Shikamaru avait un visage grave. Son cerveau avait travaillé toute la nuit pour monter un plan digne de ce nom face à Renard Bleu. Ils avaient récolté suffisamment d'informations pour pouvoir espérer gagner contre leur adversaire. Alors, Shikamaru n'avait plus qu'à expliquer le plan à ses camarades. Temari, toujours aussi pensive, sirotait une menthe à l'eau alors que Sai et Kiba ne faisaient rien de particulier. L'un regardait ses pieds, l'autre son chien.
-Bon, la dernière étape de notre mission approche. On a déjà fourni le plus gros du travail. J'ai réfléchi à un plan. Mais il faut que vous soyez tous prêt à exécuter mes ordres, commença Shikamaru.
Tous acquiescèrent. Temari posa son verre pour écouter attentivement son camarade.
-D'abord, Kiba et Akamaru iront inspecter la maison de Lacet Rouge pour imprégner son odeur. Ensuite, ils pourront se préparer dans la forêt à la surprendre si elle s'échappe. Nous irons à sept heures demain matin chez elle, tous trois, pour la surprendre. Si nos informations sont bonnes, elle ne s'attendra pas à être dérangée pendant son bain. Ensuite, Temari, je te demanderai d'utiliser ta force contre elle. Et, si tu ne te sens pas capable de la tuer, je le ferai. -Et si elle s'échappait? -Je l'ai dit: Kiba devrait utiliser son flair pour la retrouver.
Le plan de Shikamaru était simple. Peut-être trop, mais il avait fait en fonction de ses camarades: leur force et leur mental suffiraient amplement à leur réussite, il en était certain. Alors, il les congédia et leur proposa de se reposer pour le lendemain, et tous s'éclipsèrent. Shikamaru monta à l'étage: il voulait parler à Sai. De ce qu'il s'était passé la veille, et qui semblait l'avoir tant perturbé. Il ouvrit doucement la porte, mais elle claqua aussitôt. Shikamaru leva les yeux face à lui, un courant d'air lui caressait le visage; La fenêtre était ouverte.
-Sai... Où es-tu donc encore passé?
*
C'était un tableau bien étrange. Les arbres avaient des allures humaines dans l'obscure clarté de l'aube. Leurs ombres s'étiraient et disparaissaient dans la forêt. Le vent flirtait avec elles dans un tremblement lugubre et glacial. L'atmosphère était encore humide de la nuit passée et les animaux ne paraissaient pas être si matinaux. La petite maison aux tuiles rouges était collée contre un chêne qui couvrait d'une branche son toit. Par ses fenêtres closes, une douce lumière s'épanouissait. S'il y avait quelqu'un, il ne dormait déjà plus. Et il y avait quelqu'un. Il y avait Renard Bleu, dans son bain. Shikamaru, Temari, Sai et Kiba s'étaient arrêtés à une dizaine de mètres de la petite cabane. Accroupis derrière un bosquet, ils surveillaient, invisibles, la maisonnette.
-Kiba, tu es prêt? -Parfaitement prêt, n'est-ce pas Akamaru? -Ouaf! -Alors, va te placer à côté de l'arbre. Sois attentif à chaque odeur, chaque mouvement... Ok?
Kiba acquiesça et sourit de toutes ses dents: il était excité par l'idée d'un combat. Il se faufila discrètement à l'emplacement défini par Shikamaru et se concentra sur la maison de Renard Bleu. Le jeune Nara attendit que son camarade soit prêt pour continuer ses explications. Il se tourna vers Temari:
-Reste avec moi. Toi, dit-il à l'attention de Sai, monte, tu pourras voir la scène d'en haut.
Sai arqua un sourcil, et obéit. Il se hissa facilement jusqu'à la branche du chêne et se laissa tomber doucement sur la maison. Shikamaru grimaça un instant, fit face à Temari, et lui confia:
-J'ai confiance en toi.
Son visage s'illumina d'un sourire, et elle le remercia doucement. Puis, ils hochèrent simultanément la tête et reprirent leurs airs sérieux; ils pénétrèrent dans la maison.
Leurs pas étaient invisibles. Ils volaient dans la petite cabane. Les couleurs chaudes, les meubles en bois, la cuisine bien rangée... Tout laissait penser que Renard Bleu s'était installée ici bien avant leur débarquement à Iwa. Ils progressèrent dans la bicoque, leur regard balayant la pièce chaleureuse. Tout portait à croire que vivait ici une femme banale, comme toutes les autres. Mais pourtant, c'était une espionne, une femme endurcie qui s'était enfuie et devait mourir. Cette idée traversa l'esprit de Shikamaru, qui se concentra. Une vapeur dense provenait d'une porte close. Comment aborder la situation? Défoncer la porte en imitant la chasse à l'indienne? Ou se la jouer gentleman? Temari n'étant certainement pas prête à se donner un rôle, démolit la porte dans un fracas assourdissant. Son éventail avait creusé un trou dans le bois, leur offrant une vue splendide sur une baignoire qui se vidait. Temari dégagea son arme et passa le cadavre de porte. La pièce embuée était tout ce qu'il y avait de plus vide. Temari ne réfléchit pas un instant: elle ouvrit tous les placards qui meublaient la salle d'eau et souleva les quelques serviettes de bain qui étaient soigneusement rangées près de la baignoire. Elle se mordit la lèvre sauvagement et se tourna vers son coéquipier.
-Elle s'est barrée! -Il y a longtemps? Demanda Shikamaru dans la précipitation. -Comment veux-tu que je le sache? En tout cas, elle savait qu'on allait venir...
Shikamaru fit volte face et sortit de la maison, suivi par Temari, dont les joues avaient rougi. De colère ou à cause de la chaleur? Allez savoir.
-Et comment tu sais ça?
Le jeune Nara se précipita en direction de Kiba et Akamaru qui comprirent dans les regards affolés qu'il y avait un problème. Un gros problème. Temari grimaça, un mélange hasardeux d'humour et de colère qui ne la mettait pas vraiment en valeur. Elle croisa les bras sur sa poitrine, avant d'avancer son explication:
-Elle a emporté sa brosse à dent.
Shikamaru sembla perdre mentalement pied. « Elle savait qu'on allait venir... » La réalité et le ciel lui tombèrent simultanément sur la tête. Ciel caché par un chêne, caché par le toit de la maison. Toit, où il n'y avait plus personne. Les quatre regards se figèrent et les mâchoires se contractèrent.
-Putain! Quel enfoiré! Grogna Temari en s'enfonçant ses ongles dans ses paumes. -On va lui faire la peau, à ce bâtard, n'est-ce pas Akamaru?
Shikamaru devait réfléchir. Ils devaient retrouver Renard Bleu. Il devait retrouver Sai. Et vite! Il s'accroupit sous les insultes de ses comparses, rejoignit ses mains dans sa position fétiche. Les jurons fusaient, mais le jeune Nara réussit à établir une combinaison.
-Kiba, utilises ton flair! Temari, suis-le de près, d'accord?
Un ange passa, et les deux amis se retournèrent vivement. Ils acquiescèrent. Kiba huma l'air et aboya à l'intention d'Akamaru, qui ouvrit la course. Le jeune garçon et Temari le suivirent instantanément. Shikamaru soupira longuement avant de laisser échapper un magnifique « Galère... » sorti droit du cœur. Il vit ses deux amis disparaître dans la forêt et se décida enfin à les suivre. Ses foulées n'étaient pas rapides. Il courrait, mais ne se pressait pas. Sa course dura longtemps; Renard Bleu devait avoir quelques kilomètres d'avance. Mais elle ne savait pas à quel point ses adversaires étaient rapides, intelligents et forts. Elle ne savait pas que s'enfuir ne servait à rien. Mais Sai le savait, lui. Sai... Shikamaru se répétait incessamment qu'il se devait de le retrouver. Il grogna dans sa course, et entendit au loin un cri. Si ce n'était pas la fâcheuse rencontre entre Temari et un sanglier, cela voulait dire qu'ils avaient enfin mis la main sur la renarde. Shikamaru cessa de courir. Il cessa aussi de marcher. Il leva les yeux et chercha le bleu du ciel parmi les feuilles des arbres.
-Sai, tu peux descendre. Je sais que tu es là.
Une ombre atterrit juste devant l'héritier Nara. Un sourire aux lèvres, il leva la tête vers le brun. Shikamaru expira longuement, alors que Sai balayait le chemin des yeux.
-Putain mais t'es un enfoiré ! Sérieusement!
Sai sursauta presque et regarda Shikamaru l'air surpris.
-On te faisait confiance et tout, et t'as quand même continué à nous trahir ! Après avoir récupéré ton foutu parchemin, tu aurais pu la laisser dans la merde, la renarde! Mais non... Fallait que tu respectes ta promesse « Vous inquiétez pas Renard Bleu, je vous sauverai! »... Foutaises! T'es vraiment chiant! Merde quoi. En plus, j'ai eu espoir que t'arrêtes tes conneries! Putain de merde, j'me suis fait avoir comme un bleu! Pfff, fais chier!
Shikamaru reprit son souffle. La colère l'avait empêché de parler lentement: il avait balancé ses sermons sans prendre le temps de respirer. Sai fixa son interlocuteur hébété, avant d'esquisser un sourire. Il tourna la tête et tressaillit. Plus de contrôle de soi. Seulement de la franchise, suivi d'un éclat de rire.
-Non mais te fous pas de ma gueule! Putain Sai, déconne pas! -Désolé...
Sai inspira profondément pour reprendre le contrôle de lui-même. Shikamaru fulminait de rage et de honte: il était conscient que son monologue était en lui-même exagéré. Alors qu'ils s'affrontaient, des cris et un grand fracas semblait toujours provenir de là où s'étaient arrêtés Kiba et Temari: leur combat durait. Mais le jeune Nara espérait qu'ils n'en auraient plus pour très longtemps.
-Mais, comment as-tu su... Que j'étais,.. là? Tenta Sai. -Tu oublies que je prends note de toutes mes observations. Tes absences régulières, et surtout celle d'hier soir, la présence d'un nouveau parchemin dans ton sac, et surt... -Tu as même vu le parchemin? -Oui, enfin; j'ai ouvert ton sac quoi. Parfois, il faut tenter le tout pour le tout.
Sai sembla être déçu. Peut-être qu'il trouvait enfin une once d'humanité dans ce cerveau formidable avec lequel il parlait. Déçu que Shikamaru ne soit pas la perfection mentale comme il aurait pu le penser.
-Mais j'ai compris que tu jouais la prévention quand tu es monté sur le toit de la maison de Renard Bleu, continua le manipulateur des ombres.
Sai interrogateur, il s'empressa de donner ses explications.
-Un ninja aussi bon que toi, espion en plus, sait que faire le moins de bruit possible est indispensable. Or, tu préfères risquer le toit au lieu de l'arbre. J'étais sur que quelque chose clochait. Mais quand on a compris que tu nous avais trahi... J'étais certain que tu n'étais pas parti avec elle, comme l'on surement pensé Temari et Kiba.
Sai était dubitatif. Comment avait-il pu réfléchir à autant de chose en quelques instants? Il devait avouer ne pas s'être enfui, seulement s'être élevé dans les arbres. La précipitation des ninjas de Konoha avaient emporté toute jugeote de regarder vers le ciel. Il avait donc pu surveiller le moindre mouvement sans penser être repéré. Mais là, le jeune Nara lui avouait qu'il savait toutes ses démarches. Sai était vraiment sur le cul.
-Malgré ton sale caractère, tu sais à quel point Kiba et Temari sont de bons ninjas. Tu savais que Renard Bleu n'aurait aucune chance, c'est pour cela que tu as préféré rester en arrière. Moi qui me sentait lâche à prendre de la distance lors des combats trop hargneux. Je me sens actuellement moins seul.
Shikamaru sourit, et releva ses billes brunes vers le judas. Un instant, il eut l'impression d'avoir saisit un quelque chose de sourire sincère. Illusion? Surement. Un hurlement suivi d'un vent puissant força les deux garçons à plisser les yeux.
-Je ne pensais pas Temari si forte: elle en a fini avec Renard Bleu. Et je ne pense pas qu'ils soient blessés, avança Sai.
Le minois de Shikamaru fut l'espace d'une ou deux secondes dévisagé par une grimace. En effet, il songeait à la réaction certainement brutale de ses deux amis face à ce traître de Sai. Impulsifs comme ils étaient, le peintre vivait peut-être ses dernières secondes. Alors il concocta un léger mensonge à mettre en place si Temari était motivée au crime. Il en fit part à Sai qui approuva -même s'il n'avait pas réellement le choix- et décida de faire confiance au génie.
*
Les silhouettes élancées de la blonde au fort caractère et du jeune Inuzuka se découpèrent dans la forêt, alors que leurs éclats de rire résonnaient dans l'ambiance fraîche du matin. La bonne humeur paraissait s'être emparée d'eux. Leur victoire avait eu raison de la traîtrise de Sai. Une fois devant Shikamaru, Temari et Kiba détaillèrent leur combat, comment elle avait fait voler Renard Bleu, comment Kiba s'était mangé un arbre... Mais surtout, en guise de preuve, Temari avait gardé le bandeau frontal de la ninja couverte de son sang. C'était le plus important. Kiba proposa de rentrer manger pour fêter ça, son ventre grognant bruyamment. Temari se moqua de lui et ils se mirent en route en direction de leur petit hôtel.
Sur le trajet, ils discutèrent ensemble. Ensemble signifiait alors Temari, Kiba et Shikamaru. Sai n'osait pas trop se faire remarquer. Il se savait en tort, l'assumait entièrement, mais n'était pas suicidaire pour autant. En réalité, il était trop préoccupé pour parler. Ses réactions face à Shikamaru étaient tant, insensées... Incroyables même! Rire, sincèrement. Se retenir de lui offrir un réel sourire. Parler comme s'il n'y avait jamais eu de problèmes. Tout cela ne lui ressemblait pas, pas du tout. Et pourtant, il avait réagi ainsi: les images repassaient au ralenti. Toutes, les images... « Parce que tu es vraiment bien foutu... », ses regards intenses, le baiser qu'il lui avait donné, ses réactions juvéniles et paniquées. Le plus choquant était de se souvenir ses réactions en début de mission, et à cet instant précis: c'était d'un contraste inexplicable . Une semaine venait de couler dans son esprit une seconde fois, alors que sa raison lui répétait incessamment qu'il devait cesser de se mentir.
Le prochain chapitre -> Un zeste de LEMON . Yep' !