cœur ne battait plus. Certains, dont le corps d’Hinata au vu de ses cheveux violets, avaient la gorge trop abîmée pour que Temari puisse y poser l’index et le majeur.
En chassant avec colère des vautours qui s’amassaient autour des corps, Temari remarqua un homme adossé contre la paroi de la montagne.
Elle se figea.
L’homme avait les yeux fermés, les deux mains jointes sur sa poitrine.
Son habit de chuunin était relativement propre, mise à part la tâche rougeâtre qui s’étendait progressivement sur son gilet.
Ses cheveux noirs étaient attachés en ananas, et quelques mèches parmi les plus courtes tombaient de la coiffure et venaient titiller les cils du ninja.

Temari hoqueta et se précipita.
La tâche grandissait encore ; elle n’en revenait pas.
Elle avança une main tremblante vers le gilet de l’homme ; si le sang coulait toujours, cela voulait dire qu’il…

- J’aimerais mieux que tu me débarrasses des mèches qui me chatouillent les yeux, s’il te plaît.

Le souhait avait à peine été murmuré, du bout des lèvres. Il n’avait pas ouvert les yeux.
Temari douta de l’avoir entendu. Après un instant de silence interloqué, elle leva un bras et, tout doucement, écarta les quelques cheveux du visage de l’homme. Elle frissonna de tout son être lorsque son doigt effleura le front du chuunin. L’homme esquissa un sourire qui disparut aussi vite que le murmure. Temari cligna des yeux ; devenait-elle folle à prendre ses désirs pour des réalités ?
Pourtant l’espoir subsistait. D’une voix faible et chevrotante d’émotion, la jeune femme balbutia :

- Shika…maru ?

La réponse ne vint pas tout de suite. L’homme ouvrit et ferma plusieurs fois la bouche, comme s’il peinait à parler. Toutefois il sourit de nouveau et répliqua, dans un chuchotis toujours aussi bas :

- Temari… Je savais que tu viendrais…

L’ambassadrice de Suna avait la gorge trop serrée pour répondre. Elle saisit la main de son fiancé et la plaqua contre sa joue, comme pour la réchauffer. La main de Shikamaru était sale et froide.

- Ils sont tous morts, n’est ce pas ? continua-t-il tout bas. Tout est fini…
- Je suis désolée, eut le courage de prononcer la Sunienne. J’aurais dû arriver plus tôt, j’aurais dû…
- Allons, coupa Shikamaru en souriant de plus belle. Ma fille galère ne s’abaisse jamais à s’excuser… Tu es là près de moi, maintenant, et c’est tout ce qui compte. J’entends le son de ta voix pour… la dernière fois…

Son sourire faiblit, son teint pâlit un peu plus. Il semblait fournir un effort important. Temari ne put que l’observer, les lèvres tremblantes et les yeux emplis d’angoisse, tenant toujours sa main cadavérique contre elle.
Shikamaru ouvrit les yeux. Il couva sa fiancée de la chaleur de son regard sombre ; Temari se sentit assez forte pour dire, d’une voix partagée entre le sanglot et le rire :

- Qu’est ce que tu racontes, flemmard, je ne suis pas prête de ne plus te parler. Tu ne me quitteras pas aussi facilement !

Son regard vert se porta sur la tâche de sang lorsqu’elle martela ces mots. Avec mille précautions, elle ouvrit le gilet de son homme et souleva légèrement sa tunique imbibée de liquide vital. Juste en dessous du cœur, des filaments gris s’entremêlaient jusque sous la peau. Plusieurs avaient été arrachés avec violence, créant une plaie béante et profonde dans la poitrine de Shikamaru. Temari se sentit pâlir : c’était l’œuvre de Kakuzu, un éminent membre de l’Akatsuki. Comme pour calmer la haine qui envahissait sa compagne, Shikamaru lui signala :

- Kakuzu est mort. Il m’a infligé ça juste avant de sombrer…

Temari lutta contre une vague immense de chagrin qui la submergeait. Sans qu’elle puisse s’en détourner, les images des corps de tous ses amis, du village qui autrefois l’avait hébergée, à présent anéanti, la culpabilité et ce sentiment d’impuissance face à son fiancé qui s’en allait lentement, apparurent devant elle. Elle ferma les yeux, très fort, serra les dents à s’en faire mal, mais ne put retenir longtemps une plainte éraillé qui se répercuta en écho dans toute la montagne. Telle un animal blessé, elle se voûta et se blottit contre Shikamaru. Celui-ci soupira et tourna légèrement la tête vers elle.

- Tu seras forte, Tema ? demanda-t-il. Tu surmonteras tout ça, hein ?
- Non je… ne dis pas ça… on le surmontera à deux…
- S’il te plaît, fille galère…

Il referma les yeux ; une écume rosée se formait au coin de sa bouche. Temari, prise de panique, se mit à hurler :

- Qu’un ninja médecin vienne ! Vite !! A l’aide ! J’ai trouvé un blessé, venez vite !!

Elle se leva et s’égosilla dans la vallée :

- Gaara !! Au secours !! SHIKAMARU EST…
- Temari…

Il avait rouvert les yeux et la suppliait du regard. Il haleta :

- Mes vaisseaux sanguins… sont trop endommagés… Tu ne peux… rien faire…
- Tais-toi, implora la blonde en se jetant à ses pieds. Tu ne peux pas me laisser… Je t’en prie.
- Tema… je veux te voir… heureuse…
- Je ne le serai qu’avec toi !! Tu as toujours trouvé une solution à tout, Shikamaru… Bats-toi je t’en supplie !

Le Nara eut un demi-sourire et souffla :

- Je me suis déjà suffisamment battu aujourd’hui, tu ne crois pas ? Tema…ri… s’il te plaît… pour la dernière fois que je suis avec ma femme, je… souhaiterais qu’elle soit… sereine… ça me… rassurerait…
- Mais…

Grelottant, Shikamaru caressa maladroitement la joue de la Sunienne. Celle-ci le dévisagea de ses yeux larmoyants, puis eut un semblant de rire triste. Elle lui fit un tout petit sourire auquel il répondit, avec un air plus blasé que jamais. Il était vraiment beau.

Temari s’allongea tout contre lui et enfouit sa tête au creux de son cou. Il lui caressa les cheveux et, au bout d’un moment, elle crut entendre cet aveu, chuchoté presque précipitamment, comme échappé :

- Je t’aime…

Un vent frais fit frémir la jeune femme et passa entre les doigts de la main de Shikamaru posée sur sa tête, à présent immobile. Lorsque le vent s’éteignit, Temari eut l’impression que quelque chose la quittait à tout jamais. Elle se redressa ; la main de Shikamaru glissa et se heurta doucement au sol. C’était la blonde qui soutenait sa tête, et sanglotait sur ces yeux fermés et ces longs cils noirs, ces lèvres fines un peu trop pâles et ces traits détendus, reposés. Elle disposa son Shikamaru près de la paroi, sur le dos, le visage tourné vers les étoiles du soir et les nuages du lendemain, les doigts joints comme lorsqu’il élaborait ses stratégies. Elle recouvrit le corps d’une fine couche de terre ; elle resta longtemps, debout, bien droite, à le regarder avec amour, comme si elle attendait son réveil. Et puis, sans vraiment y penser, elle se détourna lentement, comme dans un songe, et se mit à marcher droit devant elle.

Les cadavres, les charognards, les bouts de vie n’existaient plus ; plus rien n’existait.

Elle aperçut Gaara, là-bas, agenouillé près de Naruto, à qui il fermait les yeux. Naruto son ami le plus cher, couché à côté de Sakura. Ils étaient biens tous les deux, à l’image d’Ino et de Choji ; juste un peu pâles, juste un peu loin de tout cela. Ils étaient partis, comme Shikamaru.
Comme les autres.

Gaara se releva et s’approcha de sa sœur.

- Ils sont tous morts, dit-elle d’une voix étonnement posée.

Il posa une main sur son épaule sans rien dire. Aujourd’hui, il n’y avait pas besoin de mots pour comprendre.

- Kazekage-sama ! appela un ninja.

Les No Sabaku se retournèrent. Le soldat, essoufflé, parvint à déclarer :

- Ils étaient cachés dans la montagne…

Derrière lui, des dizaines d’enfants se tenaient debout, silencieux. Ils avaient l’air fatigués, déboussolés, mais en bonne santé, constata Temari, soulagée. Le plus âgé d’entre eux s’approcha de Gaara et ouvrit la bouche ; mais son regard tomba d’abord sur Naruto et Sakura.
Le jeune Fu, tel le vent qui lui avait donné son prénom, se tut finalement et avança souplement jusqu’aux corps de ses parents, enchevêtrés dans une dernière étreinte qui cachait leurs affreuses blessures. Il les contempla ; puis une petite fille trottina et vint prendre sa main. Temari reconnut la fille de Neji, Hidemi.
Sous les yeux des ninjas de Suna, tous les enfants survivants se rassemblèrent autour des corps de Naruto et de Sakura. Naruto leur Hokage ; Sakura la fleur de cerisier de Konoha.

Les enfants de shinobi ne pleuraient que rarement ; à la place existaient des chansons pour les grands chagrins. Ce genre de chagrin dont même les larmes ne peuvent témoigner.

Ils reprirent donc en chœur, voix claires et chaudes dans le paysage nu et froid :

Imba wimbo
Wa upepo
Wakati unajiwa na
Imba wimbo wa upepo
Wakati ndoto tamu
Lala mapaka usiku uisheni
Upepo wa usiku
Wimbo wanko na
Wimbo wangu inaendelea milele…

Il faisait nuit à présent. Le soleil avait disparu.
La lune devait le pleurer, son compagnon qu’elle ne voyait pas. Et pourtant il était là, quelque part…
Une Volonté de Feu qui éclairait le ciel.


Et chey fini...

Je vous mets la traduction de la chanson, en anglais (je la trouve vraiment trop belle <3) :

Sing a song
And for a moment
You will be visited by the wind
Sing a song
And for a moment
Dream sweetly of the wind
Sleep now until the night is dawn
The wind and the night song, they are there
However the song, my child, will go on forever.

La trad en français est pas terrible je trouve, et c'est hyper approximatif en plus.

Sinon j'espère que vous posterez de nombreux commentaires :) j'en ai besoin pour m'améliorer, alors dites ce que vous pensez svp !
Merchi d'avoir lu <3
Zibouilles !